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Le journal quotidien du spectacle vivant en France. Critiques, annonces, portraits, entretiens, Off et Festival d’Avignon depuis 1991 ! Siège à Avignon, Vaucluse, P.A.C.A.

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« Dom Juan », de Molière (critique), Théâtre du Nord à Lille

Où se cache Dom Juan ?


Par Camille Bourleaud

Les Trois Coups.com


Dans le texte de Molière, c’est « le plus grand scélérat que la terre ait jamais porté ». Mais sur les planches du Théâtre du Nord, Dom Juan est absent. Effacé, à moitié incarné. Par bonheur, la mise en scène de Julie Brochen sauve la pièce. Sobre et solennelle, elle présage, tel un oiseau de malheur, l’issue fatale de l’histoire.

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« Dom Juan » | © Franck Beloncle

An 1665. Alors que Tartuffe paie le prix de la censure, Molière cherche de nouveau à mettre le feu aux poudres. Pari réussi avec Dom Juan ou le Festin de pierre, qui défraie la chronique. Insolent, insoumis et manipulateur, le maître de Sganarelle court les jupons à en perdre haleine. Ne souffrant aucune contrainte morale, il fait fi de l’autorité, bien décidé à faire craquer les carcans. Ce qui, à l’époque, effraie le gratin des bien-pensants et des grenouilles de bénitier. D’autant que Dom Juan porte ses coups la lame acérée, et non à fleurets mouchetés. Sans se douter que son libertinage va lui attirer les foudres divines.

Le choix de Julie Brochen était honorable. Il s’agissait d’introduire dans sa troupe des élèves de l’école du Théâtre national de Strasbourg. Malheureusement, elle se tire une balle dans le pied, en attribuant le rôle principal à un apprenti comédien. Malgré sa bonne volonté, le jeune Mexianu Medenou campe un Dom Juan scolaire et terne. Qui ne parvient à convaincre que lorsqu’il butine d’une Charlotte à une Mathurine. Était-ce un mauvais soir pour le comédien ? Ce qui est sûr, c’est que durant deux heures, le héros peine à donner toute la mesure qui sied au rôle. Parfois même, il détonne, déclamant son texte avec colère là où l’on attendrait de la désinvolture.

Au point que c’est Sganarelle (interprété par un membre permanent de la troupe, Ivan Hérisson) qui lui vole la vedette. La bouche béate, les bras ballants, le valet passe derrière son maître pour essuyer les plâtres. Et satisfaire nos zygomatiques. On saluera aussi l’interprétation d’Elvire par Muriel Inès Amat et du paysan Pierrot par Antoine Hamel. Il parle l’ancien français comme un dieu, et même si on peine à le comprendre, c’est jubilatoire.

Des écuries à la lueur des bougies

C’est dans une écurie que naît l’action : Dom Juan attelle son cheval pour échapper à Elvire, celle à qui il a promis la lune sans aller la décrocher. Grâce à des rails fixés au sol, le héros promène son cheval de cour à jardin. C’est un cheval de métal, presqu’un cheval de Troie. Comme s’il prophétisait les dommages collatéraux que produit la venue de Dom Juan. Au fil de l’histoire, l’écurie permet aux personnages de faire leur entrée ou de se dérober aux regards, entre deux box.

Le dispositif scénique a aussi une portée symbolique. Élément tragique, il agit comme un fil rouge fatidique. Au lever de rideau, surprise : la scène est recouverte de terre. Une terre brune que labourent les paysans rencontrés par Dom Juan au fil de son périple. À mesure que notre libertin piétine les conventions, les autres personnages viennent balayer la scène. Faisant table rase de cette terre, ils laissent progressivement le spectateur découvrir ce qui se cache dessous : un sol en marbre, dont les motifs rappellent les cases des jeux d’échecs. Le ton est donné. Tout concourt à annoncer l’épreuve suprême, la confrontation fatale de Dom Juan avec la statue du Commandeur.

Un sentiment d’angoisse vient saisir le public, qui riait quelques secondes plus tôt de voir les paysannes se crêper le chignon. Finie la comédie, la tragédie prend possession du quartier général. Et, bien sûr, qui dit tragédie dit chœur : accompagnés au piano, les personnages entonnent des chants grégoriens, tout droit sortis d’outre-tombe. Le spectateur frissonne, pétrifié et fasciné. Il attend le coup de grâce. Du son, donc, mais aussi des lumières. Julie Brochen ménage de très belles plages de clair-obscur, grâce à des bougies, qui dramatisent l’action. Malgré un Dom Juan en demi-teinte, la pièce n’est donc pas un fiasco. Elle trouve son salut dans une mise en scène épurée, qui rappelle à bien des égards les toiles du Gréco, graves et spectrales. 

Camille Bourleaud


Dom Juan, de Molière

Troupe du Théâtre national de Strasbourg • 1, avenue de la Marseillaise • 67000 Strasbourg

04 90 27 14 31

Site : www.tns.fr

Mise en scène : Julie Brochen

Scénographie : Julie Brochen et Marc Puttaert

Assistante à la mise en scène : Amélia Enon

Avec : Muriel Inès Amat, Christophe Bouisse, Fred Cacheux, Jeanne Cohendy, Hugues de la Salle, Julien Geffroy, Antoine Hamel, Ivan Hérisson, Mexianu Medenou, Cécile Péricone, André Pomarat, Hélène Schwaller, Élodie Vincent, Vincent Leterme, Nikola Takov

Maquillages, coiffures : Catherine Nicolas

Costumes : Thibaut Welchlin

Décors : Jacques Brossier

Lumières : Olivier Oudiou

Direction musicale et vocale : Françoise Rondeleux et Loïc Herr

Piano : Vincent Leterme et Nikola Takov

Théâtre du Nord • 4, place du Général-de-Gaulle • 59026 Lille

Réservations : 03 20 14 24 24 de 13 heures à 18 h 30 et sur www.theatredunord.fr

Du 3 au 14 décembre 2011 à 20 heures, sauf le jeudi à 19 heures et le dimanche à 16 heures, relâche le lundi

Durée : 2 heures

23 € | 20 € | 16 € | 10 € | 7 € | 3 € 

Tournée :

– Saint-Brieuc du 11 au 13 janvier 2012

– Lorient du 17 au 19 janvier 2012

– Dijon du 2 au 11 février 2012

– Besançon du 13 au 16 mars 2012

– Colmar du 21 au 23 mars 2012

– Caen du 27 au 29 mars 2012

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