« BetiZ » : copie à revoir
Par Céline Doukhan
Les Trois Coups.com
Malgré la conviction de son interprète, Christel Kern, cette improbable histoire d’une fille de bonne sœur devenant chanteuse à succès ne décolle pas.
« BetiZ » | D.R.
On se demande où Christel Kern et Delphine Gustau sont allées chercher cette histoire : une petite fille dont la mère est bonne sœur grandit dans un couvent et aspire à la gloire. Ses dix-huit ans révolus, elle monte à Paris et, de fil en aiguille, connaît le succès tant espéré. Revêtant alors une gravité tout à fait inattendue vu la teneur plutôt légère du propos jusque-là, l’histoire montre alors l’héroïne confrontée aux affres de la célébrité. Célébrité qu’elle « vend » littéralement à une habitante du nord de la France, avant de rentrer à son tour dans les ordres.
Christel Kern, coauteur et interprète principale, met une conviction certaine dans sa composition, que ce soit dans les moments chantés ou les intermèdes parlés. Sur des musiques qui swinguent plutôt bien, créées par Matthieu Michard, son complice au piano, elle fait preuve de qualités d’interprète. Mais quel dommage qu’elle ne soit pas mieux servie par l’écriture et la mise en scène !
Côté écriture, l’histoire de BetiZ est ponctuée de pseudo-interviews réalisées par deux journalistes, l’un d’une radio pour les jeunes, l’autre de France Culture. Bonjour les clichés sur les jeunes (bien sûr associés au rap) et France Culture, évidemment snob ! Pas très recherché et un poil racoleur. Ces passages très artificiels alourdissent une écriture qui manque déjà de rythme et s’appuie trop souvent sur des gags ou allusions lourds. Ainsi, BetiZ, arrivée à Paris en compagnie de son petit chat, entend en songe les dix commandements donnés par son « papa Dieu » (eh oui, puisque sa mère est nonne) : « De ta chatte, tu t’occuperas ! ». La messe est dite.
Pour mettre mieux en forme la matière musicale qui pourrait être l’atout maître de la comédienne-chanteuse, il faudrait aussi une mise en scène beaucoup plus dynamique, qui crée un véritable mouvement sur le plateau, et qui mettrait mieux en valeur les musiciens. On voit bien, par exemple, que Matthieu Michard en a certainement pas mal sous la pédale, à la fois côté musique et côté comédie. Et cela éviterait aussi les changements de costumes interminables, comme lorsque, à la fin, BetiZ revêt un habit de nonne.
Bref, on sent la volonté de faire un spectacle décapant et enlevé, mais le résultat est plutôt plat et maladroit. Et pourquoi diable adopter un ton si sérieux, totalement inapproprié ici – on ne croit pas une seule seconde à cette histoire de célébrité mal vécue, et encore moins à cette pompeuse entrée dans les ordres. Le « message », s’il y en a un, se révèle en tout cas aussi moralisateur que saugrenu. ¶
Céline Doukhan
BetiZ, de Delphine Gustau et Christel Kern
J’ai lu, coll. « Librio », nº 536, 2004
Côté artistik • 153, rue de la Ganzau • 67100 Strasbourg
Texte et mise en scène : Delphine Gustau et Christel Kern
Musique : Matthieu Michard
Direction vocale : Richard Cross
Avec : Christel Kern, Matthieu Michard, Jérôme Wolf
Création lumières : Daniel Knipper
Conseiller à la musique : Grégory Ott
Costumes : Humeur aqueuse
Théâtre Arto • 3, rue Râteau • 84000 Avignon
Réservations : 04 90 82 45 61
Du 4 au 27 juillet 2014 à 21 h 45
Durée : 1 h 10
16 € | 11 €