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Par LES TROIS COUPS
« Acide lyrique », produit psychédélique
« Acide lyrique » est un petit groupe composé de trois chanteurs lyriques et d’un pianiste, qui ont tout au moins un grand mérite, celui de l’autodérision. Probablement sortis des conservatoires, où ils y ont été dressés au culte de la « grande musique », ils font preuve d’ouverture dans leur répertoire, et d’esprit critique quant à leur métier. Ce qui prouve que le milieu du chant lyrique, contrairement à ce que l’on pourrait penser, n’est certainement pas le plus vieux jeu ni le plus austère…
Acide lyrique commet donc une parodie de l’univers un peu particulier du chant lyrique. Le spectacle est une succession de clins d’œil et de références aux tics, aux manies de ces gens qui ont pour particularité de consacrer toute leur vie à leur organe. On y retrouve la caricature d’une diva grandiloquente mais chantant faux, qui n’écoute qu’elle-même, et fait écho à une certaine Mireille emportée récemment par l’exaltation de la politique. Le ténor, lui, est conforme à la légende, c’est-à-dire sans cerveau. Dans tous les cas, les chanteurs et chanteuses, avant d’entrer en scène, ne manquent pas d’adresser une prière émue à Luciano Pavarotti. Connaissant bien leur sujet, les membres d’Acide lyrique parviennent à tirer jusqu’au maximum les traits les plus caractéristiques et loufoques de leur univers.
© Patrice Nin
Marché opus est formé d’une succession de scènes, qui chamboulent chaque branche de l’art lyrique : l’opérette romantique est triviale, la diva chante faux, le chœur suisse vire à la chanson pailllarde. Le comique naît donc principalement du mélange des genres. Itsi bitsi bikini est chanté en requiem, la Digue du cul en chœur d’église, Prince est interprété par une diva langoureuse… La mise en scène joue également sur le comique de répétition : un seul livret, celui de Conjugale, un obscur écrivain du xixe siècle, est l’unique source d’inspiration des différents exercices de style, opérettes et opéras de toutes les époques, du siècle des Lumières jusqu’au cabaret des années quarante.
J’apprécie beaucoup cette démarche d’autodérision et de piétinement joyeux de tous les codes qui font l’univers lyrique : j’en attends la même chose du jazz ou du rock, des styles qui ont un peu pris le relais ces dernières années, en matière de conformisme… J’aurais tout de même souhaité un peu plus d’énergie dans le jeu, et plus d’engagement dans la démarche de mise à mal des codes et des frontières. Le spectacle est divertissant, mais il m’a manqué de vrais moments de théâtre et de chant, qui fassent contrepoint à la parodie. J’aime qu’un spectacle fasse confiance à toutes mes émotions pour me conduire plus loin, pour faire de moi quelqu’un de plus sensible, et de plus intelligent. J’aurais aimé qu’un vrai clown surgisse au milieu de ces chanteurs, pour faire renouer le rire avec la poésie, regarder le public bien droit dans les yeux, et lui dire : « Vous êtes là, et vous êtes vivants. » ¶
Diane Launay
Les Trois Coups
Marché opus, d’Acide lyrique
Compagnie Acide lyrique • 18, rue de la Digue, appt 220 • 31300 Toulouse
Mis en scène : Christophe Mirambeau
Interprété par Stéphanie Barreau, Omar Benallal, Benoît Duc, Stéphane Delincak
Nouveau Théâtre Jules-Julien • 6, avenue des Écoles-Jules-Julien • 31400 Toulouse
05 61 25 79 92
http://theatre.jules.julien.free.fr
21 et 22 décembre 2007 à 20 h 30
– Le 8 janvier 2008, Scène nationale de Bayonne (64)
05 59 59 07 27
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