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29 juillet 2009 3 29 /07 /juillet /2009 16:06

Contingences bien terrestres dans le monde des morts


Par Fatima Miloudi

Les Trois Coups.com


« Bardo todel » : une affiche, parmi d’autres, qui m’attire. Une couleur d’arrière-plan d’un vert fané, évocateur des limbes ; un visage de femme disparaissant dans les vagues de la mer et celles du souvenir. La traduction du titre : le Livre des morts tibétains. Des critiques dithyrambiques du Off 2008 : « Splendeur des scènes, langage sensible et universel ». Désir de partir à nouveau pour un ailleurs, atteindre les rives d’une autre perception. Ce ne fut qu’un doux rêve, qui a subi le rappel des plates contingences matérielles.

Le lieu, tout d’abord, n’est guère propice au caractère sacré. Salle aux carreaux de plafond blancs, aux larges spots de lumière intégrés. Pas de départ pour l’au-delà. Plus encore, le monde matériel me rattrape. Entrer ou non dans un spectacle dépend souvent de ce moment qui le précède, de l’attente qu’il suscite. Donnons les circonstances pour atténuer la critique.

La salle, The Garage international, à l’arrière de l’hôtel Mercure de la rue de la Balance, est quelque peu petite. Mais ce n’est pas là un critère. Deux rangées de chaises, des coussins à l’arrière sur une élévation ; posés à l’avant, à même le sol. En soi, rien de préjudiciable. Sauf qu’un spectacle a pour objectif d’être vu. C’est là que le bât blesse. Devant moi, un homme, de large corpulence et, assis devant lui, sur un coussin, un individu de grande taille. Il me faut donc ou me hisser sur ma chaise ou tomber dans les bras de ma voisine – presque dans ceux de Morphée – ou opter pour un torticolis. Tout cela aurait été presque supportable sans la mauvaise éducation de celui qui me cachait une partie du spectacle. Régulièrement, il reprenait, écartant le bras à qui mieux mieux, son troisième œil – Caméscope miniature que (ô misère !) certains promènent désormais à l’intérieur des théâtres. Et si c’était tout, passe encore. Quelques personnes sont en retard. On les fait entrer après le début du spectacle ; la lumière du jour encore présente à cette heure. Finalement, quelle importance, quand vous apprenez en toute fin, qu’un problème technique n’a pas permis la projection des textes explicatifs des différents tableaux. Décidément, pas de chance !

Trêve de remarques annexes. Le Shang Orient Theatre proposait donc une œuvre déjà présentée l’an passé : Bardo todel ou le Livre des morts tibétains. Il est censé permettre, par l’étude ou pendant la récitation au moment du décès, la libération des cycles de vies ou une meilleure réincarnation. Absolument ignorante du sujet, je voulais le voir en « images » et tenter de percevoir une pensée qui m’est totalement étrangère. Néanmoins, la mise en forme – le silence, la mélopée et la lenteur des déplacements – n’a pas suscité l’émotion espérée. Pourtant, l’interprète Li Tsuei-sun était entière, dans une concentration extrême, jouant parfois d’un regard profondément grave ou empli de terreur. Ses mains tremblaient. Elle traversait, semblait-il les méandres et les étapes d’un autre univers. Cela m’a laissée de marbre. Sans doute est-ce largement dû au manque informatif. Néanmoins, l’évolution était vaguement compréhensible. Ah ! Cette difficulté de l’esprit cartésien ! On conseille souvent de se laisser porter par le mouvement quand on ne comprend pas. Je laisse alors de côté les écueils culturel et technique et je vais tenter de conserver indemnes quelques beaux instants.

Étendus sur une planche de bois, le vêtement de la défunte et un masque mortuaire, que son âme, déjà vagabonde se réapproprie. Moment de grande douceur. Le visage aux yeux clos, associé à la lenteur des gestes, ouvre à une autre dimension. Plus tard, un autre masque, celui qui veut adhérer au visage et que, repoussant de toutes ses forces, elle tente, en vain, d’arracher. Juste avant, elle recueille comme une enfant la marionnette à un pied – le sien –, façonnée autour de son genou. Encore, la danse du voile noir quand, après la confusion des sens et des bruits, elle accède à la plénitude du silence. Pour finir, l’emprisonnement dans la cage fœtale de la réincarnation et la nouvelle naissance. Il est dommage que ces quelques instants ne soient justement que des instants et que l’ennui ait accompagné le reste du parcours. Quelles images a donc conservé, dans sa boîte à souvenirs, l’homme qui se trouvait devant moi ? 

Fatima Miloudi


Bardo todel

Interprète : Sun Tsuei-sun

Créateur et mise en scène : Li Tsuei-sun

Lumières-technicien : Venon Kawashima

Musique : Rhydian Vaughan

Masques et décor : Grant Bailey

Costumes : Li Tsuei-sun, Shao Chi-chen

Lumière : Jo Haw-lai

Photo : Grant Bailey

Administration : Hung Chieh-cheng

The Garage international • hôtel Mercure • rue de la Balance • 84000 Avignon

Réservations : 04 90 80 93 93

Du 17 au 31 juillet 2009 à 20 h 30

Durée : 1 heure

15 € | 10,5 €

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