« L’Épreuve » et « les Acteurs de bonne foi », de Marivaux (critique), Théâtre de l’Atalante à Paris

Marivaux, contes d’automne

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Par Céline Doukhan

Les Trois Coups.com

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Envie de découvrir Marivaux ? Le petit Théâtre de l’Atalante propose deux de ses pièces en un même spectacle, dans des mises en scène de bonne tenue à défaut de bouleverser le spectateur.

« l’Épreuve » | © Fabien Queloze

C’est dimanche. Il pleut. Il fait nuit. On court, on arrive, on est arrivé, enfin. On descend quelques marches pour aller s’engouffrer, tout ruisselant, dans le Théâtre de l’Atalante, au fin fond de la place Charles-Dullin, celle-là même qui accueille le Théâtre de l’Atelier. Des critiques fort élogieuses ornent les murs de la petite entrée, avec des extraits du type « un spectacle sensationnel »… Fichtre ! Alors, autant le dire tout de suite, « sensationnel » est un peu fort, mais le spectacle a tout de même beaucoup d’atouts.

D’abord, expliquons le principe. Il s’agit de deux pièces dans des mises en scène croisées, par des metteurs en scène différents, mais avec les mêmes comédiens. L’avantage de ce dispositif est de faire voir une continuité dans ces deux pièces qui, a priori, ne sont pas faites pour être jouées ensemble. On comprend ainsi que la caractérisation des personnages n’est pas tant unique que continue d’une pièce à l’autre. On retrouve ainsi Angélique, la belle jeune fille, Lisette, sa suivante ingénieuse, Madame Argante, la mère d’Angélique… Il n’est en fait pas tant question de psychologie individuelle que de comportements types. Cette notion se retrouve d’ailleurs dans nombre de pièces de Marivaux, dans lesquelles les personnages scrutent les réactions de leurs semblables dans des situations qui servent de révélateur.

La première pièce s’intitule d’ailleurs très clairement l’Épreuve. Là, un riche gentilhomme du nom de Lucidor cherche à vérifier les sentiments d’Angélique à son égard : l’aime-t-elle pour lui-même ou pour son argent ? Le rusé décide de proposer à Angélique un mari sot mais fort riche, pour voir… L’intrigue des Acteurs de bonne foi est plus confuse, mais il y est aussi question de la mise à nu des sentiments des personnages, cette fois de plus basse extraction. Devant jouer une comédie, les modestes Colette, Blaise, Lisette et Merlin confondent le jeu et la réalité, et se blessent en voulant, dans tous les sens du terme, jouer.

Moments émouvants

Voilà pour le propos de ce diptyque. Du côté de l’interprétation, rien à redire, tout le monde est dans le rythme, avec une belle montée de l’intensité, en particulier chez Marie Delmarès (Angélique), dont la colère noire, à la fin de l’Épreuve, est un moment très réussi. Petit bémol : au début de cette même pièce, Guillaume Marquet, qui a obtenu le molière du Jeune Talent cette année, est très bon en Blaise, fils de fermier vénal, mais accapare tout le plateau, ce qui crée un manque d’homogénéité dans la distribution. On dirait que le théâtre est trop petit pour lui. Chez les femmes, Maria Verdi apparaît, surtout dans les Acteurs de bonne foi, comme une magnifique comédienne, pleine de maîtrise malicieuse dans le registre comique.

Dans les autres points forts, le spectacle a beaucoup de rythme, même si la deuxième pièce, répétitive, est moins convaincante – mais cela vient sans doute en partie du texte de Marivaux, qui n’est pas des plus percutants. Un grand soin a également été apporté aux costumes. Dans les Acteurs, tout le personnage de Madame Amelin (interprétée par Agathe Alexis) est contenu dans sa splendide robe rose : éclat extravagant, artifice, séduction.

Par contre, certains choix de mise en scène donnant ponctuellement de petites touches modernes ne convainquent pas vraiment. Angélique, cheveux courts en pétard, allume une cigarette. Pour accentuer leur caractère prétentieux, des personnages masculins chaussent des lunettes de soleil. Un personnage fait semblant de tagger « Je t’aime » sur un mur avec un aérosol… Autant de détails qui n’apportent pas grand-chose. Mais dans son ensemble, le spectacle ne cède pas à la facilité. On finira sur l’évocation de ce moment émouvant, qui fait surgir toute la cruauté du texte de Marivaux : le visage décomposé d’Angélique côtoyant l’image grotesque du prétendu mari que lui présente Lucidor, celui qu’elle aime. Là, expérience rare, on sourit et on a la gorge serrée en même temps. ¶

Céline Doukhan

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L’Épreuve et les Acteurs de bonne foi, de Marivaux

Compagnie du Passage • Compagnie Agathe Alexis

http://www.compagniedupassage.ch

L’Épreuve :

Mise en scène : Agathe Alexis

Avec : Robert Bouvier, Marie Delmarès, Nathalie Jeannet, Guillaume Marquet, Frank Michaux, Maria Verdi

Chorégraphie : Claire Richard

Son : Jaime Azulay

Assistanat à la mise en scène : Nathalie Sandoz

Les Acteurs de bonne foi :

Mise en scène : Robert Bouvier

Avec : Agathe Alexis, Jaime Azulay, Marie Delmarès, Robert Bouvier, Sandrine Girard, Nathalie Jeannet, Guillaume Marquet, Frank Michaux, Nathalie Sandoz, Maria Verdi

Son : Cédric Liardet

Assistanat à la mise en scène : Olivier Nicolas

Scénographie, costumes et accessoires : Gilles Lambert

Lumières : Laurent Junod

Costumières : Mireille Dessingy, Verena Dubach, Remedios Rodriguez

Maquillage : Vanaëlle Mercanton

Assistant accessoires : Yvan Schlatter

Théâtre de l’Atalante • 10, place Charles-Dullin • 75018 Paris

www.theatre-latalante.com

Réservations : 01 46 06 11 90

latalante.resa@gmail.com

Du 18 novembre au 29 décembre 2011 à 20 h 30, jeudi et samedi à 19 heures, dimanche à 17 heures, relâche le mardi, le samedi 24 et le dimanche 25 décembre 2011 à 20 h 30, représentation exceptionnelle le mardi 27 décembre 2011 à 20 h 30

Durée : 2 h 5 sans entracte

20 € | 15 € | 12 €