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Le journal quotidien du spectacle vivant en France. Critiques, annonces, portraits, entretiens, Off et Festival d’Avignon depuis 1991 ! Siège à Avignon, Vaucluse, P.A.C.A.

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« Le Fantôme de l’Opéra », d’après Gaston Leroux (critique d’Emmanuel Arnault), Théâtre 14 - Jean-Marie-Serreau à Paris

S.O.S. fantôme !

 

Emmanuel Dechartre, le directeur du Théâtre 14, se taille la part du lion en interprétant chez lui l’écrasant rôle-titre de l’œuvre célébrissime de Gaston Leroux, adaptée pour la première fois au théâtre. Hélas, mille fois hélas, si l’affiche annonçait bien le retour du fantôme de l’Opéra, sur scène c’est plutôt le retour des morts-vivants d’opérette. Au secours !

 

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« le Fantôme de l’Opéra » | © Lot

 

Le Fantôme de l’Opéra est à l’origine un roman de Gaston Leroux, publié en 1910. Le récit, s’inspirant de faits réels, mêle habilement le réalisme et le fantastique tout en construisant une romance gorgée de passion et de mystère qui fera son immense succès. Cette histoire prend déjà pour cadre un lieu exceptionnel, chargé de grandeur et de fantasmes : l’Opéra-de Paris, où se produisent des phénomènes étranges… Un lustre s’effondre en pleine représentation, un machiniste est retrouvé pendu… Quant à la jeune et belle chanteuse Christine Daaé, elle prétend avoir vu et rencontré le fameux personnage…

 

Rapidement, le roman trouve une nouvelle vie sous la forme de différentes adaptations. Au cinéma tout d’abord, avec le film muet de l’Américain Rupert Julian dès 1925. A suivi une petite dizaine de films, notamment ceux d’Arthur Lubin en 1943 ou encore de Brian de Palma en 1974. Un ballet lui a aussi été consacré en 1980, mais c’est surtout sa version en comédie musicale qui a marqué le public et fait le tour du monde depuis des dizaines d’années avec un succès constant.

 

Avec des antécédents aussi prestigieux, il était tentant mais risqué de se lancer dans une nouvelle aventure, même si cela n’avait jamais été fait pour le théâtre. Un roman si bien adapté pour le cinéma et la comédie musicale pourrait-il opérer aussi bien sur une scène de théâtre, sans orchestre et sans chansons, sans décors naturels et sans effets spéciaux ? Rien n’est moins sûr, et le médiocre travail d’Henri Lazarini nous confirme qu’il ne s’agissait pas d’une tâche aisée.

 

Absence de profondeur psychologique

Alors que le roman permettait à Gaston Leroux de ciseler des psychologies complexes et des personnages attachants, cette adaptation-ci, pour les besoins supposés de la scène, se contente de tailler ses personnages à la hache, enfermant chacun dans un jeu monolithique. Cette absence de profondeur psychologique déprécie la richesse des rapports entre les personnages, surtout entre le Fantôme et Christine Daaé, un des fondement principaux de l’intrigue. On est aussi affligé de la lourdeur avec laquelle est écrite la scène d’exposition, censée donner aux spectateurs les informations indispensables sur l’action par les premiers dialogues.

 

La mise en scène d’Henri Lazarini n’est pourtant pas dénuée de talent, et les tableaux s’enchaînent sans aucune faute de rythme. On regrette quand même la répétitivité des fins de scène grandiloquentes, qui sombrent souvent dans le ridicule. La scénographie, avec son côté « carton-pâte » assumé, est simple et sert efficacement l’action. On apprécie surtout la grande beauté des costumes de Jérôme Bourdin, dans de belles teintes grises et noires, seuls éléments qui parviennent à nous plonger dans l’époque. La création lumière de Xavier Lazarini est aussi une vraie réussite. Sans être révolutionnaire, elle est assez originale et permet de très beaux effets. Alors, dans tout ça, où est le vrai problème ? Il est dans la fondation même du spectacle : sa distribution.

 

L’interprétation, en effet, est incroyablement médiocre. La palme revient sans doute à Pascale Petit, la diva Carlotta, dont la présence est tout bonnement insupportable tant elle « récite » et ne sait pas quoi faire de son corps. Juste derrière elle, on trouve Benoît Solès, le beau militaire Raoul de Chagny, amoureux de Christine Daaé : il a un jeu si affecté et une façon de déclamer tellement démodée qu’on en est stupéfait. Quant à Emmanuel Dechartre, il sauve les meubles, mais n’emporte pas l’adhésion : fins de phrases continuellement chevrotantes, mouvements grandiloquents des mains, corps emprunté… Sa très grande expérience lui permet cependant d’apporter de l’émotion et du mystère, même si sa composition ne restera pas dans les annales.

 

Patrick Andrieu sort du lot

Étonnamment, ce sont plutôt les petits rôles qui tirent leur épingle du jeu et attirent notre attention : Jean-Baptiste Marcenac incarne un secrétaire très crédible, et Marie-Christine Danède une Mme Giry fort sympathique. Mais c’est surtout Patrick Andrieu qui sort du lot et nous montre son grand talent de composition. Il interprète en effet trois personnages différents, dans lesquels il est proprement méconnaissable : un coiffeur efféminé, un écuyer très viril et un commissaire à l’accent drolatique. Une fois n’est pas coutume, le meilleur comédien est celui à qui l’on a donné le plus petit rôle…

 

La magie de l’Opéra n’opère pas… Et pour voyager des toits de Garnier jusqu’à ses sous-sols et ainsi explorer au plus profond les sentiments et les passions humaines, faites plutôt confiance au talent de Gaston Leroux dans son roman. 

 

Emmanuel Arnault

Les Trois Coups

www.lestroiscoups.com


Le Fantôme de l’Opéra, d’après Gaston Leroux

Adaptation et mise en scène : Henri Lazarini

Assistant : Timothée Bilal

Avec : Pascale Petit, Patrick Andrieu, Marie-Christine Danède, Benoît Solès, Jean-Baptiste Marcenac, Alix Bénézech, Jean-François Guilliet et Emmanuel Dechartre

Décors et costumes : Jérôme Bourdin

Lumières : Xavier Lazarini

Création sonore : Michel Winogradoff

Régie : Hugo Richard

Habilleuse : Christelle Yvon

Théâtre 14 - Jean-Marie-Serreau • 20, avenue Marc-Sangnier • 75014 Paris

Réservations : 01 45 45 49 77

Du 16 novembre 2010 au 1er janvier 2011, mardi, vendredi et samedi à 20 h 30, mercredi et jeudi à 19 heures, matinée samedi à 16 heures

Durée : 1 h 50

23 € | 16 € | 11 €

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