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Par Les Trois Coups
Partir ou rester ?
On espère d’une pièce qui débute sans attrait, sans accroche, sans rythme qu’elle va démarrer vraiment passé le premier quart d’heure. Et si rien ne vient, le seul espoir restant est qu’elle finisse vite.
« Le Monte-plats » | © D.R.
Voici donc l’état d’esprit dans lequel je me suis rapidement trouvée dans ce petit théâtre quasi vide, devant deux acteurs qui jouaient faux. Partir ou rester. Partir aurait été l’affront suprême, que les acteurs ne méritaient pas dans ce contexte : jouer devant 80 % de fauteuils vides n’aide pas à avoir le cœur à l’ouvrage. C’est une situation terrible qui, au moins pour cela, mérite le respect pour avoir joué quand même.
Un décor très classique, mais somme toute approprié : deux petits lits dans une chambre d’hôtel ou une pension, en sous-sol. À la réflexion, peut-être trop classique ce décor, comme l’a été la prestation des acteurs, qui en faisaient trop ou pas assez suivant les situations. D’entrée, les silences entre les répliques sont lourds, pesants, et n’apportent rien, ne sont soutenus par aucun jeu de scène : on a compris que les deux hommes, Ben et Gus, attendent et passent le temps comme ils le peuvent. Toute la difficulté de ce genre de scène est de ne pas ennuyer le spectateur : raté.
Un texte exigeant
D’une simplicité apparente, le texte d’Harold Pinter est un texte exigeant, qui repose sur la prestation des acteurs. Deux tueurs à gages attendent l’ordre qui leur indiquera l’arrivée du prochain « client » à supprimer. L’attente est longue, le commandement ne vient pas. Les deux hommes, pourtant habitués à travailler ensemble depuis de nombreuses années, n’arrivent pas à communiquer, ne se comprennent pas.
Le burlesque de la situation est produit par la présence d’un monte-plats qui apporte non pas l’ordre de tuer, mais des commandes de restaurant. Ben et Gus obéissent sans réfléchir, essaient de satisfaire avec ce qu’ils ont (biscuits secs, thé, chocolat…) les exigences de plus en plus extravagantes des commandes venus d’en haut.
Péché de mise en scène
Et là, ça coince aussi : symboliquement, le monte-plats envoie des ordres d’en haut, que reçoivent les tueurs dans leur chambrette aménagée dans un sous-sol sans fenêtres. Harold Pinter l’a créé ainsi comme une critique de la société, du pouvoir hiérarchique et pyramidal. Des ordres que l’on ne discute pas puisqu’ils viennent des chefs, auxquels on obéit sans réfléchir.
Sauf que dans la mise en scène de cette version, les ordres arrivent de n’importe où : par Texto via deux téléphones portables différents dissimulés dans la pièce, par courriel sur deux vieux ordinateurs qui se connectent seuls pour diffuser leurs messages. Le monte-plats descend donc vide à chaque fois, et l’effet est raté. Moderniser la diffusion de l’information, pourquoi pas, mais là ça ne marche pas.
Les pièces qui paraissent les plus simples en apparence peuvent se révéler être de véritables casse-pipes : ce fut le cas. C’était soit surjoué (Jean-Michel Bayard, Gus) ou crié (Michel Grisoni, Ben), soit long et monotone (les deux comédiens). Comme on n’y croit pas un seul instant, le message ne passe pas. Ce Monte-plats-là n’est ni comique ni tragique. Il rate totalement sa cible. ¶
Martine Rieffel
Les Trois Coups
Le Monte-plats, de Harold Pinter
Coproduction Théâtre du Rempart / Compagnie Zumaï
Mise en scène : Jean-Michel Bayard
Avec : Michel Grisoni, Jean-Michel Bayard
Lumière : Sylvain Cano-Clémente
Décor : Provence Terre d’Argence
Théâtre du Rempart • 56, rue du Rempart Saint-Lazare • 84000 Avignon
Site du théâtre : www.theatre-du-rempart.fr/
Réservations : 09 81 00 37 48
Les 2 et 3 décembre 2011 à 20 h 30
Le 4 décembre à 17 heures
16 € | 10 €
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