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Par Les Trois Coups
Une enfance assassinée
Par Vincent Cambier
Les Trois Coups.com
Prosper Diss, directeur du Théâtre du Sablier à Orange, a décidé de ne programmer que des « solos » dans son théâtre lors de la saison 2005-2006. C’est une manière futée de contourner les contraintes administratives imposées par la municipalité d’Orange. C’est aussi une forme concrète de combat politique et artistique.
Cela m’est difficile de parler d’un spectacle comme Esther. Très difficile. À plus d’un titre. D’abord, le récit qui nous est conté évoque en son centre une enfance assassinée : le viol d’une fillette par son père. Certes, c’est un sujet qui est traité de plus en plus souvent par les médias. Il n’en reste pas moins le scandale absolu, le seul tabou universel. C’est dire… D’autant qu’Esther Mello nous le balance dans la gueule sans précaution particulière. Et elle a sans doute raison.
Ensuite, la forme du solo impose ici un récit au passé simple, qui est le temps de la narration, le temps de la littérature, qui n’est pas le temps du théâtre. De même qu’il n’y a pas dans Esther, par définition, d’interaction entre deux comédiens ou plus. Il n’y a donc pas, à proprement parler, d’« action théâtrale », la traduction exacte du mot « drame ». Moi, ça me gêne. Bien sûr, certains me rétorqueront que le « dialogue » s’instaure entre le comédien et le public. Mais je prétends que l’impact est plus fort quand deux comédiens s’affrontent.
Enfin, le jeu d’Esther Mello me dérange. J’ai bien compris que Prosper Diss a choisi le parti pris de la sobriété dans la mise en scène et la direction d’acteur. Mais sobriété n’implique pas forcément un ton uniforme, incolore, fade. Esther Mello affiche presque de bout en bout un sourire inoxydable et un phrasé égal quelles que soient les circonstances. Je lui voudrais, par moments, plus de colère et de révolte dans la voix et dans le corps, plus de couleurs, une palette plus étendue. De cette manière, je me sentirais plus impliqué dans ce qu’elle me raconte.
Toutes ces réserves étant émises, je reconnais volontiers que j’ai quand même été touché par ce spectacle, notamment vers la fin, comme si la comédienne avait préparé avec une obstination de longue haleine le terreau de mon émotion pour mieux me clouer sur ma chaise. Sans doute aussi parce que ressort incontestablement la grandeur d’âme de la femme Esther Mello.
Quoi qu’il en soit, Esther n’en est qu’à ses débuts et ne peut que se bonifier. À cet égard, je fais confiance à Prosper Diss et à sa grande expérience professionnelle. ¶
Vincent Cambier
Esther, de et par Esther Mello
Mise en scène : Prosper Diss
Production : Théâtre du Sablier
Théâtre du Sablier • 37, cours Aristide-Briand • Orange
Tél. : 04 90 51 14 03 – Télécopie : 04 90 51 05 94
Site : www.theatredusablier.com
Courriel : isabelle.garcia@theatredusablier.com
– Jeudis 6, 13, 20, 27 octobre 2005 et 3 novembre 2005 à 19 h 30 ;
– vendredis 7, 14, 21, 28 octobre 2005 et 4 novembre 2005 à 20 h 30 ;
– samedis 8, 15, 22, 29 octobre 2005 et 5 novembre 2005 à 20 h 30 ;
– dimanches 9, 16, 23, 30 octobre 2005 et 6 novembre 2005 à 15 heures.
Tarifs : 12 € la place ou abonnement aux 5 solos à 45 €
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