Récemment, la Cie André-Morel offrait une représentation des « Bonnes », de Jean Genet. Il s’agissait d’un atelier, avec des complices de longue date, présenté au public le samedi 14 février. Une centaine de personnes étaient présentes ce soir-là. Ce qui, en soi, est déjà un succès, à cette période de l’année. Qui dira encore qu’il ne se passe rien à Avignon, en hiver ?
La pièce de Genet, on le sait, est implacable. Elle exsude patiemment, avec une précision de comptable des âmes, la méchanceté et la haine. Le tissu verbal est également brodé de saphisme latent. C’est dire si cette œuvre est intéressante et provocante !
À l’heure où le fossé entre les riches et les pauvres n’a jamais été aussi grand, où la pieuvre capitaliste étend son emprise partout et où ses tentacules adhèrent de plus en plus fort, où le pouvoir est devenu une drogue dure, les Bonnes résonnent avec une rare cruauté dans nos oreilles blasées ou défaitistes.
En ce qui concerne la mise en scène, les décors et les costumes, André Morel a opté pour une irréductible sobriété. C’est à prendre ou à laisser. On peut penser que la pièce impose cette épure glacée ou juger, au contraire, que ce parti pris « gèle » le spectateur.
En tout cas, cette extrême simplicité ne permet pas la moindre maladresse au jeu des comédiennes. Et c’est précisément là où le bât blesse. Élisabeth Béranger (Madame) et Chantal Raffanel (Claire), sans doute torturées par le trac, ne sont guère convaincantes. En revanche, Jane Roux (Solange) s’impose, dignement, avec le talent qui laisse supposer, sous une apparence froide et blanche, l’ébullition de sentiments contradictoires et la béance d’abîmes insoupçonnés. ¶
Vincent Cambier
Les Trois Coups
Les Bonnes, de Jean Genet
Mise en scène : André Morel
Avec : Élisabeth Béranger, Chantal Raffanel et Jane Roux
Théâtre du Bélier • 53, rue du Portail-Magnanen • Avignon
04 90 82 51 83