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Par Les Trois Coups
Dernier opéra de la saison à Nice :
ovation pour Marie-Ange Todorovitch
Création originale à Nice, « Orphée et Eurydice » de Gluck, réunissait des pointures de renom comme Mario Guidarini, le directeur de l’Orchestre philharmonique de Nice, Guglio Magnanini, le chef des chœurs de l’Opéra de Nice, et des voix d’or comme celle de Marie-Ange Todorovitch et celle de Brigitte Hool. La direction musicale était confiée à Benjamin Pionnier.
À l’origine, l’opéra de Gluck est révolutionnaire. Orphée inaugure ce qu’il convient d’appeler une rupture, une réforme, une sorte de réaction esthétique contre les excès de l’opera seria. L’œuvre fut créée à Vienne en 1762 et à Paris en 1772. C’est le trentième opéra de Gluck. Ce fut un triomphe qui ne se démentit jamais. Présenté 299 fois jusqu’en 1838 ! Mais il subit de nombreux avatars. Retouché par Berlioz, notamment. Il est important de savoir que les versions originales sont au nombre de deux : la version viennoise en italien et la version parisienne en français pour voix de ténor. Berlioz lui donne en 1859 la version jouée mardi soir à l’Opéra de Nice. Le compositeur a rendu aux partitions la tessiture originale tout en préservant la version parisienne.
Quel plus beau mythe pour un opéra que celui d’Orphée ! Orphée, ce poète dont le chant est capable de toucher les esprits des enfers, devait devenir chanteur. Ce travail de deuil que la liturgie transmet est un motif pour une scène d’opéra. La force du chant de Marie-Ange Todorovitch, dans le rôle d’Orphée, nous transporte aussi. Brigitte Hool lui donne une réplique exacte. À la baguette, les maîtres de musique accompagnés des musiciens du Philharmonique de Nice excellent. Du grand art ! La chorégraphie créée par Ralf Rossa assure aussi un très bel effet. Des danseurs qui savent conjuguer les mouvements à la musique, avec le rythme élégiaque que demande un tel livret. Orphée est celui qui va aux Enfers pour chercher sa bien-aimée défunte. S’il se retourne une seule fois, il perd Eurydice. Hélas, le poète est trop curieux et son entreprise de reconquête est un échec ! L’opéra de Gluck n’en sera pas un.
À l’Opéra de Nice, le rideau s’ouvre sur un décor géométrique très sobre, embelli par une très belle orchestration de lumières. Pionnier, le directeur artistique, a choisi une vision assez traditionnelle de l’opéra. Seul bémol de cette représentation : la mise en scène souffre de l’immobilité des interprètes. Il faut attendre plus d’une heure et demie pour qu’Orphée daigne enfin quitter la position hiératique de l’homme dressé sur son socle. Eurydice, qui l’accompagne, arbore elle aussi cette position frontale qui donne l’effet désagréable d’avoir des récitants plutôt que des protagonistes. On regrette que l’expression de l’élégie soit réservée aux danseurs. En outre, les costumes d’Orphée et Eurydice, en costume de ville et robe du soir rouge, accentuent la froideur des personnages essentiels alors que le chœur est vêtu de façon précieuse. Le décalage ne produit aucun sens et gêne les émotions. Il semble que Ralf Rossa, le metteur en scène et chorégraphe, ait voulu faire du couple un soleil autour duquel évoluent les étoiles-danseurs. Mais ce soleil manque de l’énergie mystique qui doit accompagner Orphée pris dans un projet prométhéen. Ralf Rossa, ancien danseur et chorégraphe, a sans doute dû insister sur la chorégraphie au détriment de la dramaturgie des émotions.
Cependant, Marie-Ange Todorovitch réussit là un coup d’éclat. L’air redoutable, « Amour, viens rendre à mon âme », situé à la fin du premier acte après un moment très calme, est un véritable délice lorsqu’il explose à travers ses vocalises. Le public ne s’y trompe pas et applaudit à la fin de la mélodie. Les musiciens retiennent leur souffle et leur instrument. Il faut dire que le public niçois, et plus largement azuréen, est mélomane, adepte du bel canto. Berlioz avait, en son temps, composé cet aria pour Pauline Viardot. La mezzo-soprano de Nice, à la maturité de son art, tient la cadence. À la fin de la représentation, le public lui offre une ovation. C’est par son talent qu’elle assure le dynamisme de son personnage.
Gluck est toujours apprécié. Mardi soir, le public de l’Opéra de Nice loue encore sa vivacité. Cette œuvre donne une sorte de leçon par un drame lyrique, dont le traitement ressemble fort à notre psychologie moderne. Le héros d’opéra aura désormais des faiblesses, mais continuera à avoir foi dans le caractère civilisateur de son chant… À méditer ! ¶
Thierry Azzopardi
Les Trois Coups
Orphée et Eurydice, de Gluck
Opéra de Nice • 4, rue Saint-François-de-Paule • 06000 Nice
04 92 17 40 79
Direction musicale : Benjamin Pionnier
Mise en scène et chorégraphie : Ralf Rossa
Décors et éclairages : Matthias Hönig
Costumes : Wiebke Horn
Orchestre philharmonique de Nice : directeur musical, Marco Guidarini
Chœur de l’Opéra de Nice, directeur des chœurs, Giuglio Magnanini
Ballet de l’Opéra de Nice
Assistant à la direction musicale : Francesca Tosi
Assistante à la mise en scène : Muriel Peuckert
Chefs de chant : Anthony Ballantyne, Sébastien Driant
Régisseur général : Joël Le Poitvin
Régisseurs de la scène : Zlatica Sami, Carine Messina
Régisseur général de l’Orchestre : Pierre Pesenti
Avec :
– Orphée : Marie-Ange Todorovitch
– Eurydice : Brigitte Hool
– Amour : Sophie Haudebourg
Opéra de Nice • 4, rue Saint-François-de-Paule • 06000 Nice
Réservations : 04 92 17 40 79 | télécopie 04 93 80 15 82
Vendredi 24 avril 2009, dimanche 26 avril 2009 à 14 h 30, mardi 28 avril 2009 et jeudi 30 avril 2009 à 20 heures
De 85 € à 8 €
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