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23 avril 2009 4 23 /04 /avril /2009 22:28

Une eau au sel affadi

 

« Concerto en laminoir » de Vanessa Defasque et Nicolas Ronceux est une explosion de passions, dans l’univers feutré de l’harmonie musicale. Hélas, ses éclats sont atténués par une interprétation poussive. Voici le point de vue d’un figurant.

 

Je suis un poisson (très robuste) d’Asie dans mon bocal. Posé près d’un miroir, dans le coin d’une loge. De loin, me parviennent les échos assourdis de la scène où se joue du classique, ce me semble.

 

Quatre musiciens entrent et sortent en permanence, à m’en saoûler les branchies. Il y a ma maîtresse tout d’abord, Géraldine, qui transfère sur moi l’affection envers un chien dont elle ne peut faire le deuil. Un peu obsessionnelle, elle couvre sa coiffeuse de bondieuseries qu’elle astique en permanence. Elle rêve d’aller à Lourdes et pousse son mari à vendre leur théâtre pour se construire une maison.

 

Celui-ci, c’est Franck, en retard aujourd’hui, et au piano toujours en avance sur le tempo. Bousculé par le temps quand ce n’est pas par sa femme ou sa belle-sœur. Cette dernière, c’est Vanessa, la pulpeuse, la séductrice. Vanessa est la femme de Nicolas, le frère de Franck.

 

Me parvient parfois la voix criarde et vulgaire du régisseur, un Gérard à la Coluche, qui bouscule ce petit monde en glissant au passage une blague un peu salace. Trop décalé.

 

Je ressens surtout l’omniprésence de la mère défunte de Franck et Nicolas, en statue de la Commandeure. Sa mort a libéré Nicolas, qui assume enfin son désir homosexuel, et révélé la frustration de Franck de ne pas être le préféré de sa génitrice. Il se rejoue entre les deux quelque chose de l’enfant prodigue.

 

Dans ce huis clos, les quatre mélomanes jouent avec talent, même si leur mise en route est bien trop longue. L’interprétation manque de rythme. Pourtant la partition – cosignée Vanessa Defasque et Nicolas Ronceux – était belle. Le rire, décidément, ne se décrète pas. Je le vois bien aux mines fermées du public que je devine dans l’obscurité, qui ne se laisse pas entraîner par les mots cyniques des unes et les critiques des autres contre la religion.

 

Parfois, quand il s’agit de ma maîtresse, mes écailles se hérissent… quand déferle contre elle un rouleau d’arguments d’une rare violence. Dévote, elle est ridiculisée par son beau-frère. Coincée dans sa morale et son corps, elle est honnie par son époux.

 

Pour faire bonne figure, l’affiche présentait pourtant une burqa et un chapeau ashkénaze, mais la chair qui est ici crucifiée est catholique. Mis à part deux ou trois répliques, l’essentiel porte sur le pape et le préservatif, la récente affaire de Récife, les poncifs d’un certain catholicisme homophobe, taxé un peu vite de « fascisme ». Rien sur le Queen Boat du Caire ou les pendus de l’Iran.

 

C’est que l’adversaire de Nicolas, amoureux transi de David, est plus immédiat ; les propos du jeune homme, plus viscéraux aussi. Nicolas s’attaque à celle qui incarne la religion de sa mère, morte de la révélation de l’homosexualité de son fils bien-aimé. Pareille déconstruction est un peu à la louche, mais qui demanderait à un laminoir de faire dans la nuance ?

 

Je ne vous raconterai pas la fin, un « accident de chasse » m’a précipité dans les canalisations… Je serais pourtant bien resté si l’eau était mieux salée ou le courant plus oxygéné. 

 

Olivier Pradel

Les Trois Coups

www.lestroiscoups.com


Concerto en laminoir, de Vanessa Defasque et Nicolas Ronceux

Dans le cadre du IIIe Festival parisien du théâtre gay et lesbien

Mise en scène : Bruno Condroyer

Avec : Anne Azoulay (Vanessa), Franck Jouglas (Franck), Nicolas Ronceux (Nicolas), Alice Varenne (Géraldine)

Lumière, décor, musique : Bruno Condroyer, Nicolas Ronceux

Costumes : Virginie Portejoie

Théâtre Côté cour • 12, rue Édouard-Lockroy • 75011 Paris

Réservations : 01 47 00 43 55

Les 19 et 23 avril 2009 à 18 heures, le 20 avril 2009 à 20 heures, le 22 avril 2009 à 22 heures

Durée : 1 h 20

15 € | 12 € au profit de S.O.S.-homophobie

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