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24 juillet 2010 6 24 /07 /juillet /2010 15:06

Dusapin, la musique
du silence


Par Lise Facchin

Les Trois Coups.com


Dans le cadre du Cycle de musiques sacrées, coréalisé par le Festival d’Avignon et l’association Musique sacrée en Avignon, Pascal Dusapin présentait un programme faisant dialoguer certaines de ses pièces avec des œuvres pour orgue de Jean-Sébastien Bach. Une redoutable intelligence et une profonde sensibilité au silence.

festival-davignonAu temple Saint-Martial, les bancs de bois n’offrent plus une seule place libre et le public assis, bien mis, attend qu’entrent les musiciens, en s’éventant avec les mille tracts perdus au fond des sacs à main. Puis un homme, juste derrière moi, se lève et se dirige vers l’autel. C’est Pascal Dusapin, professeur de création artistique au Collège de France et compositeur de pièces aussi variées que des oratorios, musiques de chambre, quatuors, chœurs, opéras… Quand il nous explique le programme et l’importance de l’orgue dans sa carrière, l’homme devient touchant : « L’orgue est mon seul véritable échec, et j’ai mis dix années de travail pour écrire cette seule pièce pour orgue de mon répertoire ». Les pièces qui précéderont, il les nomme des « satellites », ce sont les pièces qui gravitent autour d’une œuvre plus grande, et qui appliquent une recherche autour d’un point précis.

Le spectacle commence sous les applaudissements de l’assemblée avec une pièce pour violoncelle et clarinette, Ohé. Inspirée par cette interjection de la marine, la pièce est pleine d’échos et d’humour. La partition du violoncelle (Christophe Beau), dans les graves, est semblable à l’écho dans une grotte où la marée monte. La clarinette (Armand Angster), elle, vacille entre les cliquetis des haubans et ce son étrange du vent qui se perd dans le creux des mâts, profond et résonnant comme un bois, mais insaisissable et bondissant comme un vent qui se lève.

Les enchaînements se font sans anicroche, par un regard levé des musiciens vers l’organiste (Bernard Foccroulle) qui leur fait face. La première pièce de Bach s’ouvre, une pièce douce, profondément souple et gaie, à l’opposée des pièces sourdes qui font le régal des organistes du commun. Très courte, elle cède rapidement la place à Ipso, que Dusapin a écrite en travaillant sur la musique des pays de l’Est. C’est au cours de l’écoute de celle-ci que le sentiment du silence m’a assaillie. Le silence non pas entendu dans le sens du « non-bruit », cette illusion douloureuse, mais dans le sens du champ ouvert aux bruits du monde. Ipso m’a promenée dans une haute forêt, dont la lumière, soleil filtré par les branches des cimes, faisait penser aux tableaux de Courbet. J’y sentais au loin la présence d’un petit cours d’eau, les étonnements et les inquiétudes de l’homme en pleine nature naissaient de la musique avec une discrète fluidité.

Ainsi s’est enchaînée une seconde pièce de Bach, plus douloureuse mais doublée d’un amour lumineux, comme l’effet d’un de ces sourires qui cherchent à empêcher les larmes. Puis, Canto, hommage à Léopardi interprété par la soprano Françoise Kubler, et le dernier morceau, auquel le programme nous a en quelque sorte préparés : Mémory, la pièce pour orgue sur laquelle Dusapin a bien fait de s’acharner pendant dix ans. Plus longue que les précédentes, elle est teintée de références, à Bach bien sûr mais aussi à Ray Manzareck, le pianiste des Doors. Le morceau s’intitule d’ailleurs Memory. Hommage à Ray Manzareck. C’est dans la deuxième partie qu’on entend l’écho de cette période du rock où l’orgue électronique était à la mode. Évidemment, l’œuvre de Pascal Dusapin n’a pas la couleur d’un morceau des années 1970, mais la rythmique violente jusqu’à l’obsession, traduit le respect que le compositeur montre envers l’envie de musique, parfois plus fort que la technique. 

Lise Facchin


Programme Dusapin / Bach

Soprano : Françoise Kubler

Clarinette : Armand Angster

Violoncelle : Christophe Beau

Orgue : Bernard Foccroulle

Temple Saint-Martial • rue Henri-Fabre • 84000 Avignon

Réservations : 04 90 14 14 14

Le vendredi 23 juillet 2010 à 18 heures

13 €

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