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Par Les Trois Coups
Du rêve poétique à la danse
Par Jean-François Picaut
Les Trois Coups.com
Barzaz a vingt-cinq ans. Mais il s’est tu pendant de longues années. C’est donc avec un peu de nostalgie et beaucoup de curiosité qu’on les retrouve sur la scène du Théâtre national de Bretagne à Rennes.
Barzaz | © Yann Cousin
L’histoire de Barzaz (« l’œuvre poétique », en breton) commence en 1988. Ce n’est alors qu’un trio composé de Yann-Fañch Kemener (chant), Gilles Le Bigot (guitares) et Jean-Michel Veillon (flûtes). Mais son avènement au monde date plutôt de 1989. C’est alors un quintette qu’ont rejoint Alain Genty (basse fretless) et David « Hopi » Hopkins (percussions). Cette année-là, sort leur premier album, Ec’honder (Escalibur / Coop Breizh), immédiatement salué comme une date importante de la musique bretonne. An den kozh dall (Keltia Musique, 1992) vient en apporter la confirmation. Le groupe tourne beaucoup de 1989 à 1995, notamment dans les festivals) en France et à l’étranger (Allemagne, Portugal, Espagne, etc.).
À partir de 1995, les compagnons voguent chacun vers de nouvelles aventures. Ils se retrouvent fugacement pour deux concerts en 1997, et c’est le silence pendant seize ans ! La résurrection se produit en 2013 à la demande du festival La Gallésie en fête à Monterfil (Ille-et-Vilaine) : une initiative d’un festival gallo pour un groupe dédié au chant en breton… Le reste, une grande tournée et un nouvel album (Bod - Kaozet reer din (Keltia Musique, 2013), on le doit à la diligence de Sophie Glarner, à la tête de Big Bravo Spectacles.
La salle bourdonne déjà d’impatience quand les cinq musiciens font leur entrée sur la grande scène de la salle Vilar : trois têtes grisonnantes et deux crânes glabres, sans que le rasoir en soit seul responsable. La veste de Yann-Fañch Kemener, en grosse toile écrue, avec une coupe inspirée de la tradition, tranche sur les tenues sombres de ses compagnons. L’homme, bien droit près de son harmonium indien, les bras pliés à la perpendiculaire, tient dans chaque main un des pans de sa veste. Par souci d’élégance, il porte aussi sur l’épaule un châle à la Gandhi. Des lunettes à grosse monture bleue viennent parfaire la tenue du dandy breton.
La flûte de Jean-Michel Veillon mène grand train
Le concert commence par An den kozh dall (« le Vieillard aveugle »), le titre éponyme du second album de Barzaz. C’est une longue complainte (gwerz en breton) dont l’atmosphère mystérieuse est encore renforcée par les brumes qui envahissent le fond de la scène et les percussions un tantinet inquiétantes de David « Hopi » Hopkins. La mélodie celtique est assurée par la flûte de Jean-Michel Veillon tandis que l’accompagnement à la basse et à la guitare confère à la chanson sa modernité. L’introduction dans ce titre de passages parlés en français est particulièrement heureuse, elle ne se reproduira plus, hélas, dans la suite du concert. Dans Fisel (danse du centre de la Bretagne, Rostrenen) qui lui succède, après une introduction voix et guitare, fait la part belle à la virtuosité de Jean‑Michel Veillon dont la flûte mène grand train. On apprécie la transition pleine d’humour de Gilles Le Bigot qui ne se renouvellera pas non plus, un problème technique l’ayant, semble-t-il, privé de micro pour la voix. Et le programme continue ainsi dans l’alternance des ballades (Gwerz Maivonig, Parrez Lokmalo, une histoire de jeune fille honteusement séduite, N’eo ket en ho ti tarvarnourez, et la célèbre Gwerz Ponkalleg) et des pièces à danser (Gavoten ou Ton bale bro pourlet, le pays pourlet est situé essentiellement en Morbihan autour de Guémené-sur-Scorff, Dans plinn, danse du centre de la Bretagne entre Loudéac et Maël-Carhaix, Ar butun, encore une danse fisell, etc.).
Le corps du concert était tiré des deux premiers albums. Les deux rappels (Kaozet reer din et Bod) constituent la matière du dernier disque de Barzaz qui porte justement ce double titre (Keltia Musique, 2013). Les trois disques sont réunis en un album unique sous le nom de Barzaz (Keltia Musique, 2013).
Le charme indéniable de Barzaz, qui a opéré pleinement sur le public du T.N.B., tient à la fusion intime de la tradition bretonne, représentée surtout par le chant de Yann-Fañch Kemener, et des univers variés évoqués par les autres instrumentistes. Bien sûr, les flûtes en bois de Jean‑Michel Veillon peuvent tenir lieu de bombarde ou biniou. Mais il leur arrive aussi d’emprunter des accents à la flûte orientale (Parrez Lokmalo). À côté de peaux qui peuvent être frappées comme des tambours, David « Hopi » Hopkins manie aussi des grelots, un petit tambour d’aisselle et même un arc à bouche africain. La basse fretless d’Alain Genty ne manque pas de faire entendre quelques accords, voire des rythmes, venus du jazz, et elle est pour beaucoup dans la modernité dégagée par l’ensemble. Il faudrait aussi parler de la virtuosité de Gilles Le Bigot et des couleurs très variées de ses guitares, sans oublier de commenter les atmosphères et les harmonies générées par les associations d’instruments. On se contentera de répéter que Barzaz est une voix originale dans la musique en Bretagne. Il serait donc regrettable que ce retour ne dure pas plus qu’une grande fouée de la Saint-Jean. ¶
Jean-François Picaut
Barzaz, par le groupe Barzaz
Barzaz est un triple album édité par Keltia Musique, 2013
Big Bravo Spectacles • 32, rue de la Vallée • 22190 Plérin
02 96 70 86 91
Site : www.bigbravospectacles.com
Courriel : bigbravo@wanadoo.fr
Avec : Yann-Fañch Kemener (chant), Gilles Le Bigot (guitares), Jean‑Michel Veillon (flûtes), Alain Genty (basse fretless) et David « Hopi » Hopkins (percussions)
Théâtre national de Bretagne • salle Vilar • 1, rue Saint-Hélier • 35000 Rennes
Réservations : 02 99 31 12 31
Le 17 décembre 2013 à 20 heures
Durée : 1 h 30
25 € | 11 € | 8 €
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