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5 février 2013 2 05 /02 /février /2013 17:14

Olivier Chaudenson nommé directeur


Annonce

Les Trois Coups.com


Conformément à une décision du conseil d’administration de la Maison de la poésie de Paris, M. Olivier Chaudenson a pris ses fonctions de directeur lundi 4 février, succédant ainsi à Claude Guerre, dont le mandat arrivait à terme.

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Olivier Chaudenson | © Béatrice Logeais / Maison de la poésie à Paris

Une nouvelle page va donc s’écrire, dont l’orientation est de renforcer encore la place de la poésie dans la société d’aujourd’hui, en faisant entendre la voix de ceux qui la font, la lisent, la défendent. Par ces temps de crise, la parole des poètes est l’affirmation d’une autre langue, d’une autre sensibilité, qui échappent aux « mots de la tribu ». Même dans les traversées les plus obscures, les poètes ont maintenu une flamme qui était un peu de lumière, résistante et insoumise.

La mission du nouveau directeur consiste à revenir plus radicalement au nom même du lieu, et à en faire une maison au sens le plus fort du terme, à la fois curieuse, audacieuse, accueillante et portée par de fortes convictions. Cette maison ne sera plus conçue comme un théâtre (avec une programmation annuelle de spectacles fixée en amont), mais comme un lieu souple, réactif, dont les programmes seront capables de répondre aux sollicitations et aux opportunités de l’actualité. Elle s’inscrira avec enthousiasme dans l’esprit d’ouverture et de décloisonnement cher à Pierre Seghers, qui avait fondé la Maison de la poésie en 1982.

Ainsi, le nouveau projet accordera une plus grande place aux poètes, selon toutes les façons de leur donner la parole : rencontres, débats, lectures, performances. Prenant en compte le succès croissant des nouveaux modes de transmission de la création littéraire, la Maison de la poésie sera centrée sur la lecture et ses hybridations fertiles : lectures musicales, lectures projections, dispositifs… Elle constituera un lieu dédié à la voix des poètes et des écrivains, un point de ralliement pour toutes les formes contemporaines de rencontres entre les auteurs, les textes et le public.

Après une période de transition qui permettra d’accueillir deux spectacles initialement programmés au Théâtre Paris-Villette et d’engager des travaux d’aménagement, la programmation de la Maison de la poésie redémarrera le 16 mai 2013, pour une première séquence inaugurale d’un mois préfigurant les nouveaux cycles qui seront proposés en continu dès l’automne prochain.

Le détail de la nouvelle programmation sera dévoilé en mars, à l’occasion du prochain Salon du livre.

Bernard Comment

Président de la Maison de la poésie

Recueilli par

Les Trois Coups


Maison de la poésie • passage Molière-157, rue Saint-Martin • 75003 Paris

01 44 54 53 00

www.maisondelapoesieparis.com

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4 février 2013 1 04 /02 /février /2013 18:29

Débora Russ : élégance

et sensualité


Par Jean-François Picaut

Les Trois Coups.com


Divas du monde est une nouvelle série de concerts de l’Opéra de Rennes. La chanteuse Débora Russ l’a inaugurée en interprétant avec chaleur et talent des tangos intemporels.

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Débora Russ |  © D.R.

La nouvelle série de concerts de l’Opéra de Rennes se veut un pont entre les musiques traditionnelles du monde entier, savantes ou populaires, et l’opéra. La mythologie des divas, ces grandes interprètes vénérées du public à l’égal des déesses antiques, leur est commune. Débora Russ, née en Argentine, fait partie de cette longue lignée de chanteuses qui ont fait aimer le tango aux publics de l’Europe entière. C’est elle qui ouvrira cette série. On pourra ensuite entendre Lucilla Galeazzi, grande prêtresse du chant populaire italien, de Bella ciao, à la tarentelle et aux mélodies napolitaines jusqu’à une certaine chanson engagée, sociale et politique dont la tradition persiste en Italie. Et pour terminer cette saison, l’Opéra de Rennes accueillera Dorsaf Hamdani, cette Tunisienne interprète d’Oum Kalsoum, diva vénérée de tout le monde arabe.

Le programme interprété par Débora Russ est presque entièrement tiré de son dernier album Tangos pendientes, « tangos en suspens », produit par Accords croisés et distribué par Harmonia mundi. C’est un très bel objet qui comprend un livret très complet et agréablement présenté. Avec ces tangos pendientes, Débora Russ s’éloigne de son terrain habituel de prédilection, la création contemporaine, sans pour autant nous offrir un florilège ou une anthologie destinée à un hommage particulier. Ces tangos, tirés de différentes époques et plus ou moins connus, correspondent à des titres que les amis de la chanteuse aiment ou aimeraient l’entendre interpréter. On y retrouve cependant toute la gamme des thèmes habituels du tango.

Visage de madone

L’artiste fait son entrée avec Garras (« Griffes ») d’Anibal Troilo et José Maria Contursi. Sa haute silhouette est mise en valeur par une tenue très sobre : pantalon ajusté aux reflets dorés et chemisier noir. Son visage de madone est sagement encadré de cheveux portés mi-longs. Sa voix d’alto aux graves profonds fait merveille dans cette pièce sombre où perce la douleur. Après un court prélude au bandonéon (Victor Vilena) et à la guitare (Alejandro Schwartz), c’est l’entrée de la contrebasse (Bernard Lanaspèze) et de la voix pour Fruta amarga (« Fruit amer ») d’Homero Manzi et Hugo Gutierrez. Malgré son titre, le climat de cette pièce est plus clair avec quelques accents assez âpres tout de même. Débora Russ l’interprète avec beaucoup de sensibilité et sait trouver des inflexions d’une grande délicatesse.

debora-russ-300 brounchSuivent deux pièces de celui qui est sans doute le compositeur préféré de Débora Russ, le grand Astor Piazzola, sur des textes de Jorge Luis Borges. Dans el Titere (« la Marionnette »), chanson très expressive, Débora Russ fait montre d’un sens du geste et du mouvement très sûr. C’est sur le ton de la confidence, en revanche, et mezzo voce qu’elle aborde la petite épopée de Jacinto Chiclana dans une sorte de récitatif dont la montée dramatique s’enfle peu à peu avant de décroître jusqu’à la fin. On retrouvera plus tard ce mélange de récitatif et de chant, avec la même tension dramatique, dans le superbe Tormenta (« Orage »), texte très noir d’Enrique Santos Discepolo, le poète préféré de Débora Russ, qui en est également le compositeur.

