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Le journal quotidien du spectacle vivant en France. Critiques, annonces, portraits, entretiens, Off et Festival d’Avignon depuis 1991 ! Siège à Avignon, Vaucluse, P.A.C.A.

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Festival Mises en capsules (critique), Ciné 13 Théâtre à Paris

Ultramodernes solitudes


Par Fabrice Chêne

Les Trois Coups.com


Suite de la quatrième édition du festival Mises en capsules, créé par Benjamin Bellecour, codirecteur du Ciné 13 Théâtre à Montmartre. (Voir article précédent). Sous la houlette de l’inénarrable Georges en maître de cérémonie, une nouvelle brochette de cinq formes courtes – en l’occurrence le programme donné les mercredi et samedi.

S’il fallait trouver un point commun aux pièces du jour, ce serait de tracer le portrait d’êtres en rupture – rupture sociale ou sentimentale –, d’êtres saisis dans un moment de crise ou de désarroi. Au-delà de cette unité thématique, on peut noter que quatre des cinq créations proposées recourent à la vidéo, mais pas forcément pour le meilleur… Les images d’archives de la Révolution de 1917 dans Un temps camarade ont un réel impact, et le dispositif imaginé au début de Jeune homme stérile… est assez ludique. Par contre, le procédé devient vite répétitif dans Bingo !, et franchement redondant, pour ne pas dire superfétatoire, dans l’Infante. La soirée a également prouvé que, dans ce domaine, on n’était jamais à l’abri des problèmes techniques…

Le programme commence de poétique façon, avec une création de Malik Zidi autour de textes du poète futuriste russe Vladimir Maïakovski. C’est une réflexion sur le désenchantement et la solitude d’un artiste, déçu que le monde ne réponde pas mieux à sa quête d’absolu. La haute stature d’Éric Cousteau évoque bien le physique de guerrier de Maïakovski. Quant à Céline Hilbich dans le rôle de Lili Brik, le grand amour du poète, elle est une apparition onirique en robe bleue, à la fois légère et charnelle, très féminine. Entre ces deux-là, la communication passe par des regards, des soupirs, des gestes. L’amour est là, et son impossibilité. L’impression d’étrangeté ne quitte pas le plateau. On peut regretter que le silence l’emporte à ce point sur les mots, ou que le comédien articule à peine son texte. Une vision forte, qui reste énigmatique.

Une comédie romantique pleine de délicatesse

Un autre couple, bien de notre temps cette fois : les deux personnages imaginés par Catherine Verlaguet dans Jeune homme stérile… Comme tant d’autres aujourd’hui, ils se rencontrent par le biais d’une annonce. Elle a des jumeaux (« deux », précise-t-elle), mais plus de mari. Ça tombe bien, les enfants, il les aime, mais ne peut pas en avoir. Anne Bouvier a su donner à la pièce le ton léger d’une comédie romantique pleine de délicatesse et de pudeur. La gêne de la première rencontre, mélange de timidité et d’espoir, est interprétée avec beaucoup d’humanité par Guillaume Bouchède. Les propos tenus par ces deux adultes qui veulent prendre un nouveau départ, « former une équipe pour élever des gosses », sont souvent amusants (« Comment on fait, pour le sexe ? »). On est étonné, et un peu déçu, que le spectacle se termine si vite.

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Mises en capsules

Mais la proposition la plus convaincante de ce programme, la plus dense, la plus percutante, la plus émouvante aussi, est la troisième : un inédit du grand auteur new-yorkais Israël Horovitz. Inconsolable évoque le destin tragique d’une femme qui vit enfermée dans sa tristesse depuis qu’à l’âge de treize ans elle a découvert sa mère suicidée dans le garage de sa maison. Le garçon qui l’a « sauvée » est devenu son mari, mais l’a quittée depuis. Comment échapper à la fascination pour cet acte fatal, qui attire et aspire comme des « sables mouvants » ? La mise en scène de Benoît Lavigne est aussi précise qu’efficace. Le texte nous porte, l’interprétation des trois comédiens est pleine de justesse (mention spéciale à Hervé Jouval, parfait, ainsi qu’à la toute jeune Léopoldine Serre). Un moment d’intense émotion, accompagné par le violoncelle d’Ophélie Humberclaude.

Les deux autres propositions sont un ton en dessous. Le texte de Maxence Garnier, l’Infante, souffre évidemment de la comparaison avec celui d’un auteur aussi expérimenté qu’Horovitz, à côté duquel il paraît bien pesant et démonstratif. Est-ce un hasard ? Encore une histoire de femme seule avec enfant. Malheureusement, la comédienne, Mélanie Bernier, récite son texte plus qu’elle ne le joue. Elle reste le plus souvent figée, ou se contente d’arpenter le plateau de long en large, aussi empruntée sur ses chaussures compensées que sur des échasses. On attend de la revoir dans un rôle qui ne soit pas pour elle un carcan. Des artistes en devenir…

Dans Bingo !, pour finir, les comédiens se sortent bien d’un texte inégal, qui dénonce « l’impôt sur le rêve » que constituent les jeux d’argent et le racket orchestré par La Française des jeux. À travers les portraits de plusieurs accros du Loto – de l’employé de la morgue malchanceux au joueur repenti, en passant par l’avocate honteuse –, l’auteur explore les soubassements sexuels de l’addiction. Saluons encore une fois, en guise de conclusion, l’heureuse initiative que constitue ce festival, qui sert de laboratoire à la jeune création théâtrale. 

Fabrice Chêne


Mises en capsules, festival de formes courtes théâtrales

Créé par Benjamin Bellecour

Maîtres de cérémonie : Paul de Launoy et Laurent Ferraro

Création lumière : Quentin Vouaux et Anaïs Souquet

Un temps camarade, d’après des textes de Maïakovski et de Malik Zidi

Mise en scène : Malik Zidi

Avec : Éric Cousteau, Céline Hilbich

Jeune homme stérile cherche jeune femme seule avec enfants, de Catherine Verlaguet

Mise en scène : Anne Bouvier

Avec : Méliane Margaggi et Guillaume Bouchède

Inconsolable, d’Israël Horovitz

Mise en scène : Benoît Lavigne

Avec : Bérangère Gallot, Léopoldine Serre, Hervé Jouval, Ophélie Humberclaude

L’Infante, de Maxence Garnier

Mise en scène : Maxence Garnier

Avec : Mélanie Bernier

Bingo !, de Marie Verge

Mise en scène : Marie Verge

Avec : Ludivine Maffren, Xavier Girard

Programme détaillé : www.misesencapsules.com

Ciné 13 Théâtre • 1, avenue Junot • 75018 Paris

Métro : Abbesses ou Lamarck-Caulaincourt

Réservations : 01 42 54 15 12

www.misesencapsules.com

Du 24 mai au 12 juin 2010, du lundi au samedi à partir de 19 heures

Durée de chaque spectacle : 30 min, pause de 15 min entre chaque spectacle

20 € | 12 €

Pass illimité : 36 €

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