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Par Les Trois Coups
La parole incisive
du minoritaire
Par Margot Boisier
Les Trois Coups.com
Pour le Festival Strasbourg-Méditerranée, Pôle Sud nous présente le dernier spectacle de Latifa Laâbissi. Reprenant le thème du racisme ordinaire, au travers de la figure du minoritaire, elle crée un objet hybride, entre théâtre, danse et one-woman-show, qui, au travers de différentes situations de jeu, nous questionne sur notre rapport à l’autre. Didactique et original, le spectacle porte avec éloquence la parole cinglante de Latifa.
« Loredreamsong » | © Nadia Lauro
Deux femmes sur scène, une Noire, une Arabe. Sophiatou est originaire du Bénin, vit en France, et parle danois. Latifa est d’origine arabe, née à Grenoble, vit en Bretagne. La pluralité de l’identité est mise sous les projecteurs. Qui est cet autre ? Quels sont nos « gentils » clichés de gens « tolérants » ?
Le spectacle repose sur une alternance contrastée de séquences percutantes : les danseuses sont parfois en blanc, vêtues de simples draps, troués au niveau des yeux, à l’avant et à l’arrière de la tête. Le costume évoque le fantôme errant, le mystère, la peur, mais aussi la burqa ou le vêtement caractéristique du Ku Klux Klan. À nous d’y trouver nos propres références. Parfois, elles sont habillées de vêtements noirs, moulants et brillants, façon femme-panthère, coupe affro, face et fesses dénudées et couvertes de peinture noire. Figures grotesques et survoltées qui contrastent avec le calme et le minimalisme des figures blanches. Discrétion et ostentation, deux attitudes qui illustrent un seul et même malaise.
Les clichés qui nous habitent silencieusement
Les comédiennes nous coincent. C’est à voix haute qu’elles expriment les clichés qui nous habitent silencieusement. Elles enchaînent les blagues racistes, plus violentes et plus atroces les unes que les autres. Et, ce soir, le public rit. Et connaît les réponses. Qui sommes-nous donc pour rire à ces horreurs ? De quoi rions-nous exactement ? Elles déblatèrent des stéréotypes : « Certaines femmes noires s’appellent Mamouna » dit la femme noire, « Certaines femmes arabes mangent du couscous » dit la femme arabe. L’accumulation de ces choses que devrait faire la femme noire ou la femme arabe dénonce elle-même son absurdité. Les deux voix se superposent et le discours se brouille. Reste l’intention. Ces femmes qui mettent le doigt sur la violence dont elles sont victimes, en la reproduisant sur elles-mêmes, témoignent de ce que l’autodérision peut avoir de salvateur. Le rire est peut-être le premier des remparts pour se protéger de l’horreur. Pour aller au-delà.
Les deux artistes proposent une multitudes de facettes au traitement délicat de cette question de l’altérité. Le spectateur est bercé entre le risible des situations provoquées, le sentiment d’oppression qui s’en dégage, et le questionnement qui s’en échappe. Ces deux femmes habitent la scène avec une énergie impressionnante tant dans la parole que dans le corps. On regrette juste que le spectacle ne dure pas plus longtemps. ¶
Margot Boisier
Loredreamsong, de Latifa Laâbissi
Compagnie Figure Project • Le Garage • 18, rue André et Yvonne-Meynier • 35 000 Rennes
06 42 80 82 50
Site : http://figureproject.com/
Courriel : contact@figureproject.com
Conception : Latifa Laâbissi
Interprétation : Sophiatou Kossoko, Latifa Laâbissi
Conception scénographique : Nadia Lauro
Costumes : Nadia Lauro, Latifa Laâbissi
Création lumières : Yannick Fouassier
Création son : Olivier Renouf
Régie son : Jérémie Sananes
Accompagnement vocal : Dalila Khatir
Collaboration dramaturgique : Bojana Bauer
Pôle Sud • 1, rue de Bourgogne • 67000 Strasbourg
Site du théâtre : www.pole-sud.fr
Courriel de réservation : infos@pole-sud.fr
Réservations : 03 88 39 23 40
Jeudi 1er décembre 2011, à 20 h 30
Durée : 1 h 15
20 € | 15 € | 5,5 €
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