Confession élégiaque

Un intermède purement musical tiré d’Astor Piazzola met encore plus en évidence la qualité du trio qui accompagne la chanteuse. Puis le programme reprend avec le grand classique Golondrinas (« Hirondelles ») d’Alfredo Le Pera et Carlos Gardel qui signent aussi Soledad (« Solitude »). Ces deux titres, par leur hésitation entre l’ombre et la lumière, permettent à Débora Russ, bien soutenue par le bandonéon et la guitare particulièrement, de mettre en valeur la richesse de sa voix et toute la finesse de son interprétation.

Que serait un spectacle de tango si on n’y chantait pas Buenos Aires ? Trois titres lui sont ici consacrés et peut-être même quatre si on compte le superbe Sur (« Sud ») des compères Annibal Troilo et Homero Manzi. Que Buenos Aires tenga voz (« Que Buenos Aires ait de la voix ») est, dans le registre grave, une confession élégiaque typique du nuevo tango des années 1970. La Cancíon de Buenos Aires (« la Chanson de Buenos Aires »), créée en 1932 par la grande interprète et compositrice Azucena Maizani, évoque le tango comme un élément d’identité pour celui qui se trouve loin de la patrie. Siempre se vuelve a Buenos Aires (« On revient toujours à Buenos Aires ») chante, lui, de façon affectueuse et ironique à la fois, le lien qui unit le Porteno et sa ville. La musique d’Astor Piazzloa met bien en valeur, par ses ruptures de rythme notamment, l’ambivalence de ces sentiments.

Il faut conclure en soulignant la grande cohésion qui règne dans ce quartette. La haute qualité des musiciens éclate tout spécialement dans les parties instrumentales et dans les morceaux qu’elle interprète avec un seul d’entre eux. De notre point de vue, la palme revient à Victor Vilena (bandonéon), dont le jeu chargé d’émotion ne cède jamais à la grandiloquence ni à la sensiblerie. Rendons aussi hommage à cette nouvelle initiative d’Alain Surrans, le directeur de l’Opéra : ses divas du monde sont en parfaite cohérence avec son souci de conquérir sans cesse de nouveaux publics pour sa maison. 

Jean-François Picaut


Tangos pendientes, par Débora Russ

http://www.debora-russ.com/

Alejandro Schwartz (guitare et arrangements), Victor Vilena (bandonéon), Bernard Lanaspèze (contrebasse). Sur l’album, c’est Mauricio Angarita, également signataire de certains arrangements, qui tient la contrebasse.

Œuvres de : Anibal Troilo, Hugo Gutierrez, Eladia Blazquez, Astor Piazzolla, Roberto Nievas Blanco, Enrique Santos Discepolo, Carlos Gardel, Azucena Maizani

Production : Accords croisés

Photo : © Brounch

Opéra de Rennes • place de l’Hôtel-de-Ville • B.P. 3126 • 35031 Rennes cedex

http://www.opera-rennes.fr/

Téléphone : 02 23 62 28 28

Durée : 1 h 10

25 € à 8 €

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4 février 2013 1 04 /02 /février /2013 15:02

15e édition des « Voix contre le sida »


Annonce

Les Trois Coups.com


Deux soirées exceptionnelles au Théâtre du Gymnase - Marie Bell

Le dimanche 24 février et le lundi 25 février 2013 à 20 h 30

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« Des voix contre le sida »

Ensemble pour la 15e fois, le chœur Équivox, le chœur Mélo’men et les Caramels fous se retrouvent à nouveau pour le rendez-vous Des voix contre le sida, afin de récolter des fonds au profit d’associations de lutte contre le sida et d’aide aux malades.

Pour marquer cette 15e édition, le concert sera donné cette année au cours de deux soirées exceptionnelles, les 24 et 25 février 2013.

Animées par l’immarcescible Charlène Duval, ces soirées vous offriront un moment musical exceptionnel placé comme toujours sous le signe de la bonne humeur.

Depuis 1996, Parsifal, Positifs, Actions-Traitements, A.R.C.A.T. (Association de recherche, de communication et d’action pour l’accès aux traitements)-sida, Dessine-moi un mouton, Act Up Paris, Les Sœurs de la perpétuelle indulgence, Douai Sida, l’A.C.G.L.S.F. (Association culturelle des gays et lesbiennes sourds de France), Basiliade, Le Kiosque info sida, Les Jeunes Séropotes, Les Petits Bonheurs, Rainbhôpital et Acceptess-T (Association d’auto-support des trans migrantes ou précaires en France) ont ainsi pu financer diverses actions de soutien aux personnes touchées par le virus.

Les bénéfices de cette 15e édition des Voix contre le sida, seront donnés à deux associations : l’A.P.T.A.A. (Association pour le partage des traitements antisida avec l’Afrique) ayant pour but de participer à l’effort international qui doit être fait pour permettre aux malades du sida des pays pauvres, en particulier africains, de bénéficier des traitements efficaces disponibles depuis plus de dix ans dans les pays riches ; Le Refuge qui propose un hébergement temporaire et un accompagnement social, médical et psychologique aux jeunes majeurs, filles et garçons, victimes d’homophobie.

Les 24 et 25 février, venez vérifier que notre voix est toujours aussi forte dans la lutte contre le sida, lors de ce concert qui nous réunira à nouveau dans le prestigieux Théâtre du Gymnase.

