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Par Les Trois Coups
Faust a perdu son âme
Par Trina Mounier
Les Trois Coups.com
Il faut rendre cette justice à Émilie Valantin d’avoir su donner à la marionnette ses lettres de noblesse, de l’avoir sortie du compartiment jeune public, voire folklorique. Qu’elle s’attaque au mythe de Faust était légitime, mais le résultat est quelque peu décevant.
« Faust et usages de Faust » | © Compagnie Émilie-Valantin
Plus qu’à une œuvre, voire à un personnage, c’est bien au mythe que la créatrice s’est attachée, comme l’indique d’ailleurs bien le titre du spectacle. Avec Jean Sclavis, elle a beaucoup lu, ce dont témoigne le plateau encombré de livres, bibliothèque de Faust, mais aussi sans nul doute la leur propre. Le montage qui en résulte révèle bien les qualités et les défauts de cette érudition : le spectacle est bourré d’idées, mais reste assez cérébral, et l’amoncellement des références ne remplace pas une progression dramatique, ici plutôt poussive, ni d’ailleurs un propos incisif.
Alors, on suit Faust, le vieux savant qui a vendu son âme au diable contre les services de Méphistophélès, à travers les siècles avec deux grandes incursions, l’une du côté de Luther et Charles Quint, l’autre plus proche de nous, qui se veut virtuelle avec iPad et hologrammes. Avec même un pas de côté vers Hélène de Troie ou l’intrusion pour le moins surprenante de grandes mascottes assez laides de type jeux Olympiques, dont le rôle, à part de recéler les poupées des sept péchés capitaux, elles aussi vraiment superfétatoires, m’est resté opaque. Ainsi Faust découvre-t-il Marguerite sur Internet et fait-il fortune en Bourse. Mais ces références multiples se muent en autant d’impasses. Ce qui manque ici, c’est du théâtre, de l’émotion, du rythme, une écriture véritable.
Récital Jean Sclavis, la marionnette-orchestre
C’est d’autant plus regrettable que l’ensemble est par ailleurs de haute tenue. À commencer par les marionnettes elles-mêmes, dont Émilie Valantin sait exploiter toutes les facettes : elle nous en offre dans ce spectacle plusieurs types, à gaines ou à fil, habitées ou sur castelet, grandeur nature ou miniature, qu’elle utilise au gré de l’intrigue, variant les points de vue. Faust ressemble à s’y méprendre à Jean Sclavis qui, dans ce rôle et celui de Méphisto, prend plaisir à toutes sortes de diableries…
Jean Sclavis, qui interprète tous les rôles, effectue là une véritable performance : il change de voix, et de registre, avec une indéniable dextérité, passant de l’un à l’autre sans jamais nous tromper, avec une grande aisance et beaucoup de clarté, prouesse d’autant plus remarquable qu’il est sans cesse caché derrière ses personnages-marionnettes… Mieux même, il chante, et fort joliment, reprenant les voix des différents personnages de l’opéra de Gounod (et même les notes bien connues de la Castafiore…). Sa prestation est en tout point remarquable, appuyée par celle d’Élie Granger au piano et à l’harmonium (quand il n’est pas derrière une marionnette). Au final, une impression mitigée et une attente déçue. ¶
Trina Mounier
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Faust et usages de Faust, d’après Christopher Marlowe et Charles Gounod
Compagnie Émilie-Valantin • 15, rue du Travail • 07400 Le Teil
04 75 01 17 61
Adaptation : Jean Sclavis et Émilie Valantin
Avec : Jean Sclavis (jeu et manipulation), Élie Granger (jeu, musicien au piano et à l’harmonium), Gilles Richard (manipulateur accessoiriste)
Accessoiriste plateau : Gilles Richard
Régie et création lumière : Gilles Drouhard
Adaptation musicale : Élie Granger
Marionnettes : Émilie Valantin, assistée de François Morinière, Manon Mordacque et l’atelier de la Cie Émilie-Valantin
Costumes : Émilie Valantin, assistée de Barbara Mornet, Emmanuelle Huet, Ginette Crouzet, Manon Mordacque et l’atelier de la Cie Émilie-Valantin
Décor : Émilie Valantin, Bertrand Boulanger, Lola Rozé et l’atelier de la Cie Émilie-Valantin
Les Célestins • 4, rue Charles-Dullin • 69002 Lyon
04 72 77 40 00
Du 11 décembre au 22 décembre 2013 à 20 h 30, salle Célestine, relâche dimanche 15 et lundi 16, dimanche 22 à 16 h 30
Durée : 1 h 20
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