Le journal quotidien du spectacle vivant en France. Critiques, annonces, portraits, entretiens, Off et Festival d’Avignon depuis 1991 ! Siège à Avignon, Vaucluse, P.A.C.A.
Par LES TROIS COUPS
Le portrait-robot du quitteur en série
Par Olivier Pansieri
Les Trois Coups.com
Le temps de manger une salade, on remet ça avec : « Comment lui dire adieu », texte de Cécile Slanka mis en scène par Marie-Julie de Coligny, toujours dans le même Lucernaire, par la même troupe de la maison de la culture de Nevers. Après la grosse caisse, la flûte. Moins enchantée qu’empoisonnée et, à la longue, empoisonnante.
Point de départ du spectacle : un recueil de lettres de rupture, plus ou moins imaginaires, à adresser à l’être naguère aimé. Le petit mot vache y répond à la perfidie allusive, la tartine faux-jeton au coup de grâce. Le texte de Cécile Slanka (éditions Liana Levi) est d’autant plus réjouissant qu’il feint de n’être qu’un modeste manuel de « savoir-rompre ». Guitry femme, quelle belle revanche ! On comprend que des gens de théâtre aient eu envie d’en faire un divertissement.
Marie-Julie de Coligny, qui signe ici sa première mise en scène, a de bonnes idées. Celle notamment des brouillons de lettres froissés autour des sièges, chacun à une extrémité de la scène, des deux « adversaires ». Elle songe si peu à cacher sa dette envers les Exercices de style de Queneau qu’elle reprend blanc sur noir sa formule. Au fond, donc, sur l’écran vont s’afficher les titres et commentaires. Souvenir du tableau noir des cancres, que nous devenons dès qu’il faut dire à l’autre ce qui ne va plus.
Comme dans la tirade du nez, chaque modèle de lettre débute par une épithète : « candide, cruel, rhétoricien, télégramme, mélodramatique… ». Qui donne en quelque sorte le la – et le signal de départ – à la prestation du protagoniste. Plus discutables : ces « noirs » (brefs instants où l’on coupe la lumière) et cette table lointaine, où nos deux corbeaux retournent se percher entre deux séries de lettres. Cela ralentit et alourdit une action déjà mince, qui du coup manque de fluidité.
Après tout, aucune de ces lettres ne sera peut-être réellement envoyée ! Voilà qui aurait pu débrider l’imagination de leurs interprètes, qui donnent l’impression de rabâcher. Olivier Breda a les meilleurs textes. Il s’en sort d’ailleurs nettement mieux que sa partenaire Anne-Laure Pons, dont ce n’était peut-être pas le soir. Leurs meilleurs moments : elle dans « Ex » et « Prendre », lui dans la tranquille muflerie des télégrammes et le vengeur « durassien ».
La mise en scène multiplie les clins d’œil à notre quotidien : les textos, les courriels, les messages téléphoniques et autres pauvres substituts au véritable échange qu’est l’amour. Rien n’y fait, le ton reste le même : fielleux, vachard, sans grandes nuances. On a au final une galerie de portraits, qui tourne au portrait-robot du quitteur en série. Restent les tournures assassines de Cécile Slanka, dont j’ai compris qu’il valait mieux rester l’ami. Pour amateurs de rosseries, donc : assénées, susurrées, chantées, dansées, robotisées, pleurées, mais un peu en rond. ¶
Olivier Pansieri
Comment lui dire adieu, de Cécile Slanka
Maison de la culture de Nevers et de la Nièvre
Mise en scène : Marie-Julie de Coligny
Avec : Anne-Laure Pons et Olivier Breda
Création lumière : Fabien Grundheber
Création vidéo : Claire-Marie Leroux
Création sonore : Jean-François Lassalle
Régie générale : Emmanuel Lagarde
Lucernaire • 53, rue Notre-Dame-des-Champs • 75006 Paris
Métro : Vavin ou Notre-Dame-des-Champs
Réservations : 01 45 44 57 34
À partir du 4 juin 2008, du mardi au samedi à 21 h 30
Durée : 1 heure
10 € à 30 €
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