Recueilli par

Les Trois Coups


Des voix contre le sida

Théâtre du Gymnase • 38, boulevard Bonne-Nouvelle • 75010 Paris

Dimanche 24 et lundi 25 février 2013 à 20 h 30

Réservation téléphonique : 01 42 46 79 79

Réservation par Internet : www.theatredugymnase.com

Métro : Bonne-Nouvelle (lignes 8 et 9)

Tarifs : 10 €, 20 €, 25 € et 30 €

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2 février 2013 6 02 /02 /février /2013 17:39

Où est le rockn’ roll ?


Par Estelle Pignet

Les Trois Coups.com


Bonlieu scène nationale d’Annecy accompagne la création de Fani Carenco « Il suffit d’un train pour pleurer ». La jeune femme auteur et interprète incarne ces trentenaires qui peinent à sortir de l’adolescence pour entrer dans une vie étriquée, trop éloignée de celle dont ils ont rêvé.

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« Il suffit d’un train pour pleurer » | © D.R.

Seule sur scène, Fani Carenco nous raconte ses déboires sentimentaux comme elle les raconterait à une personne rencontrée dans un bar à une heure tardive. Il est d’ailleurs beaucoup question de bars dans ses histoires, d’alcool, de lendemains de soirées trop arrosées. Son personnage (elle-même ?) ne conçoit pas de mener une vie rangée, elle rêve d’absolu, et son idéal passe par la boisson. Mais, étrangement, les histoires d’amour nées dans les vapeurs d’alcool ne se révèlent jamais belles. Aussi, son héroïne enchaîne-t-elle les relations perdues d’avance avec de faux poètes mais vrais drogués, pervers et infidèles.

Vivre après vingt-sept ans

Son imaginaire amoureux sort tout droit des films romantiques et des séries télé. Quant à son idéal de vie, c’est celui de ses idoles du rock n’ roll : Curt Cobain, Jim Morrison, Elvis… Ses propres mésaventures sont alors ponctuées par le récit des morts tragiques de ces icônes qui ont brûlé la vie par les deux bouts. En comparaison, comment vivre quand on a déjà dépassé l’âge fatidique de vingt-sept ans et qu’il ne nous reste comme horizon qu’une petite vie banale ?

On ne sait pas très bien à quelle distance de son personnage se situe l’auteur. Par moments, elle semble consciente des clichés qu’elle décrit et nous en montre le côté pathétique. Mais ce recul n’est pas toujours présent : elle semble, par exemple, sincèrement croire que les autres gens s’ennuient forcément dans leur vie, et que l’on n’existe qu’au travers de psychodrames, quitte à les provoquer soi-même. L’ambiguïté du regard que porte le personnage sur sa propre vie limite notre capacité d’empathie et brouille la lisibilité du propos. Au final, on ne sait pas si c’est un regard tendre porté sur des années passées, après avoir franchi un cap, ou si cette posture est plus symptomatique d’une génération qui s’attarde et se complaît dans l’adolescence.

Variations de jeu

Si le texte est un peu léger pour soutenir une heure de jeu, la comédienne peut s’appuyer sur de nombreux éléments scéniques apportés par la mise en scène de Marion Guerrero. Le plateau est encombré d’accessoires et divisé en plusieurs espaces. Les variations de jeu et de rapport au public s’en trouvent intelligemment multipliées : la comédienne passe d’une grande proximité et d’une adresse directe à une présence en fond de scène par l’intermédiaire d’une caméra et d’un écran, qui nous donnent l’impression de pénétrer dans ses pensées. À cela s’ajoutent de nombreuses sources de lumières, de sons et d’images. La vidéo est habilement utilisée : des images de la comédienne seule à des tables de bistrot viennent, par exemple, contredire ses récits de folle vie de fêtarde. Par contre, la musique, tellement présente dans le texte, est rendue paradoxalement anecdotique par la diffusion d’extraits trop courts. On ne fait qu’effleurer le rock, qui manque sur scène comme il manque finalement dans la vie du personnage, alors que l’on prendrait un vrai plaisir à le partager avec elle.

De la même manière, Fani Carenco se révèle comme comédienne quand elle assume ses excès. Elle devient touchante dès qu’elle rit, s’amuse, crie son besoin d’amour et ses difficultés dans les relations humaines. Le spectacle prend alors une autre dimension dans sa seconde moitié, avec la scène de la baignoire, pleine d’autodérision, et beau numéro d’actrice. Elle semble également trouver une présence et une justesse quand, après plusieurs errements vestimentaires, elle enfile une tenue rouge qui la rend belle, comme si grandir, en fin de compte, lui allait bien. 

Estelle Pignet


Il suffit d’un train pour pleurer, de Fani Carenco

Cie Théâtre Petit comme un caillou • 45, rue de la République • 34920 Le Crès

Site : http://tpc1c.tumblr.com

Courriel : petitcommeuncaillou@gmail.com

Mise en scène : Marion Guerrero

Avec : Fani Carenco

Lumières : Rémi Lamotte

Son : Luc Guillot

Vidéo : Mélisande Boissière et Thibault Lamy

Salle Paul-Thisse • 12, avenue Lucien Boschetti • 74000 Annecy

Réservations : 04 50 33 44 11

Site du théâtre : www.bonlieu-annecy.com

Du 30 janvier au 2 février 2013, du mercredi au samedi à 20 h 30, le jeudi à 19 heures

Durée : 1 h 10

25 € | 12 € | 8 € | 6 €

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2 février 2013 6 02 /02 /février /2013 14:34

« Nos solitudes » : évasion sous contrainte


Par Aurore Krol

Les Trois Coups.com


C’est à un spectacle délicat que nous convie Julie Nioche, une chorégraphie qui fait basculer nos perceptions de l’espace et du mouvement. Sur un plateau vide, si ce n’est un enchevêtrement de fils maintenus par des poids, la danseuse harnachée s’élève, tombe et reprend son ascension dans un exercice qui questionne la gravité. Tout se déroule comme si la légèreté naissait de ces masses de plomb qui maintiennent le corps tout en lui permettant d’explorer le vide.

