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16 octobre 2007 2 16 /10 /octobre /2007 11:32

« Dom Juan ou le Festin
de pierre »… une « tartufferie »


Par Cédric Enjalbert

Les Trois Coups.com


Entre le palais présidentiel et les Champs-Élysées, tout proches des vénérables maisons Lenôtre et Ladurée, une autre belle vitrine, tout en velours rouge et en dorures : le Théâtre Marigny. Et dans la belle vitrine, une grosse pièce (montée). Le « Dom Juan », de Molière, mis en scène par Philippe Torreton, avec Jean-Paul Farré. Ça fait saliver, mais quand le festin tourne à la bonne grosse tarte à la crème, on reste sur sa faim.

dom-juan-affiche-web.jpgÇa commence par un hors-d’œuvre : des courtisans (cachés dans les enceintes), des membres de la compagnie du Saint-Sacrement peut-être, discourent sur ce gêneur de Molière, un contemporain qui dérange, un pendard auquel on réserve les pires sorts. On l’aura compris, Dom Juan est une pièce subversive.

À cette explication de texte franchement désobligeante pour la perspicacité du spectateur, répond l’entrée fort réussie de Jean-Paul Farré dans le rôle de Sganarelle. Mais, après quelques minutes de légèreté, déboule une grosse meringue en la personne de Philippe Torreton, fourré dans un costume bien ridicule. Des turbans, des rubans, des breloques et fanfreluches ; une chantilly capillaire le coiffe. Entrée d’Elvire. Une croix plus grosse qu’elle pend autour de son cou. On l’aura compris, elle, c’est la religieuse, une religieuse trompée par une meringue.

L’acte deux révèle deux comédiens talentueux (Nicolas Chupin et Florence Muller), paysans autochtones au pays de Molière. Tout y est : comique de geste, comique de situation, de parole, d’accent… c’est léger et l’on rit, pour de bon. Le seul acte qui semble juste. L’enjôleur Dom Juan (il a laissé sa meringue au vestiaire), le facétieux Sganarelle, le bon sens paysan, l’on entend enfin Molière. Pas pour très longtemps. Acte trois : Dom Juan dans les bois, et, là encore, rien ne nous est épargné : une forêt dégringole des cintres, un pendu pend au milieu de la scène, un pauvre hère erre un moment et la voix du commandeur commande, caverneuse évidemment… ça tartine, on en peut plus.

Entracte. Un trou normand eût été bienvenu. Ça ne se fait pas dans les théâtres parisiens. Le festin continue. Deux actes encore, façon tarte à la crème : Dom Juan chez lui, décor de vanité. À nouveau, tout y est : crâne, globe, vieux papiers, verre de vin… On l’aura compris, Dom Juan, c’est l’allégorie de la vanité humaine. Acte dernier : commandeur caverneux, fumées, lumières infernales. C’est le jugement divin, l’enfer. La meringue paye ses méfaits, les carottes sont cuites, fini les mignardises.

Pouah ! Tout cela est fort démonstratif, le propos univoque, le décor vraiment hors de propos (bien que de qualité), les costumes souvent risibles. C’est dommage, car les comédiens sont talentueux. Font défaut une interprétation véritable du sens de la pièce et une direction d’acteur en conséquence. Dom Juan est plus qu’une pièce, c’est un mythe complexe. Il eût convenu non de dire : voilà ce qu’est Dom Juan (un pécheur, une allégorie de la vanité humaine, un décadent qui symbolise les failles du genre humain), mais voilà ce qu’il pourrait être, voilà ce qu’il a à nous dire sur ce que nous sommes, voilà son actualité. Car Dom Juan, c’est aussi, du moins me semble-t-il, un questionnement tragique des figures de l’identité, une interrogation sur ce qui manque à cet « épouseur du genre humain », une question qu’il convient d’entendre et non d’envoyer comme une tarte à la crème à la face du spectateur.

Ce festin de pierre est un peu comme ces longs repas de famille chez une vieille tante : on est assis trois heures durant, on se baffre, c’est trop lourd, et surtout on s’ennuie, car on ne nous laisse jamais la parole. C’est là, en somme, que le bât blesse : Torreton fait de la pièce de Molière une « comédie bourgeoise », où le « grand texte » nous donne la parole, lui nous la coupe par une mise en scène insipide.

