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Par Les Trois Coups
« Hora » : complexe
et parfaite combinatoire
Par Fatima Miloudi
Les Trois Coups.com
Au festival de Montpellier danse 2010, « Hora » de Ohad Naharin était très attendu. Sur une scène minimaliste, onze des danseurs de la Batsheva Dance Company ont emporté le public dans un état de pure contemplation. Ici, le Beau est la conséquence d’un doux désordre.
Le spectacle commence par une image fixe. Sur une paroi d’un vert fluorescent, fermant la scène en un lieu clos, onze personnes sont assises. Elles attendent. Un banc découpe l’espace en une unique ligne horizontale. L’ensemble est déjà hypnotique. En un mouvement uni et solennel, tous se lèvent et marchent vers l’avant. Soudain, un électron libre rompt la parfaite cohésion et son corps se déhanche. Aussi subitement, la machine s’emballe, chacun devenant un rouage indépendant. La vie grouille dans sa diversité. Un monde s’active, fourmillant et autonome. À la fois un et multiple. C’est une part envoûtante de l’esthétique chorégraphique. Chacun pourrait être à lui seul un spectacle – l’on suit l’un puis l’on se dit que l’on a manqué l’autre, et le regard passe, toujours attiré vers un ailleurs. Pourtant, aucun n’a la prééminence. L’inscription personnelle dans l’espace du plateau crée la beauté du fait même de la complexité des rapports coexistant entre ces corps emportés dans des danses distinctes.
Une gestuelle curieuse et inattendue
La luminosité de la paroi et le vêtement noir adopté par les danseurs impriment le mouvement des membres sur la rétine. Jambes et bras sont comme exhaussés. Et la gestuelle, toujours curieuse et inattendue, sublime les corps. C’est un ensemble de bras levés, la paume incurvée vers le bas. C’est un rappel commun du Faune de Nijinski, les deux bras en diagonale, les mains inclinées sur la tranche. Ce sont des jambes entrecroisées dans une posture insolite. Ce sont, encore, par couple, les gestes, surprenants dans leur staccato énergique et incisif, aussi soudains dans leur apparition que dans leur effacement. Les danseurs semblent souvent venir d’un autre monde et leurs gestes appartenir à un ailleurs. Ils paraissent, parfois, des êtres déréglés, car ils dévient et s’extraient du banal et de l’attendu. Rien n’échappe au détournement ; l’ordinaire n’a pas court. C’est justement cette étrange combinatoire qui est source de beauté.
Le spectacle est autant pour les férus de danse, connaisseurs de l’Histoire et capables de déchiffrer les écarts entre la référence et sa déviation, que pour un public amoureux du geste et apte à en apprécier la fraîcheur. Ohad Naharin a clairement inscrit sa création dans le jeu avec l’original. Et que l’on soit, là encore, mélomane ou non, les références musicales, reconnaissables, déformées, transformées jusqu’à la perte de la trace, sont, à nouveau, la marque de la volonté du chorégraphe de s’amuser avec la source. Source qui devient le moyen de revenir aux origines, à l’émergence du geste et du mouvement, non plus académiques, mais neufs en leur jaillissement. ¶
Fatima Miloudi
Hora, de Ohad Naharin
Batsheva Dance Company
Chorégraphe : Ohad Naharin
Musique arrangée et jouée : Isao Tomita (sauf Ryoji Ikeda Data Matrix)
Avec : Danielle Agami, Nir Benita, Shachar Biniamini, Matan David, Iyar Elezra, Doug Letheren, Rachael Osborne, Ian Robinson, Ella Rothschild, Bobbi Smith, Adi Zlatin
Lumière, décor : Avi Yona Bueno (Bambi)
Costumes : Anna Mirkin
Son, édition : Maxim Waratt
Design du banc : Amir Raveh
Photo : © Dagi Dagon
Production : Batsheva Dance Company
Coproduction : Festival Montpellier danse 2010, Lincoln Center Festival (New York)
La Batsheva Dance Company est composée de :
– Directeur artistique : Ohad Naharin
– Directrice exécutive : Dina Aldor
– Directeur artistique associé : Sharon Eyal
– Responsable et régisseur plateau : Yaniv Nagar
– Répétiteurs : Danielle Agami, Rachael Osborne
Tournées internationales :
– Directeur de la production : Iris Bovshover
– Production : Kobi Nathan
– Responsable de la production : Irit Sturm
– Directeur technique : Roni Cohen
– Chef électricien : Gadi Glik
– Responsable son : David Belle
– Technicien : Aliksey Prezhyn
– Costumière : Shoshi Or Lavi
Opéra Berlioz-Le Corum • esplanade Charles-de-Gaulle • 34000 Montpellier
Réservations : 08 00 60 07 40
Samedi 26 juin 2010 à 20 heures
Durée : 1 heure
De 9 € à 35 €
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