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Par Les Trois Coups
Le costume
de Françoise Astruc
se fait héraut
Par Marie-Christine Harant
Les Trois Coups.com
Suite du « Vertige théâtral » en douze tableaux. Voici la troisième combinaison de « Quatre costumes en quête d’auteurs ». « Le Messager », de Jean Reinert, tire admirablement son épingle du jeu. Le texte, la mise en scène d’Astrid Cathala et l’interprétation de Sébastien Portier font vivre d’une manière originale et pertinente la création de Françoise Astruc.
Nous avons déjà rencontré le costume imaginé par Françoise Astruc dans Pop rodéo. Nous avions regretté qu’il ait été un peu oublié par l’auteur. Et pourtant il offre à celui qui veut bien le regarder une infinité de possibilités. Un complet gris sable de Palavas, lacéré en bandes « buréniennes », formant soufflets d’accordéon, laisse entrevoir une doublure bleu nuit, une chemise vert poireau et des chaussures souples assorties. Intemporel, il peut s’adapter à l’imagination de l’auteur.
À Jean Reinert, cette création a inspiré un texte aussi court qu’intense, le Messager. Dans un pays quelconque ici ou là-bas, un homme va être exécuté. Bien que condamné à l’unanimité, le prince décide de le gracier et il dépêche un messager sur le lieu de la mise à mort. Arrivera-t-il à temps ? Sur le chemin qui sépare le palais de la place, l’homme s’interroge en un monologue d’anthologie, digne d’Hamlet, des stances du Cid, ou d’Hernani. Il court, il trébuche, ses pensées s’embrouillent. Laisser faire ou empêcher ? Après tout, le condamné avait commis un acte répréhensible, il a une sale gueule, il mérite son sort. Et s’il était innocent ? Serai-je un assassin si je n’arrive pas à temps ? Il y a du Philippides dans ce héraut et du Douze hommes en colère en quinze minutes dans ce plaidoyer contre la peine de mort.
Astrid Cathala ne pense qu’à servir le texte au plus près
Astrid Cathala a bien vu le parti qu’elle pouvait tirer de ce texte et de ce costume. Sa mise en scène minimaliste, oh combien, avec un plateau complètement vide, s’est attachée au rythme du texte, aux battements de cœur du personnage et au fameux costume. Le vent s’engouffre dans les soufflets qui gonflent et se referment en bruissant selon le tempo de la course, une course sur place, éperdue, qui épouse les mouvements de balancier des bras. On pense à un patineur de vitesse au ralenti. Le Cum dederit de Vivaldi chanté par Philippe Jaroussky accompagne les crissements des semelles sur le sol et le souffle du personnage. Il les précède pendant le prologue dans le noir, qu’il illumine de sa grâce. Fidèle à son éthique et son esthétique depuis le Sas et Novecento, Astrid Cathala ne pense qu’à servir le texte au plus près dans ses mises en scène. Elle s’oublie totalement, on l’oublie. Mais, en fin de représentation, elle nous a imposé comme une évidence sa vison du théâtre, rigoureuse et limpide.
Cette rigueur se retrouve dans sa direction d’acteur. Cette spécialiste des monologues, comédienne elle-même, insuffle sa respiration à ses comédiens. Sébastien Portier danse sur place sa course effrénée jusqu’à l’épuisement. Dans ses yeux passent toutes les nuances de ses états d’âme. Dans sa voix, toutes les angoisses, toutes les interrogations que lui inspirent sa mission. S’il chute, c’est pour mieux se relever avec d’autres doutes, jusqu’à la révélation finale. Il est halluciné, hallucinant. Le spectateur en émoi est suspendu à ce marathon de la dernière chance. Un troisième tableau parfaitement réussi. Dans le prochain, le Pinceau de l’ange, on reste avec l’auteur Jean Reinert, mais on retrouve les costumes de Vincent Bioulès et de Gabrielle Mutel, habités par Abder Ouidhaddi et Évelyne Torroglosa… À suivre, dans un prochain numéro. ¶
Marie-Christine Harant
Le Messager, de Jean Reinert
Compagnie Jacques-Bioulès • Théâtre du Hangar • 3, rue Nozeran • 34090 Montpellier
04 67 41 32 71 | télécopie : 04 67 03 07 12
communication@theatreduhangar.com
Mise en scène : Astrid Cathala
Avec : Sébastien Portier
Création costume : Françoise Astruc
Création lumière : Thierry Ganivenq, Jean-Yves Courcoux
Musique : Vivaldi
Photo : © D.R.
Théâtre du Hangar • 3, rue Nozeran • 34090 Montpellier
Réservations : 04 67 41 32 71
Les 18 décembre 2009 à 19 heures, 19 décembre 2009 et 26 janvier 2010 à 20 heures, 17 et 18 février 2010 à 18 heures, 6 mars 2010 à 17 h 15
Durée : 15 minutes
14 € | 10 € | 8 €
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