Le journal quotidien du spectacle vivant en France. Critiques, annonces, portraits, entretiens, Off et Festival d’Avignon depuis 1991 ! Siège à Avignon, Vaucluse, P.A.C.A.
Par Les Trois Coups
Le fardeau inhérent au texte
Petit théâtre de la Porte de la Villette, havre de paix perdu au fond de l’immense esplanade : Le Tarmac. Son nom est déjà en soi toute une aventure. Chaleur d’un lieu où nous aimons y découvrir des artistes venus d’ailleurs. Haïti est à l’honneur, et c’est tant mieux. L’affiche de « Moi, fardeau inhérent » attire. Ce visage noir et cadenassé nous rappelle ce peuple que nous aimons. Cependant, ce n’est pas Haïti que nous jaugeons ce soir, mais un de ses auteurs, Guy Régis Jr. Le texte qu’il a enfanté est difficile, tant dans son écriture que dans sa mise en scène. Si nous n’avons été ni sensibles ni convaincus, ce spectacle mérite toutefois de s’y arrêter.
Nous pénétrons dans la salle. Mais avant d’entrer, une affiche prévient le public : « certains bruits peuvent surprendre, voire heurter la sensibilité ». La scène est presque nue, sombre. Un grand panneau lumineux sur le côté s’éteint. Nous sommes plongés dans un noir profond. Dans le fond, la voix d’une femme se fait entendre, d’abord timidement. Elle est un peu sourde, cette voix. Ses premiers mots : « N’allez pas vous demander ce que je fais là ». Elle apostrophe le spectateur, attire immédiatement son attention sur sa souffrance et les raisons de sa présence. Plus tard, nous comprendrons qu’elle est là parce qu’elle attend sous la fenêtre de l’homme qui l’a salie, bafouée et… violée. Le sujet est difficile, oui, il peut heurter.
En même temps que nos yeux s’habituent à ce noir sans fond, une lumière diffuse, blafarde, commence à éclairer la comédienne, Nanténé Traoré. Elle apparaît, tel un spectre perdu au fond de cette nuit. L’image est belle et intrigante. Le travail sur la lumière ne laisse pas indifférent. Seulement, si la voix de cette femme est d’abord singulière, le ton ne varie presque pas. Une heure de débit à la même cadence. Le texte est comme déclamé, presque comme un jeu désuet des tragédies raciniennes. Mais encore faut-il que la poésie qui s’en dégage soit à la hauteur de ce parti pris. Pour être sûr, nous avons relu le texte, et le texte est décevant. Le sujet est certes digne des grandes tragédies : le destin inéluctable d’une femme, mais aussi d’une mère en douleur, qui doit tuer celui qui lui a volé son innocence et sa vie. Un enchevêtrement de mots qui se veulent puissants, mais qui tournent court.
Presque désagréable à l’écoute
Dans les propos recueillis par Bernard Magnier (Journal du Tarmac), Nanténé Traoré affirme que « dès les premières lignes, [ elle a ] été sidérée par la puissance de ce texte ». Certes, le sujet est sensible, cela est indéniable. Pourtant, les nombreuses répétitions, l’accumulation d’expressions mises bout à bout, les innombrables onomatopées qui transforment sa parole en cris discordants, alourdissent terriblement le texte et le rendent presque désagréable à l’écoute. Au lieu d’être aspiré dans le destin inéluctable de cette femme, qui sera bientôt une meurtrière, l’ennui guette le spectateur. Dans le public, un homme, juste à côté, dort. Pourtant, nous ne pourrions reprocher à Nanténé Traoré de ne pas avoir su tenir son rôle jusqu’au bout. Rester une heure, dans l’obscurité, dos au public, est un exercice très difficile. Mais il devient aussi très périlleux quand le texte et le parti pris du metteur en scène n’insufflent pas suffisamment de force à la comédienne.
Certes, un réel travail scénographique a été mené, tant par Maryse Gautier pour la lumière que par Christophe Séchet pour le son. Les jeux d’ombre et de lumière ainsi que les nombreuses interventions sonores plongent la comédienne dans une atmosphère singulière et servent à eux seuls de décor. Cela est une qualité certaine. Mais ce n’est pas suffisant, surtout lorsque, précisément, c’est le texte, le protagoniste de la pièce ! ¶
Sheila Louinet
Les Trois Coups
Moi, fardeau inhérent, de Guy Régis Jr
Compagnie NOUS
Mise en scène : Guy Régis Jr
Avec : Nanténé Traoré
Scénographie : Jean-Christophe Lanquetin
Création lumière : Maryse Gautier, avec la collaboration de Bruno Marsol
Création sonore : Christophe Séchet
Production et diffusion : Le Tarmac de la Villette
Le Tarmac de la Vilette • 211, avenue Jean-Jaurès • 75019 Paris
Réservations : 01 40 03 93 95
Du 25 mai au 5 juin 2010, du mardi au vendredi à 20 heures, samedi à 16 heures, relâche les dimanche et lundi
Durée : 1 heure
16 € | 12 € | 6 €
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