« L’Homme sans mémoire », spectacle de mime (critique), centre d’animation Mathis à Paris

L’odeur de la mémoire

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Par Céline Doukhan

Les Trois Coups.com

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Un « homme sans mémoire » refait sans cesse les mêmes gestes, jusqu’à ce qu’une odeur venue du plus profond de sa mémoire vienne bouleverser son quotidien. Un spectacle exigeant, souvent touchant, mais pas toujours compréhensible.

Il est étonnant, Hadrien Trigance, mime de son état et unique interprète de ce spectacle qui joue l’émotion par le minimalisme. Ici, c’est le corps de l’interprète et lui seul qui non seulement exprime les actions, les rêves et les émotions du personnage, mais fait aussi surgir par l’imagination le décor et les accessoires. Un drap blanc, un autre rose, un portant avec un mannequin et un tabouret : voilà le modeste attirail utilisé par le comédien. Peu importe ! Rien de tel que l’imagination et un corps à la souplesse et à la grâce indéniables pour faire surgir, ici l’escalier d’un immeuble, là une chambre à coucher… C’est le côté magique du théâtre, et encore plus du mime, dans toute sa splendeur.

Et, cependant, quelque chose coince. À plusieurs reprises, que ce soit pour des détails ou bien pour des aspects malheureusement plus importants (quand la petite histoire rejoint la « grande Histoire », comme dit le dossier de presse), le sens de certains mouvements reste incertain. Ce n’est par exemple que par la lecture du dossier de presse que je finis par comprendre qu’un passage évoquait le « travail [du personnage] lorsqu’il était jardinier dans les jardins publics »…

Or – sentiment pénible ! –, vu les réactions souvent enthousiastes de plusieurs spectateurs, j’en viens à me demander si cette incompréhension n’est pas exclusivement de mon fait. Je me demande parfois non sans une certaine angoisse si mon voisin, lui, n’aurait pas mieux compris que moi. Et en plus, lui, il n’a pas le dossier de presse… Ce serait la honte… Mais non. Je sauve les meubles en lui expliquant certains passages qu’il n’a pas compris, mais nous nous avouons avec un soulagement partagé notre perplexité sur un geste, ou une séquence, dont le sens nous a échappé pendant plusieurs minutes, sinon totalement.

Est-ce normal ? Faut-il accepter de ne pas tout comprendre dans un spectacle ? Ces questions, on se les pose avec d’autant plus d’acuité que le talent d’Hadrien Trigance est manifeste. Il porte cette heure de spectacle de bout ou bout. Avec ses airs parfois ahuris qui évoquent de loin Mr Bean, le jeune homme sobrement vêtu de gris et noir se coule avec aisance et délicatesse dans des variations de registre casse-cou, mais au final réussies. Vulnérable, drôle ou carrément tragique, dans des passages qui cohabitent finement avec d’autres plus comiques. C’est ainsi qu’au cours une longue séquence, le personnage se voit projeté dans un souvenir d’enfance : cocasse repas en famille, où Hadrien Trigance prouve, avec tout son talent de mime, qu’il n’a pas oublié comment jouer avec la nourriture.

Reste cette impression mitigée d’avoir vu un comédien doué, une écriture et une mise en scène ambitieuses et exigeantes, mais de n’avoir pas été pris, de n’avoir pas adhéré avec autant de cœur que ce qu’on aurait, d’une certaine façon, voulu. ¶

Céline Doukhan

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L’Homme sans mémoire, spectacle de mime

Théâtre de l’Épopée • 11, rue des Écuyers • 78100 Saint-Germain-en-Laye

06 12 53 22 13

theatredelepopee@gmail.com

www.theatredelepopee.blogspot.com

Mise en scène : Rodolphe Corrion

Avec : Hadrien Trigance

Musique : Rachel Cato

Et les voix de Nadine Darmon et Marc Wyseur sur un texte
de Katia Ghanty

Centre d’animation Mathis • 15, rue Mathis • 75019 Paris

Réservations : 04 90 82 40 57

Du 27 au 29 mai 2010 à 20 h 30

Durée : 1 heure

13 € | 11 €

Le spectacle sera présenté lors du Off du festival d’Avignon du 8 au 31 juillet 2010 au Théâtre Golovine (1 bis, rue Sainte-Catherine)
tous les jours à 12 h 45