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Par LES TROIS COUPS
Duo pour un violon
Du théâtre visuel en musique pour une fable poétique et poignante autour des tourments d’une violoniste. Une très bonne surprise pleine de grâce nippone.
Cécile hésite, saisit son violon, joue quelques notes, le repose, recommence, échoue, s’entête, abandonne… pour finalement s’endormir. Un malin génie s’extirpe du fauteuil où elle choit. Commence alors une symphonie entre le vieil homme et la frêle violoniste.
Symphonie au sens propre, puisque de superbes morceaux de violon, joués sur scène par la jeune femme, rythment la pièce de leur douce mélodie. Mais également symphonie des corps, dans une joute endiablée, ponctuée par des numéros de danse, de mime, et de jonglerie.
Pour le spectateur interdit devant tant de beauté, le plus jouissif reste les actions cocasses réalisées avec bruitages par les deux acteurs, qui illustrent, dans un intérieur sobre mais coquet, les enjeux qui se trament. On entend l’eau qui coule, la fenêtre qui s’ouvre, les fruits qui tombent…
C’est le visuel qui domine, là où aucune parole n’est prononcée. Mais pas besoin de mots pour retranscrire avec exactitude le ressenti des protagonistes. Visages expressifs, yeux tantôt rieurs, tantôt tristes, mouvements lents et précis, figures souples et agiles suffisent à raconter une histoire. L’histoire d’une artiste en proie aux doutes, qui perd confiance, se dénigre, s’essouffle avant de renoncer. L’histoire d’un vieux sage qui s’évertue à lui redonner goût en la musique et tourne les pages de sa partition, comme il tournerait les pages de sa vie.
Au fur et à mesure, ce sont les vieux démons des deux acteurs qui ressurgissent au travers du médium vidéo, en noir et blanc. On entend la voix du professeur de musique qui résonne encore dans la tête de Cécile, fébrile et tremblante à l’approche de l’instrument. On distingue une fillette au destin déjà tout tracé. Et puis des soldats, des talents perdus à la guerre, auxquels Shu Okuno, le metteur en scène, rend hommage.
Lorsque la violoniste, sur fond de film de guerre et sous l’œil tendre et protecteur de son bienfaiteur, joue à la perfection un de ces morceaux qui restent longtemps gravés en mémoire, le spectateur prend conscience de toute la palette d’émotions que suscite cette œuvre et peut s’abandonner à quelques larmes.
La pièce, à portée universelle, éveille en nous toute la nostalgie de la figure paternelle et rassurante dans un duo de violons entremêlés. Avec force et douceur, elle nous transporte dans un univers féerique empli de cette caractéristique retenue nippone. Puissant. ¶
Julie Olagnol
Les Trois Coups
La Violoniste et l’Esprit de la chaise, de Shu Okuno
Compagnie Ôbungessha • 58, rue du Rendez-Vous • 75012 Paris
06 12 33 78 70
Mise en scène : Shu Okuno
Avec : Utaco Ichise, Shu Okuno
Musique : Yonguk Cho
Scénographie : Fumika Dubois
Photographie : Ko Oda
Lumières : Kaoru Onda
Film : Cie Alet Yu
Dans le film : Marie-Claude Théveny (maîtresse), Dimitri Rekatchevski (soldat), Yuka Fukushima (fille), Yuma Cordélia Ebe (Cécile)
Graphique : Kôs-CréA
Théâtre Golovine • 1 bis, rue Sainte-Catherine • 84000 Avignon
Du 10 juillet au 2 août 2008, tous les jours à 16 h 30
Durée : 1 heure
15 € | 10 € | 5 €
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