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« Nos solitudes » | © Agathe Poupeney / Photoscène

Le personnage qui se déplace ainsi, en tentant d’explorer l’apesanteur, est un être serein, semblant même parfois plongé dans un doux sommeil. Il évolue au gré de mouvements de poulie entraînant le déplacement de tout ou partie des poids disposés à diverses hauteurs. Poids qui prennent alors l’aspect d’une constellation complexe, tel un ciel nocturne qui entoure l’interprète.

La pièce, aussi bien dédiée à un public adulte qu’aux enfants, s’adresse à ces derniers, notamment grâce au vocabulaire onirique déployé. Julie Nioche a de plus associé à sa scénographie une bande sonore en direct à forte teneur dramatique qui facilite l’entrée dans l’univers se déployant sous nos yeux. Interprétée par Alexandre Meyer, cette musique apporte une narrativité au récit, tout en soulignant les évolutions de la quête du personnage.

Le spectacle se nomme Nos solitudes et nous offre l’expérience d’une exploration intime. Sur le plateau, le regard de la chorégraphe paraît neutre, sans parti pris. Le corps, quant à lui, oscille entre processus d’endormissement et désir de s’élever, s’agrippant à des prises invisibles pour progresser.

Des liens qui élèvent

Plus que la performance en tant que telle, même si celle-ci n’est pas négligeable, ce qui étonne est cette façon dont l’action s’invente dans un nouveau rapport aux dimensions et à l’espace. Et quand on sait que Julie Nioche est à la fois chorégraphe et ostéopathe, on appréhende d’autant plus cette omniprésence du mouvement dans sa dimension mécanique et articulatoire. Des éléments proches de l’étude anatomique émanent en effet de l’étrangeté du geste.

Un dialogue particulier s’instaure alors avec la gravité, fait de défis et de bravades, de liens permettant de s’élever, mais aussi de dénouements et de chutes. Tout cela contribue à un état de corps en latence, en suspension, et entraîne le public dans une atmosphère symbolique, une pause qui l’invite lui aussi à plonger dans son vide intérieur. Nos solitudes permet alors de convoquer un joli moment d’écoute contemplative, à la teneur aussi légère que profonde. 

Aurore Krol


Nos solitudes, conception et chorégraphie de Julie Nioche

Site : http://www.individus-en-mouvements.com/fr/qui-sommes-nous/parcours/julie-nioche/

Interprétation : Julie Nioche

Création musique, interprétation : Alexandre Meyer

Scénographie : Virginie Mira

Machinerie aérienne : Didier Alexandre et Gilles Fer / Haut + court

Création et régie lumière : Gilles Gentner

Regard extérieur : Barbara Manzetti

Régie générale : Christian Le Moulinier

Régie plateau : Gaëtan Lebret

Costume : Anna Rizza

Remerciements à Guillaume de Calan, Nicolas Gicquel et Gabrielle Mallet

Le Quai • forum des arts vivants • cale de la Savatte • 49000 Angers

Réservations : 02 44 01 22 44

Site du théâtre : www.lequai-angers.eu

Mercredi 30 janvier 2013 à 19 h 30

Durée : 50 minutes

23 € | 18 € | 15 € | 11 € | 8 €

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1 février 2013 5 01 /02 /février /2013 23:06

Une histoire de virtuoses


Par Vincent Morch

Les Trois Coups.com


« La Vénus au phacochère » consacre les retrouvailles d’Alexandra Lamy et de Christian Siméon, neuf ans après leur fructueuse collaboration pour « Théorbe », qui avait valu à l’actrice une nomination aux molières (2004). Ce nouveau spectacle est l’attestation et la démonstration de son changement de dimension, comme un écrin que l’on aurait fabriqué pour un diamant de prix. Seule en scène, servie par un texte bien écrit, bien construit, Alexandra Lamy y fait montre d’un immense talent.

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« la Vénus au phacochère » |  © Julien de Rosa

En 1896, Misia n’a pas encore le nom de famille que la postérité retiendra, celui de son troisième mari, José Maria Sert. Pour l’heure, elle est la femme de Thadée Natanson, fondateur et directeur de la Revue blanche. Belle, intelligente, talentueuse (c’est une excellente pianiste), elle côtoie les plus grandes figures littéraires et artistiques de la Belle Époque, parmi lesquelles Toulouse-Lautrec, Vuillard, Renoir. Elle est surnommée « la Reine de Paris ». Elle est amoureuse de son époux. Ce bonheur en apparence sans nuages va être terni, pourtant, par la publication par Thadée d’un article violemment misogyne de Strinberg, « De l’infériorité de la femme ». Un grain de sable dans la belle mécanique du couple qui va finir par tout détraquer.

Cette tragédie amoureuse va se jouer pour l’essentiel à travers la correspondance que s’échangent Misia, son amie Geai Simpson, modiste aux mœurs très libres, et Thadée. L’une des astuces d’écriture de Christian Siméon est d’user des moyens de communication qui existaient à la fin du xixe siècle pour dynamiser ces échanges et produire un certain nombre d’effets comiques très réussis. Télégrammes, pneumatiques, billets portés par coursier s’échangent à toute vitesse, presque comme un échange de courriels. Mais, tout comme les échanges de courriels, cette rapidité n’est pas le gage de la qualité. Bien au contraire, ces écrits manquent régulièrement leur cible et leur interlocuteur, jusqu’à l’erreur fatale.

La pièce laisse également la place à quelques scènes de face-à-face où Alexandra Lamy fait preuve de toute sa virtuosité. Elle y passe avec une agilité déconcertante d’un personnage à l’autre en variant avec subtilité son ton et sa gestuelle, sans que jamais le spectateur ne perde le fil. Et toujours, toujours, avec une justesse, une précision dans l’expression des sentiments qui m’ont laissé pantois. Ainsi, de cette scène où elle décrit une tentative de viol dont elle a été l’objet. Comme de cette scène où, contre tout attente, Misia renverse les rôles, et de dominée se fait dominante, de chassée, chasseresse.

