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Le journal quotidien du spectacle vivant en France. Critiques, annonces, portraits, entretiens, Off et Festival d’Avignon depuis 1991 ! Siège à Avignon, Vaucluse, P.A.C.A.

« Golgota », de Bartabas (critique), La Filature à Mulhouse

Fusion des corps, communion des âmes


Par Maud Sérusclat-Natale

Les Trois Coups.com


Sur plateau de La Filature de Mulhouse, Bartabas s’est invité en compagnie du danseur sévillan Andrés Marín pour un ballet mystique et puissant, presque irréel.

golgota-300 hugo-marty Les amoureux des équidés ou du cirque seront un peu déçus par ce spectacle. Même si Bartabas, ce génie, ce demi-dieu des cavaliers, est bel et bien présent en compagnie de ses fidèles montures, Golgota n’est pas un ballet équestre comme on pourrait se l’imaginer. Pas de grande cavalcade, pas de magnifique cheval dévalant les allées de la salle avec majesté ou facétie. Rien de cela, mais tellement plus. Golgota, c’est un duo. Un duel. Ardent. Une rencontre, folle, celle de deux danseurs presque bestiaux qui brûlent de passion, l’un pour le flamenco, l’autre pour les chevaux. Ils se retrouvent au pied de la colline des Évangiles, Golgotha, qui signifie en hébreu « le lieu du crâne ». La croix les guette, et leur mort est presque annoncée. Nous assisterons donc aux derniers rituels que ces deux hommes échangeront avant d’être damnés.

Avançant cagoulés, se flagellant avec la queue ébène et brillante du majestueux Horizonte ou avec le plat de leurs mains, ce fracas des coups sur leur dos nu sonne et résonne dans le silence opaque de la salle. Cela annonce la couleur de ce travail : noir. Un noir qui sera pourtant étincelant, grâce à l’exceptionnelle création lumière de Laurent Matignon. Celui-ci a su faire surgir chaque contraste avec légèreté et solennité, montrant très bien cette ambivalence divine qui a jeté ces deux créatures dans l’ornière de leur funeste destin. Leur passion sera-t‑elle plus forte que Dieu ou que l’Église ? Est-elle le fruit du génie ou de Satan ? Ces corps qui dansent frénétiquement sont-ils vivants ou dévorés par le Mal ? L’on ne peut s’empêcher de se poser ces questions. D’autant que la voix limpide et troublante du contre-ténor Christophe Baska transperce le fond de nos âmes tout au long du spectacle, chantant des motets de l’Espagne de la Renaissance, délicatement accompagnée au son du luth ou du cornet.

Les encens et les chandelles se consument, les fumées de répandent, leurs volutes claires semblent mimer cette ascension mystérieuse et mystique. Les corps s’unissent et se désunissent dans une chorégraphie où chaque déplacement, chaque soupir est millimétré. La scénographie, sobre et dépouillée mais très juste en souligne chaque moment. Le sol du plateau est recouvert de sable noir, qui étouffe les bruits des sabots des chevaux, mais laisse résonner comme par magie les cliquetis endiablés des chaussures du danseur. Quand Bartabas monte, on ne perçoit plus ses limites, et l’homme devient centaure, apparaissant et disparaissant le temps d’un souffle. Ici, le cheval, que Bartabas confie appeler souvent sa « moitié », n’est pas un véritable personnage, mais une extension de son cavalier, spectaculairement confondu avec lui. Andrés Marín, quant à lui, célèbre pour avoir dépoussiéré le flamenco des scories de son propre folklore, quitte même ses chaussures pour fouler au pied le sable de l’arène et défier l’animal pour finir par se glisser dans ses sabots.

Dans Golgota transpire une poésie sorcière, divine ou mystique, qui fascine et fait peur à la fois. Plongé dans cet univers inattendu, le spectateur est témoin d’une puissante énergie, rythmée, cadencée, qui le contamine. Comment ne pas tirer son chapeau devant tant de précision et tant de beauté presque irréelle ? Golgota, c’est une œuvre eucharistique, la « substantifique moelle » de la passion, au sens étymologique du terme, et si violente et charnelle que l’on ne peut qu’y succomber. 

Maud Sérusclat-Natale


Voir aussi « La Voie de l’écuyer, opus 2009 », de Bartabas (critique), Printemps des comédiens à Montpellier

Voir aussi « Le Centaure et l’Animal », de Bartabas et Ko Murobushi (critique), Opéra Berlioz à Montpellier

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Voir aussi « Calacas », de Bartabas (critique), Les Nuits de Fourvière

Voir aussi « Partitions équestres », de Bartabas (critique), Les Nuits de Fourvière

Voir aussi « El Cielo de tu boca », d’Andrés Marín (critique), Théâtre de Nîmes

Voir aussi « La Pasión según se mire », d’Andrés Marín (critique), Théâtre de Nîmes

Voir aussi « Noche flamenca », avec Jesús Méndez et Andrés Marín (critique), M.A. scène nationale à Montbéliard

Voir aussi « Les Chants du retour », d’Andrés Marín et Arcángel (critique), Théâtre municipal de Fontainebleau


Golgota, de Bartabas

Théâtre équestre Zingaro • 176, avenue Jean-Jaurès • 93300 Aubervilliers

01 48 39 18 03

www.bartabas.fr

Arnauld Lisbonne, administrateur

arnauld.lisbonne@zingaro.fr

Claire Baldensperger, chargée de production

production@zingaro.fr

01 48 39 54 18

Laurent Matignon, directeur technique

l.matignon@zingaro.fr

01 48 39 54 11 / 06 42 57 90 18

Conception, mise en scène et scénographie : Bartabas

Musique : Motets pour voix seule de Tomás Luis de Victoria

Avec : Bartabas et Andrés Marín

Chant : Christophe Baska

Musiciens : Adrien Mabire au cornet, Marc Wolff au luth

Comédien : William Panza

Chevaux : Horizonte, Le Tintoret, Soutine, Zurbaran

Âne : Lautrec

Assistante mise en scène : Anne Perron

Lumières : Laurent Matignon

Son : Frédéric Prin

Costumes : Sophie Manach, Yannick Laisné

Accessoires : Sébastien Puech

Photo : Hugo Marty

La Filature, scène nationale de Mulhouse • 20, allée Nathan-Katz • 68090 Mulhouse cedex

Réservations : 03 89 36 28 28

www.lafilature.org

Le 26 septembre 2014 à 20 heures, le 27 septembre à 19 heures et le 28 septembre à 17 heures

Durée : 1 h 15 environ

30 € | 15 €

Tournée :

– Brest : du 5 au 8 novembre 2014

– Antibes : du 14 au 19 novembre 2014

– Bordeaux : du 6 au 15 février 2015

– Béziers : du 26 au 28 février 2015

– Valencienne : du 27 mars au 1er avril 2015

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