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Le journal quotidien du spectacle vivant en France. Critiques, annonces, portraits, entretiens, Off et Festival d’Avignon depuis 1991 ! Siège à Avignon, Vaucluse, P.A.C.A.

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« Qui a peur du loup », de Christophe Pellet (critique), Théâtre des Treize-Vents à Montpellier

Les peurs les plus profondes


Par Fatima Miloudi

Les Trois Coups.com


« Qui a peur du loup ? » de Christophe Pellet est la première pièce de l’auteur destinée au jeune public. Ce conte moderne et noir s’ancre dans une réalité contemporaine sordide. Connaître ou non l’arrière-plan ne fait rien à l’affaire. Matthieu Roy, le metteur en scène, exacerbe la peur.

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« Qui a peur du loup ? » | © Alain Fonteray

Le décor plante un espace à l’esthétique parfaite. Une maison, bloc de verre et structure métallique sur pilotis, offre une vue intérieure grâce à la transparence des baies vitrées et la présence de quelques ouvertures. Tout paraît lisse jusqu’à l’arrivée d’une jeune femme à l’allure plutôt branchée, chevelure blonde, petite veste cintrée sur minijupe noire et bottes hautes. Dimitri, identifiable au type de l’adolescent las, est un peu amorphe. Les voix, d’emblée, sont étranges, presque sans humanité, d’un ton monotone. Jusqu’à la fin de la pièce, elles ne varieront pas. Là aussi, le parti-pris du lisse semble niveler les sentiments. On peut ne pas apprécier. En tout cas, le fait est que les voix graves et monocordes des personnages féminins et le ton amolli de Dimitri participent à la montée de l’angoisse.

La répétition de scènes ou de gestes est aussi propice à la captation du spectateur, l’emportant, malgré lui, dans une atmosphère étrange, aux allures fantastiques. Ainsi, Livia, la voisine, vient et repart régulièrement, préparant le repas et s’échappant rapidement pour aller à l’usine. Dimitri, par deux fois, range les couverts sans avoir mangé et donne la casserole au chien invisible. Les aboiements associés au bruit dans la casserole et l’attente appliquée de Dimitri créent un temps de suspension angoissante. De même, Flora, la jeune amoureuse qui ne parle que de dessins d’animaux et dont le désir permanent est de maquiller Dimitri, est inquiétante. Elle ne semble pas réelle dans sa manière d’être. Quelque chose dérange dans les comportements ; tous laissent l’impression de n’avoir pas de prise sur le réel. Le spectateur est dérouté par cette distance qui rend les personnages inatteignables, trop lointains. On croirait qu’ils sont hors de portée, déjà pris par leurs rêves ou leurs vies de cauchemar, enfermés dans une attitude dont ils ne sont pas maîtres. Livia, empruntant le sentier qui court derrière la maison, a toujours la même démarche de Chaperon rouge qui a passé l’âge de sautiller comme ça.

Démultiplication de cauchemars

Tout indique donc l’enfermement auquel sont soumis les personnages. Le temps semble tourner en rond. C’est que l’enfant est seul chez lui, livré aux bons soins d’une voisine, tandis que le père, continuel soldat, ou la mère, travaillant en France, ont abandonné leur fils. Situation bien réelle, dans les pays de l’Est, notamment en Roumanie, confie l’auteur, où les parents fuient leur terre en laissant derrière eux leur progéniture. Dimitri en est réduit à vivre dans les murs qui l’entourent, et l’enfermement est pesant (ou lassant). Cependant, les vrais moments d’angoisse – les adultes sauront prendre de la distance, mais les enfants ? – sont ceux où Dimitri s’échappe par le rêve, emporté par Skate, compagnon d’imaginaire. Des projections, en noir et blanc, sur plusieurs baies devenues écrans, laissent apparaître tantôt le père tantôt la mère. Des nuages, des gouttelettes d’eau qui perlent servent de transition du réel au rêve. Cela produit une démultiplication de cauchemars, une errance de l’enfant pour rejoindre les voix, les visages et les corps des absents.

Dimitri choisira de fuir en se métamorphosant en loup. Ou pas. Tué finalement par le père, de retour de la guerre, rendant l’animal responsable de la mort de son fils. Ou pas. La fin garde aussi sa part de mystère. Ce qui semble plutôt sûr, c’est que le moins dangereux, c’est peut-être le loup. La pièce est étrange, c’est un fait. Inattendue aussi pour un jeune public. Elle est aussi violente, non en ce qu’elle dit de l’actualité, dont elle n’est qu’un reflet, mais parce que le climat qu’elle met en place, en particulier sans doute par le choix de mise en scène, peut toucher les peurs les plus profondes. Enfants sensibles, s’abstenir. 

Fatima Miloudi


Qui a peur du loup, de Christophe Pellet

L’Arche éditeur, coll. « Théâtre Jeunesse »

Mise en scène : Matthieu Roy

Dramaturgie : Mariette Navarro

Scénographie : Gaspard Pinta

Costumes : Marine Roussel, assistée de Kéli Alexandre

Lumières : Manuel Desfeux, assisté de Thomas Cottereau

Espace sonore : Mathilde Billaud

Régie son : Baptiste Poulain

Vidéo : Marc Wetterwald

Régie générale et construction du décor : François Bancilhon

Avec : Claire Aveline, Romain Chailloux, Carole Dalloul

Avec la participation d’Évelyne Didi et Michel Quidu

Production : Cie du Veilleur

Coproduction : Théâtre d’Angoulême, scène nationale/ Gallia Théâtre de Saintes, scène conventionnée/ Association S’il vous plaît-Théâtre de Thouars, scène conventionnée/ Le Manège.Mons/ C.E.C.N./ La Maison du comédien-Maria-Casarès/ L’Onde, espace culturel de Vélizy-Villacoublay

Théâtre des Treize-Vents • domaine de Grammont • CS 69060

• 34965 Montpellier cedex 2

Réservations : 04 67 99 25 00

http://www.theatre-13vents.com/Accueil/

Mardi 6 décembre 2011 à 19 heures, mercredi 7 décembre 2011
à 20 h 30, jeudi 8 décembre 2011 à 19 heures

Durée : 1 heure

11,50 € à 24 €

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