La poésie est la musique
de la pensée
Par Vincent Cambier
Les Trois Coups.com
Le mercredi 8 juin 2005, les élèves de 3e cycle du conservatoire d’art dramatique jouaient « l’Échange » de Paul Claudel.
Soyons clairs : je n’aime pas Claudel, ni l’homme ni l’écrivain. Mais je sais, définitivement, que l’auteur est un génie de la littérature : deux professeurs de faculté, Didier Alexandre et Bernadette Rey-Flaud, me l’ont brillamment démontré naguère à l’université. C’est un magnifique styliste, qui possède un sens aigu de la langue française et une force de travail hors du commun. Comme tous les grands, son œuvre est le fruit de 98 % de sueur et de 2 % de talent. Comme tous les grands, on pourrait dire que sa poésie est la musique de sa pensée, en adaptant la formule de Georges Steiner.
Du coup, c’est évidemment très difficile à monter. En ce sens, Pascal Papini et Éric Jakobiak placent la barre très haut. Mais je crois – je suis même sûr – qu’il vaut mieux être très exigeant que le contraire. De ce point de vue, ces deux professeurs respectent leurs élèves et leur font un beau cadeau. C’est le seul chemin de la progression, il n’y a pas d’exception à cette règle d’airain. Sinon, ça se saurait depuis longtemps…
Sidéré par les élèves du conservatoire
Louis et Marthe vivent apparemment heureux. Arrivent Thomas Pollock Nageoire, le financier intelligent et cynique de Wall Street, qui croit qu’il peut tout acheter, et Lechy Elbernon, l’actrice sudiste dévorée par le désir et minée par l’alcool. Ils veulent « jouer » avec les deux autres. Mais, d’emblée, la partie est inégale…
Globalement, je suis sidéré par la façon dont les jeunes élèves du conservatoire se sont approprié le texte de Claudel. Certains m’ont paru néanmoins plus justes ou plus flamboyants que d’autres. Ainsi, Hélèna Vautrin (Marthe) et Mathieu Boisliveau (Louis Laine) forment un couple magnifique, au bord de l’explosion. Quant à Sylvie Espérance, le corps imbibé de désir et de boisson, la rage moussant aux commissures des lèvres, elle porte le rôle de Lechy à incandescence. ¶
Vincent Cambier
L’Échange, de Paul Claudel
Travail dirigé par : Pascal Papini et Éric Jakobiak
Avec : Jull Lamain, Myrtille Bastard, Caroline Gonin, Benoît Miaule, Anna Sinsoilliez, Mathieu Boisliveau, Jérôme Garnier, Hélèna Vautrin, Ludovic Chaussalet, Julie Pradera, Agnès Bertille, Géraldine Martin, Sylvie Espérance, Blandine Robert et Guillaume Motte
Conservatoire d’art dramatique, salle Tomasi • 4, rue Bertrand • Avignon
Tél. 04 90 85 80 87
Mercredi 8 juin 2005 à 21 heures