Le journal quotidien du spectacle vivant en France. Critiques, annonces, portraits, entretiens, Off et Festival d’Avignon depuis 1991 ! Siège à Avignon, Vaucluse, P.A.C.A.
Par Les Trois Coups
À bout de souffle
Par Estelle Gapp
Les Trois Coups.com
Sous la forme d’un poème à deux voix, Pascal Rambert raconte sa rencontre avec Kate, une comédienne américaine qu’il a dirigée dans « l’Épopée de Gilgamesh », à Avignon, l’été 2000. Créé en 2005 au Studio-Théâtre de la Comédie-Française, « le Début de l’A. » a voyagé jusqu’à Tokyo, avant de revenir à Gennevilliers, dans une double version, française et japonaise. Sur scène, les comédiens prêtent leur silhouette androgyne aux personnages, et ressuscitent la magie de cet instant éphémère : la naissance du sentiment amoureux. Une vibrante déclaration d’amour, à bout de souffle.
Au sol, un carré de peinture blanche délimite la ville, territoire anonyme. Sous la lumière crue des néons, elle, « la Contactée », apparaît comme un double de lui, « le Contactant ». Même jean foncé, même tee-shirt blanc, mêmes baskets. Entre ces deux êtres androgynes, une imposante moto rouge occupe le centre de l’espace, tel un monstre endormi. Comment faire naître l’amour, dans ce décor froid et inhumain ?
Comme égarés, l’un et l’autre, à l’opposé du plateau, l’homme et la femme parviendront-ils à se trouver ? La rencontre semble improbable. Le texte évoque les méandres de verre des galeries souterraines de l’aéroport : « Je vois le reflet de l’iris de ton œil dans la vitre. Tu ne me vois pas ? ». « Où es tu ? » interroge l’amoureux, inquiet. « Je suis là, derrière toi », murmure l’autre. Immobiles, face public, le regard fixe, les comédiens esquissent ensemble les mêmes gestes, dans une coïncidence parfaite. Ils entonnent la même ritournelle : « C’est le début de l’A. » / « The Beginning of / Love ».
Obéissant à une soudaine et irrésistible force d’attraction, les corps se dénudent et se rapprochent. Ils s’embrassent. D’un baiser violent, aride. On dirait les derniers survivants d’une humanité condamnée. Déjà, les corps se séparent. Ils revêtent les vêtements l’un de l’autre. Et le texte reprend. Mais les voix se sont chargées d’émotion. C’est « le début de l’A., le début de l’attente ». Sans rien laisser transparaître, on devine que les cœurs se mettent à battre plus fort. Mais, comme dans toute tragédie, même moderne, la mort guette. C’est l’accident de moto, fatal, inévitable. « C’est le début du début de la mort ».
Aiguisées par la douleur, les voix s’étranglent. Elles tentent de retenir les mots, vivants. « Où es-tu ? ». « Je suis là ». « Tout près ». « Tu ne me vois pas ? ». Dans un sanglot, on ressent tout à coup la révoltante fragilité de l’amour. Avec sobriété et justesse, les comédiens réussissent ce pari inespéré : redonner corps à l’humain, et ressusciter l’A. vie. ¶
Estelle Gapp
Le Début de l’A., de Pascal Rambert
Version française : coréalisation Théâtre de Gennevilliers et Studio-Théâtre de la Comédie-Française
Version japonaise (pour la première fois en France) : coproduction Théâtre de Gennevilliers et Théâtre Agora de Tokyo
Écriture et mise en scène : Pascal Rambert
Avec : Audrey Bonnet, Alexandre Pavloff (sociétaire de la Comédie-Française) (version française) ; Oriza Hirata, Toshiki Okada (version japonaise)
Création lumière : Pierre Leblanc
Création musicale : Alexandre Meyer
Théâtre de Gennevilliers • 41, avenue des Grésillons • 92230 Gennevilliers
Réservations : 01 41 32 26 26
Du 19 septembre au 19 octobre 2008 :
Version française : du 19 septembre au 5 octobre, les mercredi, vendredi, samedi à 20 h 30, les mardi, jeudi à 19 h 30, le dimanche à 15 heures, relâche le lundi
Version japonaise (surtitrée en français) : du 15 au 19 octobre 2008, les mercredi, jeudi, vendredi, samedi à 19 h 30, le dimanche à 15 heures
Durée : 1 heure
22 € | 15 € | 11 € | 8 € | 5 €
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