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Par LES TROIS COUPS
Hymne à l’amour et au respect
Cela faisait très longtemps que je n’avais pas vu un spectacle de danse et j’avais oublié à quel point cet art pouvait autant nous transporter, nous submerger d’émotions. J’avais surtout oublié que le corps pouvait parler, nous parler, de façon peut-être même plus percutante et immédiate que la parole.
Bamboo Blues est la quarante-deuxième création de la très célèbre chorégraphe et danseuse allemande Pina Bausch. Pour ce spectacle, elle s’est fortement imprégnée de la culture indienne, qu’elle a découverte lors de nombreux voyages. En effet, Bamboo Blues a été imaginé et conçu à Calcutta et au Kérala dans le sud de l’Inde. La chorégraphe a emprunté de nombreuses références à l’Inde ancestrale (costumes, musiques, mythologies), mais aussi à la société indienne contemporaine (cinéma). Entre sensualité et performance, Pina Bausch et ses danseurs nous embarquent dans leur univers, magique, profond, festif, charnel. Ce spectacle est un hymne à ce pays, où perdure « un sens de l’amour et du respect ».
Contrairement à ce qu’on a pu voir dans certains de ses précédents spectacles, où la violence était très présente, Pina Bausch nous propose ici des images assez tendres, voire humoristiques (notamment un irrésistible défilé de mode en sari). Elle se sert de l’Inde pour nous montrer le chaos dans lequel se trouvent les Occidentaux en ce qui concerne les rapports humains. Elle dit d’ailleurs : « Depuis que le monde est devenu si dur, je n’ose plus chorégraphier de scènes de violence. Le monde entier a peur, et il revient aux artistes de rendre l’espoir, en rappelant la beauté du monde et de certaines relations humaines. »
« Bamboo Blues » | © L. Philippe
Pina Bausch se sert de la danse pour faire une étude sociologique. Et quel meilleur outil pour parler d’humanité que le corps humain lui même ? Dans Bamboo Blues, le travail sur les corps et ce qu’ils expriment est absolument extraordinaire. Ce qui m’a le plus troublée, c’est cette passion quasi animale qui les anime. Les mouvements des danseurs ne répondent à aucun code. Pina Bausch ne travaille pas sur des pas de danse bien précis, mais pousse à leur paroxysme les possibilités anatomiques de chaque danseur. De cette liberté corporelle naissent des chorégraphies qui font appel directement à tous nos sens. On vit chaque mouvement avec le danseur. Les corps s’expriment, aiment, souffrent, se débattent, se défendent. Sans mots ou presque, les danseurs établissent des situations, nous transmettent des émotions. Ils nous parlent de relations hommes-femmes, de solitude, de jalousie, de séduction. Pas besoin de texte, le corps dit tout, avec précision. Bamboo Blues est un spectacle indéfinissable, mené par dix-sept danseurs tous plus talentueux et singuliers les uns que les autres. Les solos sont d’ailleurs de véritables moments de grâce.
Pina Bausch a véritablement révolutionné le monde de la danse en créant le concept de Tanztheater (théâtre de la danse). Et ce n’est pas pour rien que tous ses spectacles se jouent à guichets fermés, c’est somptueux ! Bamboo Blues ne déroge pas à la règle, c’est complet, archicomplet. Si vous avez la chance d’avoir une place, je vous promets que vous allez passer un moment mémorable. Si ce n’est pas le cas, ruez vous dès l’ouverture de la billetterie de son prochain spectacle… ¶
Jeanne C.
Les Trois Coups
Bamboo Blues, de Pina Bausch
Mise en scène et chorégraphie : Pina Bausch
Avec : Pablo Aran Gimeno, Rainer Behr, Damiano Ottavio Bigi, Clémentine Deluy, Silvia Farias, Nayoung Kim, Eddie Martinez, Thusnelda Mercy, Jorge Puerta Armenta, Asuza Seyama, Franko Scmidt, Shantala Shivalingappa, Fernando Suels Mendoza, Kenji Takagi, Anna Wehsarg, Tsai Chin-yu
Décor et vidéo : Peter Pabst
Costumes : Marion Cito
Collaboration musicale : Matthias Burkert, Andreas Eisenchneider
Assistants à la mise en scène : Marion Cito, Daphnis Kokkinos, Robert Sturm
Assistante décor : Gerturb Stoffel
Assistante costumes : Svea Kossak
Directrices de ballet : Christine Biedermann, Christine Kono
Direction technique : Jorg Ramershoven
Direction lumières : Cordelia Muhlenbeck, Lars Priesack, Jo Verlei
Son : Karsten Fischer
Techniciens plateau : Dietrich Roder, Martin Winterscheidt
Accessoiriste : Thomas Ahrens
Habilleurs : Silvia Franco, Andreas Maier
Thérapeute en shiatsu : Ludger Muller
Ostéopathe : Didier Brissaud
Théâtre de la Ville • 2, place du Châtelet • 75004 Paris
Réservations : 01 42 74 22 77 ou www.theatredelaville-paris.fr
Du 16 juin au 2 juillet 2008 à 20 h 30, dimanche 22 juin 2008 à 17 heures
Durée : 2 heures
30 € | 23,5 €
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