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Le journal quotidien du spectacle vivant en France. Critiques, annonces, portraits, entretiens, Off et Festival d’Avignon depuis 1991 ! Siège à Avignon, Vaucluse, P.A.C.A.

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« Incidence chorégraphique », sous la direction artistique de Bruno Bouché (critique), Théâtre municipal de Fontainebleau

De l’art d’accommoder

le chausson


Par Céline Doukhan

Les Trois Coups.com


Oubliez leur nom un brin ronflant, « Incidence chorégraphique », ce sont des danseurs superbes au service de chorégraphies d’aujourd’hui. Intense et surprenant.

incidence-choregraphique-1-300 agathe-poupeney-photoscene-fOubliez aussi qu’ils [danseurs et chorégraphes] sont issus de l’Opéra de Paris. Ils sont bons, excellents, point. Premier chorégraphe au programme de la soirée : José Martinez, étoile venant tout juste de quitter la scène, et chorégraphe déjà expérimenté (1). Son « Ouverture en deux mouvements » est conforme à ce qu’en dit le programme : « Une pièce d’ensemble brillante, élégante et musicale ». Danseurs et danseuses souriants, mouvements gracieux mais pêchus : on savoure de tous ses yeux et de toutes ses oreilles. Le deuxième mouvement de la pièce, lui, est d’une facture plus contemporaine, s’appuyant sur de beaux éclairages qui créent un noir et blanc très graphique.

Après cette ouverture pour toute la compagnie, place aux hommes de « Nous ne cesserons pas » : Erwan Leroux, Alexandre Gasse, Yann Saïz et Daniel Stokes. Là, l’intensité monte, avec, en fond, la tourmentée Sonate en si mineur de Liszt. La sobriété des costumes (pantalon et tee-shirt noirs) et du décor (deux échelles, un piano) met d’autant mieux en valeur la force expressive de la danse. On retrouvera plus tard bien des points communs entre cette pièce et la dernière, signées toutes deux de Bruno Bouché, le directeur artistique de la compagnie. D’abord, des chorégraphies entre hommes. Physiques, mais ô combien touchantes. Rapports d’amour, de force : rien n’est tranché dans ces chorégraphies puissantes et pleines de fragilité à la fois. Les danseurs se tiennent, se soulèvent, se portent tout le temps et en tous sens.

C’est assez spectaculaire, mais pas seulement. Les quatre interprètes donnent à voir un groupe qui essaie de vivre ensemble, tant bien que mal. Ils ont des physiques et des styles légèrement différents : par exemple, dans la catégorie « beau ténébreux à l’œil de braise », c’est Alexandre Gasse qui détient la palme, tandis qu’Erwan Leroux est plus terrien, plus compact. Yann Saïz a un certain panache, un côté flamboyant… Et que dire d’Aurélien Houette, habitué de la compagnie, sorte de Yul Brinner à la silhouette sculpturale, dont le duo final avec Erwan Leroux (« Bless-Ainsi soit-IL ») clôt le programme de fort belle et émouvante manière.

Des univers en résonance

Le contraste est grand avec « Voie sans voix », de Nicolas Paul, qui ouvre la deuxième partie du spectacle. Le sujet : l’art difficile d’accommoder le chausson, ou plutôt de s’en accommoder. C’est un peu « Danse avec les chaussons », comme Kevin Costner avec ses loups ou Fred Astaire avec son manche à balai. Ici, au contraire des chorégraphies de Bruno Bouché, les danseuses ne se touchent jamais, sont isolées les unes des autres, comme si chacune était engagée dans une quête individuelle plutôt que collective (le contraire des garçons dans « Nous ne cesserons pas »). Du coup, les personnages de cette chorégraphie paraissent se situer dans une dimension plus abstraite. Il s’agit d’explorer le rapport de la danseuse avec ses chaussons de pointe, objet-symbole d’une féminité exaltée mais contrainte. Un peu comme dans la pièce des garçons, les danseuses ont parfois l’air d’automates : mouvements saccadés, corps droits comme des « i »… C’est tout un jeu sur la limite entre le corps normé, robotisé, et l’expression du corps individuel, qui laisse la place à de très beaux solos.

En tout cas, ces deux univers différents entrent en résonance, et tout cela donne un programme de haut niveau, exigeant et fort.

Enfin, pour tout le programme, on saluera la qualité du travail sur les éclairages. Au ras du sol, ils créent une atmosphère un poil expressionniste. Chauds et dorés, ils évoquent la tendresse et l’espoir. De la belle ouvrage ! 

Céline Doukhan


(1) Voir, par exemple, la critique des Enfants du paradis.


Incidence chorégraphique, sous la direction artistique de Bruno Bouché

Chorégraphies de José Martinez, Bruno Bouché, Nicolas Paul

Avec : Muriel Zusperreguy, Aurélia Bellet, Amandine Albisson, Juliette Hilaire, Jennifer Visocchi, Aurélien Houette, Yann Saïz, Daniel Stokes, Alexandre Gasse, Erwan Leroux

Musiques de Prokofiev, Liszt, Monteverdi, Scelci, Bach, Busoni

Photos : © Agathe Poupeney/Photoscene.fr

Théâtre municipal de Fontainebleau • rue Richelieu • 77300 Fontainebleau

Réservations : 01 64 22 26 91

Le 17 décembre 2011 à 20 h 30, le 18 à 17 heures

Durée : 2 heures avec entracte

De 12 € à 32 €

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