Une maîtrise totale

Seule sur scène, au milieu d’un amoncellement de chaises d’opéra, bois doré et velours rouge, Alexandra Lamy occupe tout l’espace de son corps élancé, élégamment vêtue de noir. Elle dégage une impression d’assurance sereine. Je ne trouve d’autre expression qu’« arrimée dans son jeu ». Une maîtrise totale qui constitue, à elle seule, un spectacle fascinant. Cœur et moteur de la pièce, tout tourne autour d’elle comme le Tout-Paris tournait autour de Misia.

Poussons plus loin le parallèle. Le charisme de Misia constituait un atout maître dans le jeu mondain de Thadée, au détriment de l’épanouissement de ses talents de pianiste. Vivre dans l’ombre d’un époux célèbre… à qui vous êtes constamment renvoyé… qui ne vous laisse pas suffisamment d’espace pour déployer vos ailes… La Vénus au phacochère est l’épreuve initiatique d’une femme qui s’empare du droit d’exister par elle-même. Misia / Alexandra, les frontières se brouillent, vos visages se confondent… Est-ce encore du théâtre ?

Mais enfin, me demanderez-vous, qu’est-ce que cette histoire de phacochère ? Je ne vous en dirai rien, pour que vous alliez le découvrir par vous-mêmes. 

Vincent Morch


Voir aussi le Cabaret des hommes perdus, critique d’Olivier Pradel.


La Vénus au phacochère, de Christian Siméon

Mise en scène et scénographie : Christophe Lidon, assisté de Sophie Gubri

Avec : Alexandra Lamy

Lumières : Marie-Hélène Pinon, assistée de Lucie Juliot

Son : La Manufacture sonore

Théâtre de l’Atelier • 1, place Charles-Dullin • 75018 Paris

http://www.theatre-atelier.com/spectacle-derniere-representation-le-16-fevrier-duree-de-la-representation-1h15-82.htm

Réservations : 01 46 06 49 24

Du 10 janvier au 16 février 2013, du mardi au samedi à 20 heures, samedi à 17 heures

35 € | 28 € | 15 €

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1 février 2013 5 01 /02 /février /2013 00:34

La crème et l’acide


Par Sabine Dacalor

Les Trois Coups.com


« Ce qui est sinistre, c’est de dire sinistrement les choses. » L’on se régale de la pièce de Jean-Marie Piemme comme d’un mille-feuilles, par couches successives : ici, du jeu des comédiennes ; là, du regard cynique et amusé de l’auteur.

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« les Pâtissières » | © iFou/le pôle media

Jean-Marie Piemme, dont nous venons d’apprécier la relecture du Roi Lear, le regard aiguisé sur les mécanismes du pouvoir et la réflexion sur la filiation dans King Lear 2.0, crée trois personnages hauts en couleur, comme il les affectionne, pour nous parler avec humour et lucidité de notre rapport au temps. Lili, Flo et Mina, ont pérennisé la tradition familiale de la pâtisserie Charlemagne jusqu’au jour où un promoteur immobilier rachète ce bastion de la tradition et met ainsi fin à leur carrière d’esthète pâtissière. Le promoteur disparaît mystérieusement…

En réunissant, pour la première fois sur scène, Chantal Deruaz, Christine Guerdon et Christine Murillo, le metteur en scène, Nabil el-Azan, parvient à traduire l’écriture jubilatoire de Piemme. Cet auteur aime profondément les acteurs ; il écrit avec la même envie que ses pairs ; il traque l’extraordinaire dans les choses ordinaires ; il rit d’un monde auquel il tente de s’accorder.

Piemme donne vie à trois sœurs tendres, complices, querelleuses, féroces, jalouses. Ensemble, dans le culte de leur père, elles entreprennent de « repousser l’aigreur du monde » et de retrouver « la grâce de Mozart dans la crème fraîche ». Le choix de la distribution est à la hauteur de la palette de sentiments que Piemme propose d’exposer : des couleurs vives et variées. L’interprétation s’enrichit, pour notre plus grand plaisir, d’images scéniques cocasses et chatoyantes. L’on apprécie la fantaisie de la costumière, Danièle Rozier. Et le metteur en scène nous offre quelques arrêts sur images savoureux : des visages facétieux, du vert, du rose, des fleurs et des lunettes de soleil. Si nous passions au noir et blanc, l’on penserait à Women de George Cukor, à Arsenic et vieilles dentelles de Frank Capra. Il y a un parfum d’un autre temps dans ce spectacle. Mais celui-ci demeure cependant actuel dans son constat, celui d’une société dont l’hyperproductivité bafoue sans scrupules le « perfectionnement de l’art de vivre ».

Avec des comédiennes remarquables, des costumes joliment imaginés et une contemporanéité du propos, l’on regrette un peu le décor : quelques éléments en bois clair déplacés lors de changements à vue, un fauteuil et une lampe, objets d’un ancien mobilier échoués dans une chambre impersonnelle de maison de retraite. La scène aurait pu néanmoins être vide tant les trois comédiennes savent transmettre les images de leurs récits. Il ne leur reste malheureusement que peu d’espace pour évoluer sur le plateau exigu des Déchargeurs. Qu’importe, la dimension théâtrale est là.

