La fausse bonne idée
Par Lise Facchin
Les Trois Coups.com
Christian Schiaretti et sa troupe de Villeurbanne (T.N.P.) ont voulu remonter à la source du théâtre de Molière. On les comprend : Molière est d’une telle richesse ! Il pousse au rire tragique avec tellement de naturel ! L’idée n’était donc pas mauvaise : monter les pièces à canevas, qui, pendant treize ans sur les routes de France, ont été pour Molière, l’école de la dramaturgie. Oui, l’idée était loin d’être mauvaise… Quant au résultat, s’il n’est pas tout à fait raté, reste qu’il n’est pas à la hauteur de sa promesse.
Cinq pièces réparties en deux programmes : la formule 1, composée de Sganarelle ou le Cocu imaginaire, de l’École des maris et des Précieuses ridicules et la formule 2 qui nous intéresse ici : la Jalousie du barbouillé, le Médecin volant et les Précieuses ridicules. Comme vous pouvez le constater, il en est une qui revient deux fois. Normal : c’est la seule qui soit vraiment digne d’être portée au public… Que n’ont-ils présenté que les Précieuses ridicules ! Les deux pièces précédentes ne semblent que deux boulets attachés aux chevilles de la dernière… Hélas, c’est fatal, le spectacle prend l’eau !
Bien sûr, le texte de ces deux pièces courtes n’est pas fait pour porter des comédiens. Il s’agissait donc de retrouver un théâtre de corps, un théâtre de bruit, d’impulsion, d’interpellation. Les comédiens qui jouaient ces pièces dans des foires devaient intriguer le passant, créer une accroche qui le fasse rester. Bien sûr, Molière est pétri de commedia dell’arte. Il a connu Scaramouche, et la légende veut même qu’il ait été son élève. Bon, se dit alors M. Schiaretti, pour bien commencer, retrouvons l’espace. Il dresse donc des tréteaux à même la scène et tend un drap blanc sur une sorte d’échafaudage, qui sert de figuration de bâtiment. Pas de décors et très peu d’éléments de jeu (des chaises, une lanterne, guère plus) : les comédiens n’ont pas droit à l’erreur, tout le spectacle est sur leurs épaules !…
« la Jalousie du barbouillé » | © Christian Ganet
C’est ici que ça commence à coincer. Primo : pour que cela marche (que l’on parvienne vraiment à retrouver un spectacle proche de ceux du jeune Molière), il aurait fallu au moins que le public soit debout, et que les tréteaux soient quasiment montés sur le parvis du théâtre. Deuzio : il ne fallait pas laisser s’empêtrer ces pauvres comédiens, qui, manifestement, se sentent seuls dans leur jeu. Peut-être doivent-ils roder leur spectacle pour ne plus avoir peur du théâtre-tréteaux et parvenir à un niveau d’aisance où l’on sentirait une joie sans entraves ?
En réalité, on navigue dans un entre-deux (entre commedia et théâtre français, entre trivialité et cabotinage, entre grimace et rictus…), qui donne un effet assez comparable à une mousse au chocolat dont les blancs d’œuf retombent : ce n’est ni une crème ni une mousse. Ce n’est ni de la commedia ni du théâtre contemporain : c’est une tentative sans témérité.
Alors, oui, l’esthétisme est là comme une signature. Christian Schiaretti offre un théâtre régi par la règle fondamentale du beau visuel. Il y réussit. Toujours. Ici, les lumières, le squelette décharné de la structure scénique, le paravent-coulisses en arrière-scène, les déplacements, les costumes, participent d’une beauté visuelle simple et efficace. Mais, hélas, cela ne peut en aucun cas suffire : pour être vraiment ému, il nous en faut un peu plus.
Si la dernière pièce est une vraie surprise, foisonnante de trouvailles, originale et servie par des comédiens totalement entiers et présents, nous y arrivons tellement fatigués par l’heure d’ennui précédente, que cela ne peut que lui porter préjudice ! ¶
Lise Facchin
La Jalousie du barbouillé, le Médecin volant et les Précieuses ridicules, de Molière
Théâtre national populaire • 8, place Lazare-Goujon • 69627 Villeurbanne
04 78 03 30 00 | télécopie : 04 78 03 30 60
Mise en scène : Christian Schiaretti
Avec : Laurence Besson, Olivier Borle, Jeanne Brouaye, Julien Gauthier, Damien Gouy, Aymeric Lecerf, David Mambouch, Clément Morinière, Jérôme Quintard, Juliette Rizoud, Julien Tiphaine et Clémentine Verdier
Conseiller littéraire : Gérald Garutti
Costumes : Thibault Welchlin
Lumière : Julia Grand
Maquillage et coiffure : Nathalie Charbaut
Directeur des combats : Didier Laval
Chant : Emmanuel Robin
Danse : Véronique Élouard, Maud Tizon
Habilleuse en jeu : Aude Bretagne, Adeline Isabel
Techniciens en jeu : Luis Carmona, Fabrice Cazanas
Théâtre 71 • 3, place du 11-Novembre • 92240 Malakoff
Réservations : 01 55 48 91 00
Métro : Malakoff-Plateau de Vanves (ligne 13)
Formule 1 (Sganarelle ou le Cocu imaginaire, l’École des maris et les Précieuses ridicules : 3 h 25 avec entracte) : les 25 et 26 mars 2009 à 19 h 30, les 27 et 28 mars 2009 à 20 heures, le 7 avril 2009 à 19 h 30 et le 8 avril 2009 à 20 heures
Formule 2 (la Jalousie du barbouillé, le Médecin volant et les Précieuses ridicules : 2 h 20 avec entracte) : le 31 mars 2009 à 20 heures, le 1er et le 2 avril 2009 à 19 h 30, les 3 et 4 avril 2009 à 20 heures, le 5 avril 2009 à 16 heures, le 9 avril 2009 à 19 h 30 et le 10 avril 2009 à 20 heures. Intégrale (4 h 40 avec entracte) : le 29 mars 2009 à 15 heures
23 € | 16 € | 13 € | 11 € | 9 €