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Par Les Trois Coups
Une fête sous tension
Par Élise Ternat
Les Trois Coups.com
Dans la lignée d’une programmation consacrée à des auteurs contemporains, le Théâtre Les Ateliers présente ces jours-ci l’excellent texte de Spiro Scimone « la Festa », mis en scène par Gianfelice Imparato, avant de poursuivre sur « la Busta » du même auteur.
Une scène de vie ordinaire et terriblement pathétique dans la cuisine d’une famille sicilienne, tel est le programme de la Festa. « La Festa » vous avez dit ? Oui, malgré les apparences, ce jour n’est pas si ordinaire qu’on pourrait le croire. C’est aujourd’hui que l’on fête les trente ans de mariage d’un couple auquel on n’espère ne jamais pouvoir s’identifier, mais qui semble pourtant très vite familier…
Le public est tout d’abord heurté par une appréhension, celle du surtitrage en français. En effet, la pièce est en italien. Heureusement, cette inquiétude laisse bien vite place à un naturel va-et-vient visuel de la scène à l’écran. Ce dispositif permet ainsi d’appréhender la pièce dans tout ce qu’elle a de plus vrai, de plus italien dirons-nous, et la langue se fait ainsi entendre comme une caresse.
La scénographie signée Sergio Tramonti consiste en un sommaire intérieur de cuisine. Les objets et divers plats servis par la mère se limitent à des bols jaunes et sales, et à des caisses de rangement. Pourtant, on entre très vite dans l’univers de cette famille et l’apparente austérité n’est en réalité qu’un des moyens de mettre en branle l’imagination du spectateur, qui devient, comme le souhaite le metteur en scène, actif. Plus généralement, c’est un théâtre du réel que propose l’auteur, au sens d’« un théâtre où les choses sont mieux vécues qu’elles ne seraient mal jouées dans la vie ».
Le jeu est tendu, empli d’une violence sourde, comique parce que cruelle. La tension est palpable dans les dialogues, notamment entre la madre et le padre, où l’on crie plutôt qu’on ne parle. Les répliques assassines sont lancées comme des couteaux. Les rapports entre les personnages sont troublants, car ils fonctionnent comme des leitmotive. Les sujets du quotidien – le temps qu’il fait, le café, la lessive – reviennent au fil des discussions sous de nouvelles formes et côtoient des procédés de comique de répétition. Le fils, future réplique du père, alcoolique, tyrannique et bedonnant, bénéficie de la bienveillance de sa mère. Une véritable mamma hyper protectrice et autoritaire qui rêve de marier son fils à la fille de la vendeuse de légumes, « intacte », comme elle-même l’était, trente ans auparavant.
Enfin, les silences ont une place d’honneur dans ce théâtre qui ménage des plages au public pour le laisser réfléchir. La musique qui s’apparente à du jazz manouche, tonique et entraînante, ponctue certains moments où les corps des comédiens sont figés.
La pièce se termine pourtant très vite. Trop vite ? On aimerait que ces cinquante minutes d’immersion dans la cuisine de cette famille dure davantage. Tout au long de cette pièce, la tension est à son comble, mais n’explose jamais. Parce que, là encore, plus que la recherche de l’explosion, c’est la transmission qui prime. Le spectateur doit davantage entendre, comprendre et sonder les non-dits.
La Festa est un fort et intense moment de théâtre, une pièce exigeante avec des comédiens attachants comme on aimerait en rencontrer plus souvent. Une excellente découverte qui rappelle une nouvelle fois l’intérêt de la création théâtrale contemporaine par-delà les frontières hexagonales. ¶
Élise Ternat
La Festa, de Spiro Scimone
Mise en scène : Gianfelice Imparato
Assistant mise en scène : Leonardo Pischedda
Avec : Francesco Sframeli, Nicola Rignanese, Spiro Scimone
Scénographie : Sergio Tramonti
Musique : Patrizio Trampetti
Production : compagnia Scimone Sframeli
L’Arche est éditeur et agent théâtral du texte représenté
Spectacle accessible aux personnes malentendantes
Théâtre Les Ateliers • 5, rue du Petit-David • 69002 Lyon
http://www.theatrelesateliers-lyon.com
contact@theatrelesateliers-lyon.com
Réservations : 04 78 37 46 30
Salle Arthur-Adamov, du 10 au 12 décembre 2008 :
Mercredi 10 décembre à 19 h 30
Jeudi 11 décembre à 19 h 30
Vendredi 12 décembre à 20 h 30
20 € | 14 € | 10 €
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