D’une époque l’autre

Comme Winnie chez Beckett, Mina, Flo et Lili évoquent le « vieux style ». Elles nous interrogent sur le temps qui passe, avec humeur, avec gaieté. L’on sourit souvent à l’écoute du texte de Piemme. Le monde est ce qu’il est. Tâchons d’en rire. « Ce qui est sinistre, c’est de dire sinistrement les choses. »

La fantaisie et la légèreté tour à tour apparentes et réelles du spectacle introduisent finement quelques réflexions bien tranchées de Piemme. Les piques fusent sur la banque arnaqueuse, le journalisme assassin, la vieille Europe déplumée, le « goût merdeux » [sic], l’acceptation des concessions, la « soumission à la grisaille », la société de divertissements abrutissants, l’avenir assuré de la cruauté. De son côté, le trio de sœurs inséparables s’insurge contre la vieillesse. Ainsi, Flo multiplie les verres de whisky, Lili se prend pour la Callas chantant dans Madame Butterfly, Mina se souvient de son escapade énigmatique qui dura un an. Ne pas céder, en tout cas. Pour regagner un élan de jeunesse, elles font revivre le regard que leur père portait sur elles. Du souvenir de cet « esthète qui lisait Platon », elles puisent de nouvelles forces. Assises sur la terrasse de leur maison de retraite, qu’ont-elles encore à faire, à vivre, et surtout à désirer ? Affaire de volonté, répond Piemme, qui nous parle avec justesse de cette nécessité. Mina, Flo et Lili comptent bien disposer de leur libre arbitre. Rien n’est fini, tout recommence.

Nabil el-Azan donne la note juste, celle de la légèreté, celle où l’on s’autorise parfois à forcer le trait. Il sait traduire l’esprit de Piemme, pour qui le théâtre n’a pas vocation à changer le monde, mais qui a toute confiance en l’imagination pour penser différemment le monde. Ni morale ni condamnation, tentative séduisante d’alliance de la lucidité et de la joie. Démarche concluante. 

Sabine Dacalor


Les Pâtissières, de Jean-Marie Piemme

Éditions Lansman, 2013

Prix de la Meilleure Pièce en Belgique (Centre des écritures dramatiques - Wallonie-Bruxelles), 2012

Coréalisation Les Déchargeurs et Cie La Barraca

Mise en scène : Nabil el-Azan

Assisté de : Théo Zachmann

Avec : Chantal Deruaz, Christine Guerdon, Christine Murillo

Scénographie : Sophie Jacob

Lumières : Philippe Lacombe

Images : Ali Cherri

Costumes : Danièle Rozier

Les Déchargeurs • 3, rue des Déchargeurs • 75001 Paris

Réservations : 01 42 36 00 50

Site : http://www.lesdechargeurs.fr

– Métro : lignes 1, 4, 7, 11, 14, arrêt Châtelet (sortie rue de Rivoli)

– Bus : lignes 21, 38, 47, 58, 60, 67, 69, 70, 72, 74, 75, 76, 81, 85

– Voiture : parking Rivoli - Pont-Neuf, forfait théâtre 5 heures / 5 €

– Vélib : stations 1004, 1009, 1010

Du 8 janvier au 2 mars 2013, du mardi au samedi à 19 h 30

Durée : 1 h 25

Tarifs : de 10 € à 24 €

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31 janvier 2013 4 31 /01 /janvier /2013 20:00

Festivals à New York


Par Molly Grogan

Les Trois Coups.com


Le temps arctique à New York ces dernières semaines n’a rien ralenti dans le monde du théâtre expérimental. Deux festivals ont titillé le public avec une programmation surprenante : le « Coil » et le « Under the Radar », ce dernier s’avérant un moment incontournable pour les amateurs de nouvelles formes théâtrales.

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Maggie Hoffman dans « Inflatable Frankenstein | © Paula Court

Rien de plus naturel à New York que d’aller « voir un show ». Du Broadway au Off-Broadway, et encore, c’est l’embarras du choix, toute l’année, dans la ville qui ne dort jamais. Puisque les théâtres sont aussi des entreprises ici, la saison théâtrale commence en janvier (question impôts), mais puisqu’ils tournent en permanence aussi (question recettes), le changement de saison passe généralement inaperçu. Depuis quelques années pourtant, le mois de Janus devient le plus riche dans le calendrier. Mais pour goûter à ses trésors, il faut sortir des sentiers battus.

Deux festivals font vibrer un public avide de découvertes : Under the Radar (« Sous le radar »), qui investit le Public Theater, et Coil (« Ressort ») au Performance Space (P.S.) 122. Deux moments forts avant même que la saison ne démarre. Ils se rivalisent, pendant deux semaines, pour proposer une programmation expérimentale qui, sans cette vitrine, passerait inaperçue du grand public, en même temps qu’elle promet bien des claques à nos idées reçues.

Le nouveau venu sur la scène, le Coil, s’attire un public avide de la performance et de la danse. Cette année, le festival s’est fait remarquer du public de théâtre grâce à une pièce qui dégouline de créativité, comme aussi de sang, cervelle, placenta et autres, euh, matières bio. Ce projet génialement « vivant » est l’idée de la Cie Radiohole, basée à Brooklyn, et il faut dire que Inflatable Frankenstein (Frankenstein gonflable) tient bien sa promesse. S’emparant des technologies dernier cri, le spectacle revendique une esthétique bricolée, grotesque et gothique, pour mettre à l’honneur Mary Shelley, son roman, son monstre et même ses nombreuses fausse couches. C’est que ce collectif, qui soigne bien son image de picoleurs hébétés que l’acte dramatique n’intéresse que moyennement, prend à bras le corps, littéralement, la création artistique voire humaine, dans le sens de la reproduction. Entre théâtre et performance, le spectacle a bluffé son public, au risque aussi de le dégoûter.

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« Ganesh Versus the Third Reich » | © D.R.

Under the Radar accueille Nature Theater of Oklahoma

C’est néanmoins le festival Under the Radar qui est devenu depuis neuf ans la référence pour le théâtre alternatif à New York, sous la direction de Mark Russell. De l’avis général, cet ancien directeur artistique du P.S. 122, qu’il a bâti en temple des arts de la performance avant de fonder le « U.T.R. », sait flairer mieux que personne les artistes les plus novateurs du moment. Avec une programmation plus strictement dramatique que celle du Coil, ce festival remplit bien sa mission de trouver des compagnies qui redessinent les contours du genre théâtral. L’édition 2013 a choisi de s’ouvrir et de se terminer sur deux spectacles décoiffants d’originalité : Ganesh Versus the Third Reich de la compagnie australienne Back to Back Theater et créé avec des handicapés mentaux, et Life and Times, du new-yorkais Nature Theater of Oklahoma (N.T.O.K.), un spectacle qui a remporté ses galons en Europe.

