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Par Les Trois Coups
Une Iliade shakespearienne
par le Théâtre-Odyssée
Le cadre de « Troïlus et Cressida », c’est la guerre de Troie. Vous connaissez l’histoire, je ne vais pas vous la raconter. Mais, à travers celle-ci et la vision qu’en a Shakespeare, Jean-Christophe Barbaud innove par un vrai regard de metteur en scène. En effet, il met en relief les résonnances actuelles de ce conflit, de tous les conflits. Il suggère l’absurdité de toutes les guerres en octroyant à chaque comédien un rôle de Grec et un rôle de Troyen, ou un rôle d’Anglais et un rôle d’Indien, ce qui, ici, revient au même. Les figures du colonisateur et du colonisé sont éternelles… Au cœur de cet univers conflictuel, les histoires d’amour ne peuvent qu’être immolées sur l’autel de la raison d’État. Troïlus et Cressida paieront le prix fort pour le savoir.
Le seul problème de ce spectacle vient de la longueur du texte shakespearien (deux heures et quart). Le grand Will se laisse aller à quelques passages verbeux, quelques redondances, quelques répétitions, qui entament notre attention. Quand on sait que Jean-Christophe Barbaud – qui en est également le traducteur – a coupé deux heures du texte original… ça laisse rêveur !
Ceci étant dit, la compagnie Théâtre-Odyssée, composée exclusivement de jeunes comédiens, maintenant établie sur Avignon – soulignons-le –, témoigne une énergie peu commune et rafraîchissante. Gwenola Sanquer, Sylvain Renard, Jérôme Frossard, François Mecili, Yves Passard et Vincent Roumagnac ont tous un jeu trépidant et efficace. Ma préférence personnelle va toutefois à Jérôme Bru pour sa jubilante bouffonnerie.
Les décors et accessoires de Claude Gustavson et de Jocelyne Ansas, les costumes de Magali Fustier et de Tony Arcas sont absolument somptueux. Les lumières de Gérald Savornin sont magnifiques d’intelligence dramatique.
Quant à la mise en scène de Jean-Christophe Barbaud, pourquoi ne pas le dire tout net : c’est la plus belle que j’aie vue lors de ce Off 1997. Cet homme a un sens inné du déplacement des comédiens, de la profondeur de champ, du contrepoint musical, du raffinement des costumes et des éclairages, qui laisse pantois d’admiration. Cette mise en espace est l’œuvre d’un grand peintre. Qui n’a pas confondu « esthétisation » et « beauté ». ¶
Vincent Cambier
Les Trois Coups
Troïlus et Cressida, de William Shakespeare
Mise en scène et traduction : Jean-Christophe Barbaud
Théâtre Pascal-Catto • 13, boulevard Saint-Ruf • Avignon
04 90 14 99 33
Du 10 juillet au 2 août, à 20 heures (2 h 15)
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