Encore soufflé par la rencontre de la meringue et de la religieuse, je reste baba devant cette tartufferie (non la tartufferie du Tartuffe, mais celle du tartuffo). Espérons que cela ne devienne pas la spécialité de l’acteur Torreton que l’on sait être, par ailleurs, un chef. 

Cédric Enjalbert


Dom Juan ou le Festin de pierre, de Molière

Mise en scène : Philippe Torreton

Collaboration artistique : Jean-Luc Revol et Pierre Cassignard

Assistante à la mise en scène : Keti Irubetagoyena

Interprètes : Philippe Torreton, Jean-Paul Farré, Yann Burlot, Caroline Charléty, Nicolas Chupin, Sophie-Charlotte Husson, Stéphan Jones, Serge Maillat, Florence Muller, Maximilien Muller

Décors : Alain Chambon

Costumes : Bonnie Colin

Lumières : Bertrand Couderc

Son : Éric Neveu

Création coiffure et maquillage : Véronique Nguyen

Théâtre Marigny-Robert Hossein • avenue Marigny • 75008 Paris

Mº Champs-Élysées-Clémenceau

Renseignements : 01 53 96 70 00

Location : 08 92 22 23 33

tmarigny@theatre-marigny.fr

www.theatremarigny.fr

À partir du 12 septembre 2007 à 20 h, mercredi à 19 h, dimanche à 16 h

Durée : 2 h 30

48 € | 38 € | 28 €

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commentaires

D
Je suis désolé et surpris en mêm temps.Vous manier très bien le verbe en effet, votre rhétorique et prfaite, comme celle de dom Juan. Seulment contrairement a lui vos arguments son inexistant. Lacritique du costume de D.J  en debut de pièce est tout a fait déplacer puisque le costume est décrit en didascalie dans l'ouevre initial, puis le costume rapelle les guerriés grec comme Alexendre, qui est mis en comparaison dans la tirade de l'inconstance (acte 1 scène 2).La mise en scène général est très bien faite (la foret, le pendu etc).Il est deceven de voir un critique s'appuier sur aucun argument valable.
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D
Cedric Enjalbert, que votre critique est décevante, racornie et aveugle. A manier le verbe si légèrement on n'en a pas pour autant les arguments. le début de Dom juan : une bacchanale : des ménades, des satyres : c'est-à-dire la naissance du théâtre. Dyonisos en fanfreluche et la tirade du tabac en tabou provocateur. Alors, le fait que vous n'ayez pas vu ni compris, que cette mise en scène était + que contemporaine est bien dommage : La mise en abyme du théâtre et de Dom juan comme la seule vérité qui peut émerger de notre siècle c'est une interprétation intérressante. Dom Juan, ses mensonges, ses jeux sont peut-être que des illusions mais ils les opposent à notre réalité tout autant mensongère mais qui se dit vraie. Le décalage entre le jeu contemporain et les décors du 17ème siècle ajoute à cette interrogation sur ce qu'est la vérité et le mensonge. la faillite d'un homme est dans le fait qu'il doive sombrer dans le mensonge des autres. ceci n'est pas une interprétation littérale et superficielle du mythe et j'en suis désolée.Relisez votre histoire du théâtre et vous verrez que la plus grande interrogation de Dom juan n'est pas seulement, n'en déplaise à votre interrogation à la Mireiile Dumas, une question de manque mais tout au contraire la possibilité qu'a l'homme, sa liberté, de créer comme Dieu, comme le poète un univers dont il fixe les règles au jour le jour et ce pour jouir et ne jamais mourir...
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U
Pardonnez moi mais je ne partage votre analyse de la pièce! Le Dom Juan frivole du début prend peu à peu conscience de ses méfaits....J'ai trouvé la mise en scène enlevée, excellente et les acteurs brillants. J'espère retrouver un jour sur scène le duo Farré/TOrreton ne vous en déplaise! Vous n'aimez pas la meringue??? moi si ! Cordialement
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