L’histoire de ce spectacle volontairement épique (4 épisodes durant huit heures, plus des entractes, dans sa forme actuelle, et appelé à grandir encore pour durer une journée entière) résume bien le gouffre qui sépare la production théâtrale américaine et européenne, l’une étant soumise aux lois du marché et au défi de la rentabilité, alors que l’autre profite de la manne des diverses financements possibles en Europe. Les directeurs artistiques du N.T.O.K., Pavol Liska et Kelly Copper, ont donc accepté la proposition du Burgtheater de Vienne de s’expatrier pendant presque quatre ans pour y développer leur spectacle.

Attendu donc ardemment sur la scène locale depuis leur dernière production aux U.S.A., No Dice (2008), Life and Times générait à lui seul le plus grand buzz du festival. Et avec raison : le modus operandi de la compagnie est de trouver le plus petit dénominateur commun du théâtre, et chaque épisode en donne une expérience, en essayant des formes allant du graphisme des suprématistes russes (mouvement d’art abstrait du début du xxe siècle), dans le premier épisode, jusqu’aux clichés du roman policier dans la quatrième partie. Les épisodes étaient accessibles individuellement, mais pour goûter au monde franchement décalé de N.T.O.K. rien ne valait la représentation-marathon avec trois entractes, lors desquels les acteurs servaient hot dogs, chips, rootbeer et brownies aux spectateurs. Ce home-coming est déjà passé dans les annales de l’U.T.R.

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« Minsk 2011 : A Reply to Kathy Acker » | © Nicolai Khalezin

De la Biélorussie à la Chine

L’autre spectacle qui a beaucoup fait parler de lui était le retour à New York du Belarus Free Theater. Invité partout dans le monde pour disséminer l’art de l’agit-prop, dont ils sont peut-être les derniers à maîtriser aujourd’hui le langage, le B.F.T. est aussi la seule compagnie clandestine d’Europe, en raison de son opposition au régime du président Alexandre Loukachenko. Sa pièce Being Harold Pinter, présentée à l’U.T.R. en 2010, a notamment remporté le prestigieux prix Obie la même année. Son nouvel opus, Minsk 2011 : A Reply to Kathy Acker, était encore plus à l’aise devant le public new-yorkais, auquel les recherches d’Acker sur les toxicomanes et les homosexuels à Manhattan dans les années 1970 ne seraient pas étrangères. En effet, le B.F.T. a époustouflé le public en leur exposant les bas-fonds de la société biélorusse, que le régime de Loukachenko persécute sans merci.

D’autres spectacles venant d’Europe ont été très bien accueillis ici. C’est le cas du C’est du chinois (titre original), une production hongro-néerlandaise signée par la jeune Edit Kaldor. Joué en mandarin – sans sous-titrage – par des acteurs chinois, le spectacle présente une famille de gentils immigrés qui se proposent de nous apprendre leur langue par le biais d’une méthode d’immersion qu’ils viennent de mettre au point. L’enjeu est volontairement comique (on apprend d’abord à prononcer « cola », « karaté », « feng-shui », etc.) bien que l’histoire que raconte cette famille s’inspire plutôt du désarroi des migrants.

Et de Walden Pond à Tokyo

Moi-même, j’ai été très touchée par un spectacle qui n’a pas fait couler beaucoup d’encre lors du festival. Zero Cost House réunit les talents du Pig Iron Theater, un ensemble interdisciplinaire travaillant à Philadelphie, et de Toshiki Okada, auteur de pièces comme le triptyque Hot Peppers, Air Conditioner and The Farewell Speech (à l’U.T.R. en 2012), qui creuse la vie quotidienne la plus banale des jeunes Tokyoïtes en leur prêtant un vocabulaire physique désarticulé et un langage hyperargotique.

Dans Zero Cost House, pourtant, Okaka se livre à un exercice périlleux. Il raconte sa décision de quitter définitivement Tokyo avant que le nuage radioactif tant redouté à la suite de Fukushima n’y déverse sa pollution radioactive. Périlleuse, car il entreprend ce déménagement au grand dam de son agent et s’installe chez une espèce d’illuminé prêchant dans le désert le message d’une vaste campagne de désinformation gouvernementale. Il se trouve aussi que le jeune Okada a été marqué par le livre de Henry David Thoreau, Walden Pond, et sa recette pour vivre en symbiose avec l’environnement et en ménageant ses propres envies. Il réfléchit donc ici – avec un mélange d’ironie et de nostalgie – au sens que pourrait avoir la sagesse de Thoreau à l’âge nucléaire.

Okada a collaboré à la mise en scène en prêtant sa gestuelle assez particulière aux cinq acteurs de Pig Iron, qui, eux, semblent s’amuser pas mal à jouer un jeune Japonais paumé qui se croit l’incarnation du grand penseur de la solitude américaine du xixe siècle. Drôle, intelligent, avec les touches de fantaisie que Okada sait si bien manier (des déguisements Bugs Bunny à l’appui) et dans une mise en scène sobre et assez zen finalement (ou lent à l’excès, c’est selon), Zero Cost House m’a laissé un de mes plus beaux souvenirs du mois du théâtre expérimental à New York. 

De notre correspondante permanente aux États-Unis

Molly Grogan


http://www.undertheradarfestival.com/

http://www.publictheater.org/

http://www.ps122.org/coil-2013/

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31 janvier 2013 4 31 /01 /janvier /2013 02:26

« Élise, chapitre 1 : la Banane américaine »

de et avec Élise Noiraud


Annonce

Les Trois Coups.com


Théâtre de Belleville • 94, rue du Faubourg du Temple • 75011 Paris

Réservations : 01 48 06 72 34

Mardi au samedi, du 12 février 2013 au 13 avril 2013 à 19 heures, du 16 avril 2013 au 9 mai 2013 à 21 h 30

Relâche le 22 février et les 13 et 14 mars

Métro : Goncourt (ligne 11) ou Belleville (ligne 2 ou ligne 11)

Durée du spectacle : 1 h 10

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« Élise, chapitre 1 : la Banane américaine | © D.R.

