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29 juillet 2009 3 29 /07 /juillet /2009 22:00

Du théâtre ou du cinéma ?


Par Claire Stavaux

Les Trois Coups.com


Décidemment le Chêne noir affectionne les grandes causes et les apologies de martyrs ! Au programme de l’après-midi : une docu-fiction théâtrale sur l’affaire Sacco et Vanzetti, trop théâtrale ou pas assez, c’est selon…

Année 1927, à la prison de Cherry Hill aux États-Unis. Nicola Sacco, l’anarchiste italien condamné sans justice, n’a plus que quelques heures à vivre. Quelques heures avant la dernière décharge d’électricité, avant la nuit, avant l’oubli, avant la mort. Peur et solitude. Soudain lui apparaît comme en songe un autre détenu, Bartolomeo Vanzetti, son compagnon de route, son frère d’infortune. Un instant encore, tous deux se prennent à rêver, à évoquer leurs souvenirs et leurs angoisses, apprennent à affronter la mort, de face, en hommes libres, sans reculer ni fléchir, au service de la grande cause révolutionnaire. Entre hallucination ultime et fiction historique, le spectacle se compose de scènes en duo qui reconstituent l’itinéraire des deux hommes jusqu’au couloir de la mort.

Le problème avec les sujets délicats et « historiquement corrects » est que l’on cherche souvent à en faire trop au risque de ne pas en faire assez. Le texte d’Alain Guyard est en effet pétri de longues tirades sur la morale, la liberté de l’individu et l’engagement politique au-delà de la mort. Un spectacle « à thèse » pour dénoncer à grands traits l’injustice et l’intolérance.

Si le sujet est délicat, ce n’est pas le cas de la mise en scène qui ne ménage pas ses effets. Elle ne fait ni dans l’allusion ni dans la dentelle. La prestation d’ensemble est au fond très américaine. Elle rappelle une autre prison dans la baie de San Francisco, Alcatraz, forteresse transformée en musée à touristes, qui revivent l’enfer quotidien des incarcérés lorsqu’ils entendent des enregistrements de bruits de serrure et de cris de détenus. De même sur le plateau, des ampoules qui grésillent, des ombres de barreaux projetées, des bruits d’électricité ou de cachots qui se ferment et se referment, et surtout des chaises. Ainsi se crée une sorte d’illustration mutuelle entre le texte et la mise en scène, redoublée encore par le dispositif photographique.

Quant à Jacques Dau et Jean-Marc Catella, on les verrait volontiers derrière la caméra. Ils sont l’un comme l’autre d’excellents interprètes. À eux seuls, ils endossent une foule de rôles, font surgir les mânes de Sacco et Vanzetti et tous les spectres de leur procès-fantôme. Ces comédiens-caméléons débordent de vitalité, mais leur jeu reste attendu, sans surprise : clownesque quand il s’agit de dépeindre une justice illusoire et ses représentants corrompus (avec en prime quelques références très explicites à un homme politique assez « bling-bling »), dramatique et désespéré dans les geôles avant l’éternel repos. Le talent de mime des comédiens est d’ailleurs tel qu’on aurait presque pu se passer du texte parfois…

Sur mon siège, je ne me suis pas sentie véritablement « électrisée », ni révoltée ni en danger, mais plutôt bien en sécurité derrière un écran, avec l’impression d’assister à un documentaire bien joué. C’est la fin. Rafale d’applaudissements. Quelques rangées devant, une spectatrice conquise applaudit en dansant, emballée par la musique Bella ciao, le chant des partisans italiens, reprise en fin de spectacle pour enrôler le public. Allez, tous en chœur et en rythme pour tous les condamnés de la terre ! Je me sens mal, pas à ma place, avec le sentiment qu’on essaie de me séduire, d’arracher mon adhésion. 

Claire Stavaux


Sacco et Vanzetti, d’Alain Guyard

Monsieur Max Production • 127, avenue Émile-Cossonneau • 93160 Noisy-le-Grand

01 49 32 06 68

contact@monsieur-max.fr

www.monsieur-max.fr

Mise en scène et scénographie : François Bourcier

Assistante à la mise en scène : Nathalie Moreau

Avec : Jacques Dau et Jean-Marc Catella

Son et images : Philippe Latron

Création lumière : Romain Grenier

Musique originale et régie : Roland Catella

Photo : Caroline Coste

Théâtre du Chêne-Noir • 8 bis, rue Sainte-Catherine • 84000 Avignon

Réservations : 04 90 82 40 57

Du 7 au 29 juillet 2009 à 15 heures

Durée : 1 h 25

20 € | 15 €

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