Le journal quotidien du spectacle vivant en France. Critiques, annonces, portraits, entretiens, Off et Festival d’Avignon depuis 1991 ! Siège à Avignon, Vaucluse, P.A.C.A.
Par Les Trois Coups
Réinventer le plaisir
« Infundibulum », un mot bien étrange pour un spectacle qui nous ramène tant à l’intuitif. On reconnaît les tendances du nouveau cirque, appropriées et déclinées par la compagnie Feria Musica : ambiance feutrée et familiale, créativité et recherche esthétique sont au rendez-vous. Petits et grands se laissent bercer par ces artistes à l’imagination et au talent débordants.
« Infundibulum » | © Frédéric Latinis
Infundibulum ? Le dictionnaire nous renseigne, c’est une partie de notre corps, entre l’hypothalamus et l’hypophyse, petit morceau de cerveau qui gère nos émotions et nos réactions. C’est sa forme d’entonnoir, « comme un chapiteau à l’envers » nous dit Mauro Paccagnella, qui inspire la troupe de circassiens pour créer le décor de leur spectacle : en fond de scène est suspendue une construction de bois de plus de sept mètres de hauteur, sur laquelle évoluent les artistes. Grand terrain de jeu à la verticale, ce mobile est utilisé comme support à d’innombrables acrobaties : on y glisse inévitablement, qu’on retienne sa chute, ou qu’on en joue. Cette descente inéluctable devient métaphore du temps qui passe, qui, tout au long de la vie, nous file entre les doigts.
Mais l’« infundibulum », c’est aussi le lieu où se confondent présent, passé et avenir, et où plusieurs réalités peuvent avoir une existence simultanée. Ici, on est à la fois dans un espace-temps jamais exploré, à la découverte de l’autre et de ses particularités, à la recherche de l’originalité du traitement des numéros de la tradition du cirque (jonglage, trapèze, corde…), et à la fois près de chez soi. Les artistes sont très proches de nous. L’ambiance est intimiste, lumière tamisée et musique, tantôt expérimentale, tantôt contemplative, tantôt percussive. Et pas toujours en accord avec les tableaux visuels auxquels on assiste. La musique est réalisée en temps réel par trois musiciens sur scène : percussions, trombone à coulisse et vielle à roue électroacoustique. Instruments décalés, récupérés, remis au goût du jour, qui font écho à la question du temps qui passe. On est transporté dans un univers poétique à la fois dense et enfantin.
Les artistes ne parlent pas, mais s’expriment abondamment par le rire, du grand éclat au rire nerveux, en passant par le fou rire, et par les cris. Au plus proche de leurs sensations, de leur ressenti, ils amènent le public à se laisser emporter dans leur univers, loin de la rationalisation compulsive du quotidien, plus proche d’une démarche intuitive.
Détourner les éléments familiers
Sur scène, un empilement de chemises en tous genres, de toutes les couleurs, fait office de tremplin de réception pour les cascades des acrobates. Ce sont aussi des chemises, attachées manche à manche, qui servent de corde lors du numéro d’acrobatie sur corde lisse. C’est aussi une chemise qui fait défaut à un des artistes, le « clown », l’emmerdeur, présent sur scène durant la quasi-totalité du spectacle, torse nu, jamais à court d’idées pour déconcentrer les autres pendant qu’ils exécutent leurs numéros d’adresse. Cette chemise, élément on ne peut plus banal et quotidien, manque là où il serait évident qu’elle soit, et se répand à profusion là où on l’attend le moins. Cette chemise, c’est encore une métaphore pour illustrer une des idées directrices du spectacle. Utiliser des éléments familiers de façon détournée. Réinventer le réel. Exploiter toutes les possibilités oubliées des objets qu’on a sous la main. Et on étend le propos aux émotions : ce soir, elles prennent une nouvelle couleur. Ensemble, on réinvente le rire. On réinvente l’étonnement. On réinvente le plaisir.
Et ça marche à merveille, le public est séduit, les adultes comme les enfants s’envolent sur des strates insoupçonnées dans une détente réconfortante. Tonnerre d’applaudissements et cris de joie viennent couronner la fin de ce spectacle. Une véritable recherche esthétique vient parfaire ce spectacle magique, qui sait allier avec brio divertissement, remise en question, plaisir du cœur et plaisir des yeux. ¶
Margot Boisier
Les Trois Coups
Infundibulum, de la compagnie Feria Musica
Compagnie Feria Musica • 176 A, chaussée de Forest • 1060 Bruxelles • Belgique
+32 (0)2 539 37 35
Site : www.feriamusica.org
Courriel : contact@feriamusica.org
D’après une idée originale de : Philippe de Coen et Anne Ducamp
Chorégraphie et mise en scène : Mauro Paccagnella
Acrobates : Mathieu Antajan, Anke Bucher, Loïc Faure, Julien Fournier, Pascale Loiseau, Jean-Pierre Pagliari, Thomas Perrier, Anne Pribat
Musiciens : Marc Antony, Olivier Hestin, Dree Peremans
Direction artistique : Philippe de Coen
Regard artistique : Anne Ducamp
Direction musicale : Olivier Thomas
Scénographie : Philippe de Coen, Anne Ducamp, Bruno Renson
Ingéniosité et construction : Bruno Renson
Direction technique, ingénieur du son : Nicolas Haber
Lumière : Philippe Baste
Costumes : Françoise Van Thienen, Marie Nils
Régie lumières : Serge Simon
Garçon de piste : Luis Vergara Santiago
Régie générale : Pierre Robelin
Le Maillon-Wacken • parc des Expositions • place Adrien-Zeller • 67000 Strasbourg
Site du théâtre : www.le-maillon.com
Courriel de réservation : billetterie@le-maillon.com
Réservations : 03 88 27 61 81
Jeudi 8 et vendredi 9 décembre 2011, à 20 h 30, et samedi 10 et dimanche 11 décembre 2011 à 17 h 30
Durée : 1 h 15
20 € | 16 € | 10 € | 8 € | 5,5 €
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