Collaboration à la mise en scène : Baptiste Ribrault

Le spectacle est lauréat du festival Ici et demain 2012

Ce spectacle est soutenu par Paris Jeunes Talents, Cultur’actions

Synopsis

Dans un village de province, une petite fille raconte avec une énergie à toute épreuve, sa réalité quotidienne et familiale. Une mère névrosée, une grand-mère envahissante, une tante hystérique, mais aussi des copains d’école, une maîtresse idéale ou une professeur de musique exaltée, composent une galerie de personnages déjantés. Ce seule-en-scène permet de retrouver toute la saveur, l’émotion et la cruauté de l’enfance. De toutes les enfances…

Le projet

Élise, chapitre 1 : la Banane américaine est un projet qui peut être résumé de la manière suivante : comédie autobiographique, consacrée à un récit d’enfance.

L’enfance dont il est question ici connaît la tranquillité d’un petit village de province. Au centre du récit, il y a une enfant. Elle est à la fois le personnage principal et la narratrice de cette histoire. Elle peut avoir huit, dix, douze ans peut-être. Et malgré son jeune âge, elle porte un regard naïf et acéré sur son propre monde qu’elle décrit avec un juste choix des mots.

Sa voix enfantine est le fil conducteur du spectacle, qui relie les évènements, anodins ou majeurs, de sa vie d’enfant.

Le spectateur découvre au fur et à mesure les personnages qui jalonnent ce quotidien. Ce sont principalement des adultes. Une place prépondérante est accordée à la mère. Une mère écrasante, excessive, et dont les névroses en font un personnage au grand potentiel comique. Apparaîtront aussi le père, la tante, la grand-mère, la directrice de l’école de musique, et Mme Gosrez, la propriétaire du magasin « Le Bazar moderne ».

Entre théâtre et conte, ce spectacle tente de reconstituer l’histoire que tisse une parole familiale. D’approcher ce qui constitue, presque physiquement, la saveur de l’enfance, sa respiration, son goût unique où se mêlent douceur, acidité et amertume. De rassembler les pièces du puzzle, traçant ainsi un tableau familial tantôt drôle, tantôt touchant, tantôt dramatique. Mais dont l’énergie saura le faire basculer résolument du côté du comique.

Note d’Élise Noiraud

C’est un sentiment de générosité qui fera éviter de parler de soi même […]. Il faut faire intervenir son moi le moins possible, c’est presque toujours un sujet gênant ou ennuyeux pour autrui.

La baronne Staffe, in Usages du monde-Règles du savoir-vivre dans la société moderne

La plongée dans ma mémoire et dans mon histoire personnelle constitue le socle de ce projet d’écriture. Il serait inutile, et vain, de nier son aspect autobiographique.

Cette dimension, évidemment, n’a de cesse de me questionner : que faire du risque (ou de la réalité…) égotique de cette démarche ? De son inévitable impudeur ? Ces questions demeurent en suspens, telles des vigies, indispensables.

Il m’est apparu nécessaire d’écrire une comédie. L’humour permet de réinvestir positivement un vécu, d’en effectuer une mise à distance salutaire. Mais c’est aussi le moyen d’inviter l’autre à partager mon histoire. De lui tendre un miroir où il peut trouver un espace pour rire, lui aussi, de sa propre enfance.

Mon projet est de créer un spectacle vif, rythmé et drôle. Instantanément créateur d’images, de sensations, et, surtout, se refusant au pathos ou à la complaisance.

Recueilli par

Les Trois Coups


Voir aussi la Banane américaine, critique de Fabrice Chêne.

Voir aussi Entretien avec Élise Noiraud, par Marie Barral.


Théâtre de Belleville • 94, rue du Faubourg du Temple • 75011 Paris

Réservations : 01 48 06 72 34

http://www.theatredebelleville.com/prochainement/item/13-elise

Mardi au samedi, du 12 février 2013 au 13 avril 2013 à 19 heures, du 16 avril 2013 au 9 mai 2013 à 21 h 30

Relâche le 22 février et les 13 et 14 mars

Métro : Goncourt (ligne 11) ou Belleville (ligne 2 ou ligne 11)

Bus 46 ou 75

Durée du spectacle : 1 h 10

Tarif plein 20 €

Tarif réduit 15 €

Moins de 26 ans 10 €

Coproduction Théâtre de Belleville / Théâtre de l’Épopée

http://www.theatredelepopee.blogspot.fr/

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30 janvier 2013 3 30 /01 /janvier /2013 18:07

Hommage à Bernard Dhéran


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Les Trois Coups.com


Bernard Dhéran, ancien doyen de la Comédie-Française, nous a quittés le 27 janvier. Il avait 86 ans.

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Bernard Dhéran | © D.R.

Il aura été durant près de quatre décennies l’une des plus célèbres figures du théâtre français, aussi brillant interprète de Corneille, de Molière, de Shakespeare que de Goldoni, de Feydeau ou de Strindberg.

Il y a peu encore, en 2010, ses admirateurs avaient eu le bonheur de le voir sur les planches, au Théâtre des Variétés.

Au cinéma, le talent de Bernard Dhéran aura été sollicité par les plus grands réalisateurs, de Sacha Guitry à Marcel Carné en passant par Claude Autant-Lara, Patrice Leconte ou encore Claude Berri.

Passé maître dans l’art du doublage, il aura été aussi la voix française de Christopher Plummer, Sean Connery, Anthony Hopkins, Christopher Lee, Patrick McGoohan… À la télévision, il était devenu un familier pour tous les fidèles d’« Au théâtre ce soir ».

Recueilli par

Les Trois Coups

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