« Birds with Skymirrors », de Lemi Ponifasio (critique), Théâtre de la Ville à Paris

Une catastrophe
et des hommes

---

Par Aurore Krol

Les Trois Coups.com

---

Lemi Ponifasio, chorégraphe, intellectuel et grand chef samoan, prenait place cette semaine pour la seconde fois au Théâtre de la Ville à Paris. Présentant Birds with Skymirrors, il porte la catastrophe à bras le corps, traitant des problèmes écologiques par le biais d’une esthétique froide et hybride, opposée à un quelconque exotisme d’apparat.

« Birds with Skymirrors » | © Sebastian Bolesch

Sa pièce est un acte épuré d’une violente acuité. Le plateau, lui, est une vaste étendue vide aux tonalités métalliques. Noirceur irisée de gris et dépourvue de vitalité à la manière d’une mer morte. Dans cet espace scénique à caractère postapocalyptique, les corps cherchent à vivre et explorent l’animalité.

L’univers dans lequel évoluent les artistes, sombre et anguleux, impose une dimension écrasante sur les interprètes, contrastant avec la matérialité organique de leur corps et de l’énergie qui en émane. Une lumière sculpturale aiguise, quant à elle, les silhouettes, les redessinant pour en faire les ombres tronquées d’un bestiaire étrange.

Sur un écran en fond de scène, une image parfois apparaît, d’abord sous la forme d’un simple flash, puis de manière lancinante et de plus en plus obsédante : celle d’un oiseau se débattant dans une mer mazoutée. Cette seule image sortie d’un écran parasité d’ondes fait converger vers elle seule toute l’empathie du spectateur.

Combat perdu d’avance de l’oiseau affaibli

À aucun moment cette image n’est vue comme la narration des gestes des danseurs ou comme un rappel explicite du thème de la pièce. On voit plutôt un lien esthétique entre cette danse cassée, ce combat perdu d’avance de l’oiseau affaibli, et le rituel qui s’exerce chez les différents interprètes.

De cela naîtra une chorégraphie pour danseurs endeuillés : des gestes lents comme des litanies, des pas rapprochés et un chant comme un cri de détresse pour une cérémonie impuissante. Trois femmes au visage déformé d’effroi, sortes de Parques intemporelles dont les fils seraient devenus des armes, viendront, elles aussi, effectuer un rite cérémonial, leur regard terrifiant et exacerbé porté sur le vide, sur un inconnu qui inquiète.

L’ensemble de l’œuvre plonge dans une esthétique de la lenteur et de la réflexion, dans l’après d’un drame à ampleur planétaire et dans l’importance d’une communion. Comme si la célébration de la beauté envers et contre tout était la seule chose qui empêchait l’impuissance et la désolation. Alors, les hommes se rassemblent, et chantent, et leur chant est un cri d’oiseau blessé. Mais un cri universel. ¶

Aurore Krol

---

Birds with Skymirrors, de Lemi Ponifasio

Concept, décor, chorégraphie et direction : Lemi Ponifasio

Lumières : Helen Todd

Avec : Ioane Papalii, Teataki Tamango, Kelemete Fu’a, Arikitau Tentau, Tebau Utiata, Maereke Teteka, Gerard Tatireta, Kasina Campbell, Rosie TeRauawhea Belvie, Tuirina Wehi, Ofati Tangaroa, Tiui Elisara

Tournée 2011 Birds with Skymirrors organisée par le Théâtre de la Ville :

– 17 au 19 novembre 2011, Mercat de la Flors, Barcelone

– 1er au 3 décembre 2011, Berliner Festpiele, Berlin

– 8 au 10 décembre 2011, KVS, Bruxelles

– 14 et 15 décembre 2011, DeSingel, Anvers

Théâtre de la Ville • 2, place du Chatelet • 75004 Paris

Site du théâtre : www.theatredelaville-paris.com

Réservations : 01 42 74 22 77

Du 23 novembre au 27 novembre 2011 à 20 h 30

25 € | 19 € | 14 €