« Petites histoires du soir », d’après les nouvelles de Dino Buzzati (critique), Théâtre du Picolo à Saint-Ouen

29.11.2011

Précieuses perles
dans un écrin raffiné

Par Marie Barral

Les Trois Coups.com

Un théâtre de poche, de brefs récits sur des petits riens, un décor sobre, un spectacle court… et de très grands comédiens. Au Théâtre du Picolo, les « Petites histoires du soir » contées d’après Dino Buzzati sont enfilées comme de menues perles, en un délicat collier.

petites-histoires-du-soir Le Théâtre du Picolo est comme l’écrin d’un délicat spectacle, les Petites histoires du soir. Avant de se préparer à voir la lumière de la perle, on boit un verre derrière, au café… Puis on s’installe en papotant avec ses voisins.

Sur l’étroit plateau, pour passer le temps et briser la tristesse, un couple se raconte d’étranges histoires auxquelles se raccrocheront sans transition d’autres minuscules récits. À chaque fois, les entrées en matière sont banales : un homme, à l’hôtel, part rejoindre les toilettes ; un autre se fait aider à désembourber sa voiture une nuit de brouillard ; un mari observe sa femme faire des pâtisseries… À chaque fois, du fait de l’imagination des personnages, de leur politesse trop encombrante, à cause de leur angoisse, de leur indifférence ou de leur négligence, ces faits insignifiants gonflent jusqu’à provoquer de graves catastrophes : maladie, meurtres, folie et accidents. Le diable se cache dans les détails, nous disent les brillantes perles.

Issus de divers recueils de nouvelles, ces minuscules récits de l’écrivain italien Dino Buzzati (1906-1972) sont ajustés entre eux avec tant de délicatesse par le metteur en scène Patrick Mons qu’on y voit à peine les jointures. C’est aussi grâce aux deux comédiens – Patrick Mons et Raquel Castellano –, deux conteurs jonglant avec dextérité entre les rôles de personnages et ceux des narrateurs, que les différentes scènes deviennent un même et coulant récit, celui de la bizarrerie de la vie.

Plongée, par l’humour, dans le fantastique

Par les mimiques et le talent des acteurs, les comportements les plus absurdes en deviennent réalistes. Oui, on peut, en femme élégante, raconter sans jamais sourciller les histoires d’un bourdon cultivé, expliquer avec le plus grand des sérieux son attachement à cette bestiole amatrice d’opéra et son regret de la voir remplacée depuis quelques jours par une autre, aussi bavarde, mais fine d’esprit. Le spectateur lui non plus ne sourcille pas, il hurle de rire.

Tout cela n’est que soufflé ? Descendu, tel un Pierrot lunaire, d’un escalier qui ne grimpe vers nulle part, l’accordéoniste Jean-Luc Larive illustre avec son instrument combien la vie se gonfle et se dégonfle, rapidement et absurdement. Sur le petit plateau, les portes placées en enfilade s’ouvrent peu à peu, élargissant ainsi l’espace scénique. Par des enchaînements plus ou moins logiques de circonstances, le spectateur plonge du haut des récits de faits quotidiens dans les abîmes de l’inconscient, de l’absurde, et dans un langage qui tourne sur lui-même, inlassablement. Au final, et c’est l’effet « soufflé », il en rit quand même. De quoi passer une excellente soirée ! ¶

Marie Barral

Petites histoires du soir, d’après les nouvelles
de Dino Buzzati

Compagnie de la Lune et l’Océan • 9, villa de l’Industrie • 93400 Saint-Ouen

01 40 11 52 97 | 06 61 23 90 60

Site : http://laluneetlocean.com

Courriel : contact@laluneetlocean.com

Mise en scène : Patrick Mons

Avec : Raquel Castellano, Patrick Mons

Accordéon : Jean-Luc Larive

Scénographie : Blandine Vieillot

Lumières : Pascal Noël

Théâtre du Picolo • 58, rue Jules-Vallès • 93400 Saint-Ouen