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Le journal quotidien du spectacle vivant en France. Critiques, annonces, portraits, entretiens, Off et Festival d’Avignon depuis 1991 ! Siège à Avignon, Vaucluse, P.A.C.A.

Festival Jazz à Vienne (38), 30e édition, du 25 juin au 9 juillet 2010, chronique nº 1

À Vienne, déjà une reine…


Par Jean-François Picaut

Les Trois Coups.com


Pour la trentième édition du festival Jazz à Vienne, son fondateur et directeur artistique, Jean-Paul Boutellier [voir entretien ici], a concocté un programme à l’image de ce qui a fait le succès et la pérennité de la manifestation : un savant dosage de stars, de vedettes déjà affirmées et de découvertes, dans toutes les familles du jazz sans s’interdire quelques incursions dans les musiques voisines ou parentes.

Lundi 28 juin 2010

Le Théâtre romain (7 000 places) a déjà vibré, en trois jours, pour Paolo Conte, Paco de Lucía, Dorado Schmitt, et Lizz Mc Comb, excusez du peu. Ce soir, la scène accueille à nouveau du jazz vocal avec les Manhattan Transfer et une violoniste, Regina Carter.

Du Manhattan Transfer de 1969 (allusion au roman éponyme de John Dos Passos), il ne reste plus que le leader, Tim Hauser. Janis Siegel et Alan Paul ont intégré le groupe en 1971 et le quartette a été complété plus tard par Cheryl Bentyne. Avec ses voix de soprano, alto, ténor et basse (structure calquée sur une section de saxophones), ce quatuor vocal a collectionné les Grammy Awards. Ce programme offre donc du sûr, du confirmé. Pourquoi faut-il, alors, qu’on reste sur sa faim malgré le talent indéniable des musiciens accompagnateurs : Yaran Gershovky (claviers), Adam Howley (guitare), Gary Wicks (basse) et Steve Hass (batterie) ? Peut-être parce que le produit, trop léché et rodé, paraît froid et sans âme. Il y manque, en tout cas, ce coup de folie qui fait régulièrement chavirer Vienne.

Ce supplément d’âme est assuré par Regina Carter (violon) et son quartette magique : Ba Cissoko à la kora, Will Holshouser (accordéon), Chris Lightcap (contrebasse) et Alvester Garnett aux percussions. Leur programme, tiré du dernier album de Regina Carter, Reverse Thread (E1 Music 2010), a enthousiasmé ce soir le Théâtre romain avant d’enflammer le Club de minuit, mardi.

Regina Carter, violoniste quadragénaire originaire de Detroit, est une instrumentiste généreuse qui vit pleinement sa musique. Quand on lui demande pourquoi elle a choisi le jazz, alors qu’elle a une formation classique couronnée par des diplômes prestigieux, elle répond par cette belle formule : « Ce n’est pas moi qui ai choisi cette musique, c’est la musique qui m’a choisie ». Celle qui a eu l’honneur de se voir confier, par deux fois, un violon ayant appartenu à Paganini, interprète ici une musique largement inspirée par ses racines africaines et principalement la musique mandingue du Mali. Mais on trouve aussi dans son programme des pièces venues de Madagascar ou d’Irlande, et certaines font penser à la musique cajun. Miracle du melting-pot industriel de Detroit ? En tout cas, le rythme et l’émotion sont toujours au rendez-vous, et Miss Carter la virtuose ne ferme jamais la porte à Regina la sensible. Le festival tient là une belle reine au nom prédestiné. Dans son quatuor remarquable, il faut sans doute distinguer plus spécialement la kora de Ba Cissoko et l’accordéon à touches piano de Will Holshouser.

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Regina Carter | © Jean-François Picaut

Cette soirée se conclut au Club de minuit par la prestation d’un groupe musical dont la moyenne d’âge est de 33 ans. La performance paraît d’autant plus remarquable quand on sait que le doyen en est le vibraphoniste Michel Hausser, quatre-vingt-trois ans ! En effet, les membres du quintette Youngblood sont, eux, âgés de 21 à 25 ans. L’octogénaire aux poignets toujours agiles et sûrs ne tarit pas d’éloges sur ses jeunes compagnons, et il a raison. Ils illustrent bien la formule cornélienne selon laquelle « la valeur n’attend pas le nombre des années ». Ces jeunes prodiges de la scène lyonnaise ne se contentent pas d’être des virtuoses, ce sont aussi des musiciens accomplis, et leur culture jazzistique n’a d’égale que leur sensibilité. Retenez bien ces noms, vous en entendrez parler prochainement et pas seulement à Lyon : David Enhco (trompette), Jon Boutellier (saxophone ténor), Fred Nardin (piano, il compose aussi), Joachim Govin (contrebasse) et Nicolas Charlier (batterie).

Mardi 29 juin 2010

Aujourd’hui, deux grandes stars internationales et deux générations se partagent la grande scène du Théâtre romain : Brad Mehldau en solo et Wayne Shorter en quartette.

Faut-il parler de Brad Mehldau ? Le pianiste ne le souhaite sans doute pas puisqu’il a décliné la proposition d’un point de presse et refusé la moindre capture d’images. Au surplus, que pourrions-nous ajouter que nous n’ayons déjà dit ici lors de Jazz sous les pommiers ?

C’est donc l’occasion de louer le remarquable travail accompli par l’équipe qui sonorise la grande scène. En effet, Brad Mehldau n’est pas seulement un grand artiste, c’est aussi un athlète du piano capable de déchaîner toute la puissance de son instrument, qui n’est pas mince. Mais il sait aussi, comme les grands fauves, discipliner sa force et s’exprimer dans des passages d’une suavité et d’une légèreté incomparables. Or le fracas n’est jamais chaos et la note la plus ténue s’entend : les vertus, immenses, de l’acoustique romaine ne sont pas seules en cause.

L’âge a épaissi la silhouette de Wayne Shorter, qui lui non plus n’a pas voulu de point-presse, et elle a alourdi sa démarche. Le piano lui fournit fréquemment un appui secourable. Mais le souffle, lui, est intact, et sous ses paupières mi-closes le grand fauve veille au grain. Accompagné par Danilo Perez au piano, John Patitucci à la contrebasse et Brian Blade à la batterie, Shorter, aux saxophones ténor et soprano, a donné un concert qui n’a pas déçu ses aficionados. 

Jean-François Picaut


Festival Jazz à Vienne (38), 30e édition, du 25 juin au 9 juillet 2010

Festival Jazz à Vienne • 21, rue des Célestes • 38200 Vienne

Tél. 04 74 78 87 87

Fax 04 74 78 87 88

Renseignements : www.jazzavienne.com

Billetterie : billetterie@jazzavienne.com

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Infoline : 0892 702 007 (0,34 euros/min)

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