Par Vincent Cambier
Les Trois Coups.com
« Je suis la plaie et le couteau ! / Je suis le soufflet et la joue ! / Je suis les membres et la roue, / Et la victime et le bourreau ! », disait Baudelaire dans son magnifique Héautontimorouménos. Ash et Margot vont jouer à ce jeu sadomasochiste particulièrement dangereux. Comme nous tous, dans nos histoires d’amour, nos histoires de vie. Ash et Margot vont donc essayer de s’aimer. Mais « l’amour ne supporte pas le dilettantisme ».
Ash, qui croit « savoir regarder les gens », qui observe notre « quelconquerie », « guette la catastrophe ». Il oublie malencontreusement que la « lucidité est aussi une manière de mourir ». Il terminera dans la peau du ricaneur, peut-être parce que « rien ne pimente plus le style que le ricanement ». Pauvre esthète ! Interprété avec envergure et grande sobriété par Jean-Michel Noirey, il continuera, blessé à jamais, à proférer, de sa voix chaude, des aphorismes glaçants, et préférera s’abandonner au désespoir.
En revanche, Margot, incarnée avec une belle conviction par Isabelle Malin, d’abord digne petite poupée cassée, la fêlure au bout de l’âme, le sourire lumineux cousu de spleen, finira, elle, « entre la folie et la saloperie », par choisir la vie.
La pièce d’Enzo Cormann, jouée pour la première fois, au Festival d’Avignon, est une des plus belles que nous ayons vues. La mise en scène de Sophie Duprez-Thébault est comme une évidence.
Il faut aller voir Âmes sœurs, car entre notre monde et notre rêve du monde, il y a… le théâtre. ¶
Vincent Cambier
Âmes sœurs, d’Enzo Cormann
Mise en scène : Sophie Duprez-Thébault
Avec : Jean-Michel Noirey et Isabelle Malin
Théâtre de l’Escalier-des-Doms • 1 bis rue des Escaliers-Sainte-Anne • Avignon
04 90 14 07 99
Tous les jours à 12 heures
Tarifs : 85 F et 60 F