Wilde plus exquis
que le mariage,
moins nocif qu’une cigarette
Par Marie-Christine Harant
Les Trois Coups.com
Lundi, jour de relâche habituel dans les théâtres, pas au Darius-Milhaud qui programme « Le mariage est aussi nocif que les cigarettes, et tellement plus cher ! ». Un très joli spectacle de la Cie de la Fortune d’après Oscar Wilde, constitué d’aphorismes tous brillant d’un cynisme charmant.
Oscar Wilde, amoureux de la beauté a passé sa vie à courir après la perfection dans un monde absurde et sans génie. Toute son œuvre parle de cette quête insensée. Hélène Laurca entreprend dans un montage d’une heure de mettre en relief cet esprit singulier. En cinq tableaux composés d’extraits du Mari idéal, de l’Importance d’être constant, d’Une femme sans importance, de em>l’Éventail de lady Windermere, elle retrouve la quintessence de l’esprit de Wilde. Celui d’un dandy excentrique dont la devise était : Il n’y a qu’une chose au monde digne d’être vécue, c’est le pêché. Ses personnages – Cécily et Constant, principalement – font écho aux mondains et aux coquettes du xviiie siècle, à la Merteuil ou à Valmont, aux personnages de Marivaux et surtout à ceux de Crébillon fils dans la Nuit et le Moment, un bijou libertin. On déguste à petites gorgées ce nectar raffiné.
La représentation se donne dans un décor minimaliste, plus par manque de moyens que par volonté artistique. Cela se sent autant dans les accessoires que dans le choix des tissus assez ordinaires, impression accentuée par les rideaux de scène dépareillés et passablement défraîchis. Cependant, dès l’apparition des comédiens, le charme opère. La simplicité dans le jeu et l’humilité dans la mise en scène servent le texte, le font briller. Hélène Laurca joue les personnages féminins avec une grâce infinie, à faire se pâmer la gent masculine la plus insensible. On fond littéralement lorsqu’elle murmure, mutine : « Constant ne vous arrêtez pas, j’adore écrire sous la dictée. J’en étais à “perfection absolue” ». Jamais mièvre, la comédienne minaude juste ce qu’il faut. Jalouse, effarouchée, altière, pudique, perfide, coquette, distante : en un battement de cils et un sourire, elle incarne tous les aspects du caractère féminin, tous les atouts de la femme belle.
Laurent Thémans incarne les personnages masculins, Constant et les autres. Il joue avec détachement les manipulateurs, les dandys cyniques. Lui aussi ferait craquer les plus sages, sans doute pas les plus féministes, qui ne supporteraient pas son machisme. Mais sans un soupçon de machisme, le jeu de la séduction ne manquerait-il pas de piment ? Ce couple nous a séduits par sa fraîcheur et sa spontanéité. Par son amour évident du texte, qu’il sert. Le jeu des deux comédiens peut sembler un peu conventionnel, mais ne sombre pas pour autant dans le naturalisme, qui, pour le coup, aurait été contraire à l’univers de Wilde, poétique et léger. Un univers à l’image de la vie. « La vie est tout simplement un mauvais quart d’heure composé de moments exquis. » C’est ce que nous avons retenu de ce lundi au Théâtre Darius-Milhaud : un moment exquis. ¶
Marie-Christine Harant
Le mariage est aussi nocif que les cigarettes, et tellement plus cher !, d’après Oscar Wilde
Compagnie de la Fortune-Théâtre en soi • 7, rue Robert-Ruegg • 60800 Séry-Magneval
06 60 42 98 65
Mise en scène : Hélène Laurca
Avec : Hélène Laurca, Laurent Thémans
Théâtre Darius-Milhaud • 80, allée Darius-Milhaud • 75190 Paris
Réservations : 01 42 01 92 26
Les lundis à 19 heures jusqu’au 28 juin 2010
Durée : 1 heure
17 € | 13 € | 8 €