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Par Les Trois Coups
Des provisions de beauté
et de sensualité
Par Vincent Cambier
Les Trois Coups.com
Le groupe Éponim présentait les 28 et 29 avril « Encorcelés » (1), un travail pluridisciplinaire qui se veut « l’essence même d’une poétique de la chair ». Pari réussi dans ce joli petit théâtre très ambitieux, ouvert à l’année et dirigé par un jeune couple craquant.
De quoi est-il question ? Euh… Est-ce qu’on raconte la beauté ? Est-ce qu’on raconte l’étonnement, l’émerveillement, la sensualité, la poésie… ?
Le parti pris déambulatoire, souvent superfétatoire, est ici parfaitement justifié. Car nous allons de surprise en surprise, et il y a une vraie logique artistique dans la démarche d’Éponim.
Le parcours commence avec Christelle Martin, juchée sur les hauteurs, lumineuse, poétesse au sourire fondant, comédienne à la grâce naturelle déconcertante, qui nous emmène sur les ailes du désir. Soif de rêve et d’émotion comblée par les « numéros » joués et dansés, les images qu’Éponim nous propose avec générosité. Nous découvrons ainsi une série de photos de Christian Roger, photos à la fois muettes et parlantes, emplies de visages volontairement lisses, peu expressifs, énigmatiques, ouverts au voyage.
Apparaît alors un bel homme triste, comme éteint et enfermé (Yourik Golovine), à qui Christelle va coudre la bouche d’un fil d’Ariane, comme pour perpétrer une vengeance tardive. Toute cette séquence, à l’instar des autres par la suite, produit des images picturales et dégage une parfaite maîtrise des corps.
Dans l’étape suivante, ourlée d’éclairages savants, Samir el-Yamni et Ana Carolina Moraes dansent une chorégraphie très belle, très sensuelle, avec le fil volé à la fille de Minos et de Pasiphaé.
Puis irruption d’un corps magnifique prisonnier d’une cage de verre (Lionel Hun) tandis que nous nous dirigeons vers une fée qui nous offre a cappella une chanson en vieil irlandais, évasion hors du temps. Nous sommes, une fois encore, sous le charme, conquis.
Plongée, bientôt, vers une terra incognita d’ombres et de lumière. Le photographe (Christian Roger), démiurge omnipotent, observe sa proie – une Noire fœtale (Nouza L. Cortot) – à la lampe de poche et la mitraille sous tous les angles, comme pour mieux lui voler sa vie. Il la tripote, la malmène, la bouscule, fixe son image et la recrée chimiquement, tel un alchimiste moderne. Comme si elle n’attendait que cette permission d’exister, la Noire sculpturale s’élance et danse comme danserait une liane. Nous regardons, médusés, l’éruption volcanique de cette beauté brute, que ses mouvements sortent de sa gangue, taillent et retaillent au fur et à mesure, comme on taille un diamant.
Bientôt, éclôt un bouquet de danseurs androgynes et virils…
Encorcelés est un spectacle, une expérience, un moment de vie qui charrient des provisions de beauté et de sensualité pour longtemps. Il suffit de lâcher prise et de mettre son cerveau au repos. ¶
Vincent Cambier
Encorcelés, du groupe Éponim
De et avec : Samir el-Yamni, Yourik Golovine, Lionel Hun, Christian Roger, Christelle Martin, Ana Carolina Moraes et Nouza L. Cortot
Photos : Christian Roger
Déambulatoire 3D : 1/3 Corps
Musique : Yourik Golovine
Photos : Daniel
Théâtre Golovine • 1 bis, rue Sainte-Catherine • Avignon
Tél. : 04 90 86 01 27
Télécopie : 04 90 14 09 80
Vendredi 28 avril 2006 et samedi 29 avril 2006 à 20 h 30
13 €, 10 € et 7 €
Encorcelés sera repris pendant le Festival d’Avignon, du 7 au 10 juillet 2006 à 22 h 45 au Théâtre Golovine.
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