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Par Les Trois Coups
Une émotion remise
au lendemain
Par Élise Ternat
Les Trois Coups.com
« De beaux lendemains », célèbre roman de Russel Banks, porté à l’écran par Atom Egoyan en 1997, revient dans une adaptation à la scène signée Emmanuel Meirieu dans le cadre des Nuits de Fourvière. À cette occasion, le metteur en scène a fait appel à des comédiens de choix dans une distribution des plus alléchantes. Pourtant, là où l’écrivain parvient à nous introduire au plus près de la souffrance des personnages, on se demande s’il en va toujours de même dans cette nouvelle adaptation.
À l’arrivée dans les gradins de l’Odéon, on découvre la présence du musicien Raphaël Chambouvet jouant du piano en fond de scène tandis que la nuit tombe. Semblable à un lac gelé, le sol est recouvert de neige, comme si le vent du Nord sévissant sur les hauteurs de Fourvière avait déjà glacé les lieux. Pour uniques éléments, une chaise et un micro sont disposés au centre de l’espace. Tout est là. On comprend alors qu’à travers cette mise en scène épurée, Emmanuel Meirieu a pris le parti de s’appuyer avant tout sur le jeu des comédiens.
De beaux lendemains est un roman à quatre voix où chacun des personnages raconte tour à tour sa propre vision d’une même tragédie : par un petit matin d’hiver, le bus de ramassage scolaire glisse sur la neige, tombe dans un ravin pour finalement sombrer dans un lac. La mort des enfants plonge la petite ville de Sam Dent dans une profonde tristesse… Pour incarner chacune des voix, Emmanuel Meirieu a donc choisi de s’entourer de Nicole Garcia, dans le rôle de la conductrice du bus scolaire accidenté. Richard Berry, lui, compose un père inconsolable de deux enfants morts. On retrouve également Hippolyte Girardot en avocat new-yorkais poursuivant avec hargne et passion les éventuels responsables de l’accident. Enfin, Nicole Burnell, unique survivante, est incarnée par la jeune Judith Chemla.
« De beaux lendemains » | © Loll Willems
Parmi ces quatre incarnations, difficile de ne pas percevoir deux niveaux de jeu. Là où la pièce s’annonce vibrante de gravité, on ne pénètre au cœur de cette dernière qu’au bout d’une quarantaine de minutes. En effet, les prestations de Nicole Garcia et de Richard Berry, qui marquent le début de la pièce, semblent trop faibles pour que le public se prenne au jeu. Les nombreuses hésitations devant un texte lu rendent les personnages inconstants voire peu crédibles, et les témoignages de ces êtres brisés se laissent écouter passivement. Heureusement, la suite de la pièce marquée par l’arrivée d’Hippolyte Girardot se fait plus saisissante et avance crescendo en direction d’un jeu où se conjuguent justesse et intensité. Ce jeu poignant de vérité capable de susciter une grande émotion chez le spectateur atteint son apogée grâce à l’intervention de la jeune et prometteuse Judith Chemla, dans la peau de l’adolescente lucide et brisée, ayant quitté prématurément le monde de l’enfance.
Tout au long de la pièce, les propos des quatre personnages sont accompagnés au piano. Les morceaux joués renforcent le pathos des témoignages en alternance avec une bande-son. Des rires d’enfants, des ronflements du bus se mêlent à un titre des Doors ou encore à un morceau des Radiohead, remarquablement chanté d’une voix de soprano par Judith Chemla, qui semble décidément cumuler les talents. La scénographie, enfin, consiste en un habillage de détails tels que des bougies, des ballons lâchés au vent comme des ersatz de chaleur dans un univers glacial de désespoir.
À travers cette adaptation du texte magnifique de Russel Banks, Emmanuel Meirieu nous offre un spectacle à l’esthétique épurée dont le jeu porte en lui les germes d’une grande intensité. Hélas, l’émotion suscitée par cette histoire, à trop se faire désirer, laisse finalement un arrière-goût d’inachevé. ¶
Élise Ternat
De beaux lendemains, de Russel Banks
Mis en scène, produit et adapté pour la scène par Emmanuel Meirieu
Assistant mise en scène : Loïc Varraut
Avec : Nicole Garcia, Richard Berry, Hippolyte Girardot, Judith Chemla
Enfants : Juliette Héliot, Ana Julia Ignacchiti, Louise Meirieu, Elio Petri
Avec la voix de Natasha Cashman
Décor et lumières : Seymour Laval
Son : François Vatin
Costumes, conseil artistique : Géraldine Mercier
Costumes avec la complicité de Noam Benchemoun
Musique : Raphaël Chambouvet
Construction décor : Gabriel Guenot, Benoît Deunette
Peinture : Christelle Crouzet
Stagiaire décor : Lia Verrier
Avec la participation de Thibaut Bonnot-Roux
Une coproduction Les Nuits de Fourvière, Bloc opératoire
Odéon • Les Nuits de Fourvière • 1, rue Cleberg • 69005 Lyon
Réservations : 04 72 32 00 00
Samedi 20, dimanche 21, lundi 22 et mardi 23 juin 2010 à 22 heures
Durée : 1 h 40
25 € | 20 €
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