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Le journal quotidien du spectacle vivant en France. Critiques, annonces, portraits, entretiens, Off et Festival d’Avignon depuis 1991 ! Siège à Avignon, Vaucluse, P.A.C.A.

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« Les Souffrances de Job », de Hanokh Levin (critique), Ateliers Berthier à Paris

La souffrance presque nue


Par Catherine Lise Dubost

Les Trois Coups.com


La tragédie de Hanokh Levin créée en 1981 au Théâtre Caméri de Tel-Aviv était réputée « inmontable ». Laurent Brethome s’y est colleté, et la pièce tourne depuis sa création européenne en français le 13 janvier 2010 au Théâtre de Villefranche-sur-Saône. En janvier 2012, c’est aux Ateliers Berthier qu’on a pu voir « les Souffrances de Job ».

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« les Souffrances de Job » | © Beaupréau

On entre sur la fin d’un banquet. Au sol, devant la grande table nappée de blanc, des bouteilles de plastique coloré, que renversent les personnages traversant la scène. L’homme de bien repu de bonne chair attend avec lassitude que le vide se fasse dans son système digestif. Il remercie le ciel de sa fortune et laisse avec une bonhommie condescendante les restes de ses ripailles aux pauvres, puis, après ces derniers, les miettes et les os à ronger aux plus misérables. C’est sans prévoir l’annonce, quelques instants plus tard, de sa faillite, puis de la mort de ses enfants, qui le poussera vers l’abîme. Sa chute n’est plus alors qu’une immense et interminable souffrance. Même à l’instant où, suspendu au sommet d’un pal qui le transperce par l’anus, il accepte de renier l’existence de Dieu. Ses tortionnaires ne daigneront pas abréger son supplice.

Dans un univers visuel qui oscille entre les contes de Tim Burton et les décors d’Almodovar, Laurent Brethome nous plonge avec une exagération pas toujours savamment dosée dans la tragédie humaine. Il ne s’épanche pourtant pas dans le pathos, ce qui est tout à son honneur. La beauté du texte de Levin est admirablement servie par des comédiens aussi audacieux qu’investis, et Philippe Sire qui incarne, nu comme un ver durant les deux tiers de la pièce, le rôle-titre, glisse avec une aisance déconcertante de la fatuité du nanti à la misère du condamné.

Il est vrai cependant que le spectaculaire facilite la métamorphose, car le moins que l’on puisse dire est que Laurent Brethome ne fait pas dans l’économie de moyens. Les corps sont nus, enduits ou éclaboussés de matières, de couleurs et de parfums, tour à tour envoûtants et repoussants, à l’image de la douleur dans laquelle le personnage principal s’agite sans parvenir à s’en dépêtrer.

Le déclin inéluctable de Job

Les voix, fortes et contrastées elles aussi, s’affrontent, se joignent et s’élèvent par moments dans des interludes choraux formant paysages sonores d’une humanité toute proche, tandis que le déclin inéluctable de Job le prive peu à peu de tout ce qui faisait de lui le congénère des monstres humains qui le conduisent au supplice.

Est-ce la négation de sa foi qui parachève l’abnégation de Job ? « Dieu n’existe pas », lui martèlent ses bourreaux, hurlant, le souillant de terre et le foulant au pied. À quoi bon lutter puisque sa mort est non seulement certaine, mais absolument et monstrueusement imminente ? Job persiste néanmoins, jusqu’à ce que l’exténuation physique le pousse, transpercé de part en part, au déni ultime mais alors absurde, puisque à ce stade, l’issue de sa torture est irréversible. La perception lévinienne du corps l’emportant sur la raison ne trouve sans doute pas d’expression plus radicale que dans les Souffrances de Job. Laurent Brethome en propose ici une interprétation qui, bien que manquant parfois de nuances, offre plusieurs très beaux moments de théâtre. 

Catherine Lise Dubost


Les Souffrances de Job, de Hanokh Levin

Prix du public Festival Impatience 2010

Traduit de l’hébreu par Jacqueline Carnaud et Laurence Sendrowicz in Hanokh Levin, Théâtre choisi II, Pièces mythologiques, éditions Théâtrales/Maison Antoine-Vitez, 2001

Mise en scène : Laurent Brethome

Avec : Fabien Albanese, Lise Chevalier, Antoine Herniotte, Pauline Huruguen, François Jaulin, Denis Lejeune, Geoffroy Pouchot-Rouge-Blanc, Anne Rauturier, Yaacov Salah, Philippe Sire

Dramaturgie : Daniel Hanivel

Scénographie et costumes : Steen Halbro

Création lumière : David Debrinay et Rosemonde Arrambourg

Création musicale : Sébastien Jaudon

Paysage sonore : Antoine Herniotte

Décors : Gabriel Burnod

Chorégraphie : Yan Raballand

Odéon-Théâtre de l’Europe • Ateliers Berthier • 1, rue André-Suarès- 14, boulevard Berthier • 75017 Paris

Site du théâtre : www.theatre-odeon.fr

Du 19 au 28 janvier 2012, du mardi au samedi à 20 heures, dimanche à 15 heures, relâche le lundi

Durée : 1 h 40

28 € | 6 €

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