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Par Les Trois Coups
Philippe Léogé à la peine
et à l’honneur
Par Jean-François Picaut
Les Trois Coups.com
En dehors du concert de Dan Tepfer, la journée du 26 mars à Jazz à L’Étage a été celle de Philippe Léogé. Tel Protée, on l’a vu partout, de l’heure du déjeuner à la nuit avancée.
Philippe Léogé | © Jean-François Picaut
Les amateurs de jazz connaissent le pianiste Philippe Léogé, formé à la fameuse Berklee School of Music de Boston. Ils ne peuvent ignorer le fondateur du Big Band 31, dont il est le directeur musical, ni méconnaître le directeur artistique du festival Jazz sur son 31. Ils le savent arrangeur subtil, mais ont-ils rencontré le conférencier et même le chanteur ?
Les spectateurs qui ont rempli à craquer l’auditorium des Champs libres (Rennes) ont eu ce privilège. À la demande de Yann Martin, Philippe Léogé y a présenté un concert-conférence intitulé le Jazz dans la chanson française, de Charles Trenet à Claude Nougaro. À dire vrai, le conférencier est remonté plus loin dans le temps, jusqu’aux trouvères et troubadours, avant de parcourir à grands pas l’histoire de la chanson jusqu’à la fin du xixe siècle. Il s’est alors attardé sur le rôle de Maurice Chevalier et de Jean Sablon dans l’établissement des relations entre notre chanson et le jazz. Puis il a évoqué Sacha Distel, Bécaud, Aznavour, Michel Legrand et bien sûr, son ami Claude Nougaro. On aura remarqué l’absence des femmes, hormis une allusion à Joséphine Baker.
Jovial, érudit sans être pédant, disert mais pas bavard, finement spirituel et très pédagogue, le conférencier a séduit son auditoire. Les talents du pianiste n’y sont sans doute pas étrangers, mais il faut ajouter la surprise de découvrir un Philippe Léogé chanteur, et agréable chanteur de surcroît. Le coup d’essai s’est révélé un coup de maître. Tout cela donne évidemment fort envie de découvrir son album qui vient de sortir, My French Standards Songbook (Plus loin music / Abeille musique, mars 2014).
Mystères de l’improvisation, de l’harmonie et de la mélodie
L’après-midi, c’est le Philippe Léogé pédagogue qui s’est illustré auprès d’enfants encadrés par l’Association de la fondation étudiante pour la ville (A.F.E.V.). Dans une leçon expresse, avec beaucoup de bonhomie et de gentillesse, il a initié ces jeunes enfants aux mystères de l’improvisation, de l’harmonie et de la mélodie. Il en a même fait pratiquer quelques-uns sur un grand piano de concert !
Le soir, il était au cœur du concert qui a suivi celui de Dan Tepfer à L’Étage. Il est, en effet, le directeur artistique du jeune Quatuor Monk (dont on reparlera à n’en pas douter) et, à ce titre, l’arrangeur et l’orchestrateur du programme interprété par le quatuor, pour une de ses premières prestations publiques.
Philippe Léogé accomplit ainsi un rêve caressé de longue date : faire interpréter la musique de Monk par un quatuor classique. Les quatre instrumentistes jouent une musique entièrement écrite. Philippe Léogé dit avoir cherché à imaginer ce qu’aurait pu écrire Thelonious Monk. Passé les premiers instant de surprise, on se laisse volontiers prendre au jeu, j’allais dire charmer.
Même avec cette instrumentation classique, la musique de Monk continue de swinguer, particulièrement dans Think of Baya (contamination de Think of One et de Baya) où les deux violons sonnent particulièrement jazz. De la même façon, le quatuor sonne même un peu manouche dans Silence Monk tourne, une composition plutôt dansante de Philippe Léogé lui-même. Dans la première partie de ce concert, on a pu entendre également Reflections, Pannonica et la superbe mélodie de Round Midnight.
Pour la seconde, le quatuor a invité Vincent Jourde. Cette rencontre a donné lieu à une création, commande du festival. Dès le premier titre, la fameuse ballade de Monk Ruby, My Dear, il est clair que l’intégration du saxophoniste est réussie. Les arrangements de Léogé et le talent des cinq musiciens donnent un mariage des timbres particulièrement heureux. On entendra ensuite des compositions de Jourde comme Lenny et le Graveur de rêves, une très belle ballade (c’est aussi le titre de son dernier album, Plus loin music / Harmonia mundi, 2013). Vincent Jourde y signe un très long solo qui lui permet de mettre en évidence ses qualités mélodiques. Ce jeune saxophoniste soprano a déjà un son et une couleur reconnaissables et particulièrement agréables. Le Quatuor Monk (Pierre Bleuse et Guillaume Chilemme au violon, Maria Chilemme à l’alto et Maja Bogdanovic au violoncelle) se suffit à lui-même, mais il offre un écrin précieux à la musique de Vincent Jourde.
La conclusion appartient évidemment au héros de la journée. À l’invitation de Yann Martin, Philippe Léogé régale les spectateurs d’un solo de piano qui déchaîne les bravos. ¶
Jean-François Picaut
Le Quatuor Monk reçoit Vincent Jourde
Jazz à L’Étage, 5e édition, 2014
Du 28 février au 2 mars puis du 21 au 29 mars 2014
À Rennes, dans diverses villes de Rennes-Métropole, à Saint-Malo
Festival Jazz à L’Étage
http://jazzaletage.com/index.php/jazz-a-l-etage/programmation-2014
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