Le journal quotidien du spectacle vivant en France. Critiques, annonces, portraits, entretiens, Off et Festival d’Avignon depuis 1991 ! Siège à Avignon, Vaucluse, P.A.C.A.
Par Les Trois Coups
Michel Fau, le faune chantant
Par Cédric Enjalbert
Les Trois Coups.com
Michel Fau, on l’aime passionnément, à la folie. On aime la folie, on l’aime lui. Fol. Folle aussi, car il a le travestissement facile. Pour un rien, il s’habille. Immense acteur, fantastique enseigneur, Michel Fau monte un récital emphatique joyeux et éclectique, sombre, à sa mesure. Dégonfleur de baudruches, il « opéra bouffe », on pouffe.
« Récital emphatique » | © Marcel Hartmann
Michel Fau travaille à l’ancienne, traitant le mal par le mal. Il pratique l’emphase pour dégonfler les boursouflures théâtreuses, crève les pompeux enflés de la bienséance. Il déride tout ce qui bouge à force de numéros de tragédienne d’autrefois et de diva d’antan. Son emphase cabarétique est l’antidote des sérieux boursouflés faiseurs de téyââtre.
Il n’est qu’à voir son numéro sur Duras sur le texte de Roland Menou, « Mékong B4 ». Nous voilà vengés pour les siècles à venir de la poétique du vide, style franchement gonflant quand il s’attaque à la scène. Mais allez comprendre, elle est à l’honneur, Duras. Soit, on l’aime aussi. Certes pas pour tout. L’Amant, par exemple, fort bien, mais enfin… hilarant plus encore quand Fau n’en fait qu’une bouchée, soulignant avec grandiloquence les surcroîts de style : où le Mékong verse dans la Loire, où les enfants d’Asie finissent par se jeter sur les papayes trop vertes… à Nevers. Joyeux délire, gaiement emporté par la fougue de Fau. Fougue de Fau, une excentricité de théâtre.
Et de l’Hippolyte racinien, que fait-il ? Une variation inspirée moquant tant les scléroses du jeu du Français que les aberrations modernisantes, jouant à l’Arletty ou mimant les poses du kathakali. Drolatique morceau de bravoure, cet exercice de style à la Queneau décline quelques vers de Phèdre, débutant par le fameux « Mon mal vient de plus loin ». Passé aussi au crible du fantasque Michel Fau, diva baroque en fuseau scintillant, starlette de music-hall et faune chantant, le Samson et Dalila de Camille Saint-Saëns, qui conduit au délire lyrique quasi inquiétant, dans la bacchanale à talons.
Michel Fau joue tous les rôles
Metteur en scène et acteur, mime et enseignant, Michel Fau joue tous les rôles. Dispendieux, fou, moqueur et inquiet, rieur et soucieux, il fait briller deux yeux cernés de noir exprimant tout au fond une lueur de désespoir. Comment ne pas sourire lorsqu’il enjolive la niaiserie d’un tube s’offusquant de la vénalité de la société fondée sur de fausses valeurs avec une indignation maladroite sinon grotesque : « Je veux d’l’amour, d’la joie, de la bonne humeur, ce n’est pas votre argent qui f’ra mon bonheur, moi j’veux crever la main sur le cœur, papalapapapala. Allons ensemble découvrir ma liberté, oubliez donc tous vos clichés, bienvenue dans ma réalité ! ».
Un pianiste, Mathieu el-Fassi, virtuose pince-sans-rire, l’accompagne avec brio dans ses délires. Peut-être l’abord de ce Récital est-il rude avec d’emblée cette longue « interpitration » de Saint-Saëns, sans doute le spectacle est-il meilleur après quelques tours de chant, de chauffe, d’échauffement. Qu’importe ! Michel Fau n’a plus rien à prouver. Donc, il le dit, et le chante, et le danse, avec une générosité à nulle autre pareille. Son prisme kaléidoscopico-cabarétique nous projette au-delà du miroir. On découvre un monde antique, décoré, orné, baroque, désuet, beau et sensible, musical et effréné, sombre et saugrenu, en arabesques, seyant à cette ruine romantique indianisante des Bouffes du Nord. La patine lui va si bien. Alors, allons sans tarder ensemble découvrir sa liberté, oubliez tous vos clichés et bienvenue dans sa réalité ! ¶
Cédric Enjalbert
Cabaret emphatique
Création
Mise en scène et interprétation : Michel Fau
Accompagnement au piano : Mathieu el-Fassi
Robes : David Belugou
Maquillage : Pascale Fau
Coiffures : Élodie Martin
Théâtre des Bouffes-du-Nord • 37 bis, boulevard de la Chapelle • 75010 Paris
Réservations : 01 46 07 34 50
Du 20 au 30 décembre 2011, du mardi au samedi à 19 heures
Durée : 1 heure
23 € | 15 € | 12 €
Eclipse Next 2019 - Hébergé par Overblog