Voyage intérieur déroutant
Si « le chemin se fait en marchant », il se fait presque toujours avec des bagages. Et quels bagages ? Souvent ceux que nous avons été chargés de porter. « Bag lady », littéralement la « femme au sac », nous invite à écouter, aux détours de sa route, ce qu’il y a dans son sac et qui l’empêche d’aller plus loin. Une errance qui mérite d’être entendue, certes, mais pas seulement. Une douleur profonde qui ne trouve malheureusement pas tout à fait l’écho qu’il faudrait au fond de nos âmes.
Nous sommes tous chargés d’histoires. Mais il y a des histoires plus lourdes que d’autres, plus emcombrantes, plus traumatisantes. C’est précisément le cas de cette jeune femme qui apparaît au lointain dans cet espace blanc et vide. Où sommes-nous ? Dans un terrain vague ? Un parking ? Un sous-sol ? Quelle importance ? Quelle importance pour cette femme qui en a tant sur le cœur ? Cette femme, au regard fort et sombre, qui vient de nulle part et qui semble pourtant aller quelque part, nous intrigue. Le silence et le néant qui l’entourent sont tout aussi intriguants. Aucun indice. Rien. Le vide.
Et pourtant, déjà, le blanc omniprésent des murs bruts raconte. Les poteaux réguliers et symétriques qui balisent son itinéraire sont autant de stigmates d’un passé tourmenté qu’elle fuit à pas incertains. Une poussière blanche parsème le sol comme une empreinte multiple de ses souvenirs dissous en elle. Tous ces petits détails, non laissés au hasard, agissent finement sur notre perception de sa présence. Il est vrai que cet espace en friche est particulièrement bien choisi, comme en écho au désordre intérieur de cette femme. À la manière de Marguerite Duras, ici « tout écrit ».
Puis il y a les mots. Des mots qui, au premier abord, ne font pas sens, mais qui se construisent peu à peu ensemble pour nous laisser percevoir, de-ci de-là, une bribe de souvenir, une confession confuse, un délire angoissant, une imagination pleine d’espoir. Des mots dont la poésie singulière est fondue dans le timbre de voix sombre particulièrement choisi de Cécile Garcia-Fogel. Une comédienne qui offre très justement son corps au tumulte de l’errance, son regard à l’espoir noir.
Ainsi, elle se montre devant nous autant fragile que forte avec une belle nuance tout en finesse. Une finesse de composition qui est remarquable, mais qui, néanmoins, ne nous touche pas autant qu’elle pourrait. Tel un ouragan de folie, de blessures, de cicatrices, les maux de cette femme écorchée vive ne nous suffisent pas. Nous avons besoin de respirer avec elle, mais cette respiration, comme une suspension nécessaire, n’est pas complètement au rendez-vous. Et c’est dommage. Car tout y est. Le texte et la mise en scène résonnent tous deux très fortement dans cet espace vide. Les images et les partis pris sont justes. La question de l’intensité reste en suspens, comme une touche de désordre intentionnel ou non. Baglady n’en reste pas moins un moment unique et vrai qui soulève des questions peu traitées au théâtre. ¶
Angèle Lemort
Les Trois Coups
Baglady, de Franck McGuiness (traduction de Joseph Long)
Théâtre du Nord • 4, place du Général-de-Gaulle • B.P. 302 • 59026 Lille cedex
03 20 14 24 24
Mise en scène : Stuart Seide
Assistante à la mise en scène : Fabienne Lottin
Avec : Cécile Garcia-Fogel
Scénographie : Charles Marty
Costumes : Fabienne Varoutsikos
Lumière : Jean-Pascal Pracht
Musique : Marc-Olivier Dupin
Maquillages : Catherine Nicolas
Photo : © Anne Nordman
Théâtre Gérard-Philipe • 59, boulevard Jules-Guesde • 93207 Saint-Denis
Réservations : 01 48 13 70 00
Du 24 mars au 12 avril 2009, du lundi au vendredi à 21 heures, samedi à 19 heures, dimanche à 15 h 30, relâche les 25, 27, 30 mars 2009 et 1er, 3, 7, 9 avril 2009
Durée : 1 heure
20 € | 15 € | 13 € | 10 € | 6 €