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12 octobre 2012 5 12 /10 /octobre /2012 17:37

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11 octobre 2012 4 11 /10 /octobre /2012 20:17

Jean-Guy Mourguet


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Les Trois Coups.com


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Guignol | © D.R.

Guignol est orphelin. Jean-Guy Mourguet, son dernier papa, celui qui l’a fait grandir et évoluer avec son temps, celui qui lui a donné son petit côté chansonnier, a rejoint son ancêtre Laurent Mourguet, le créateur en 1808 de cette belle figure qui, pour tous nos compatriotes, est synonyme de marionnette. Plusieurs générations se seront ainsi succédé jusqu’à aujourd’hui, toute une dynastie lyonnaise, depuis le jour lointain où, pour nourrir sa famille, ce canut habile de ses mains inventa Guignol, puis sa femme Madelon et son compère Gnafron.

Jean-Guy Mourguet était le directeur du Théâtre municipal de Guignol dans le Vieux-Lyon, un lieu inspiré qui perpétue la tradition des spectacles de marionnettes, au premier rang desquelles le remuant Guignol, né de la rencontre entre le monde ouvrier contestataire et un art populaire par excellence. Guignol est triste, mais il n’est pas seul. Le musée Gadagne de Lyon et le musée-théâtre de Brindas s’occupent de lui. Les enfants de France continueront à le réclamer. Il est immortel.

Recueilli par

Vincent Cambier

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11 octobre 2012 4 11 /10 /octobre /2012 18:49

Gueule de bois


Par Trina Mounier

Les Trois Coups.com


Faire un spectacle sur Charles Bukowsky dont la vie fut mise en scène, mise en roman, dont la vie même donna lieu à plusieurs personnages de roman autobiographique, c’est entrer dans un vertige et… une impasse.

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« Bubu’s Blues » | © Trina Mounier

C’est pourtant le parti pris de Marie-Paule Laval qui cosigne la mise en scène et la conception du spectacle avec Bruno Boëglin, qui attire sur son seul nom un large public. On doit à ce grand poète de la scène quelques‑uns des plus beaux spectacles des trente dernières années, il est vrai. Mais ce spectacle‑ci, disons‑le tout net, ne fait pas partie de ceux qui s’impriment dans la mémoire.

L’idée des deux metteurs en scène – mais le projet, semble‑t‑il, est plus collectif (et familial) que cela puisque le fils du couple, Romain, signe la dramaturgie et l’autre fils, Seymour, la bande‑son, le reste de la distribution (une douzaine de personnes sur la petite scène de L’Élysée) étant composé d’une bande de copains – est de livrer un show, à la Andy Warhol, en hommage à Henry Chinaski, un des nombreux alter ego de l’auteur.

Des scènes d’ivrognerie…

Show, il y a bien. Andy Warhol, par contre, est plus difficile à trouver… Comme est quasi invisible tout parti pris de mise en scène. On retiendra de ces courtes scènes successives des scènes d’ivrognerie, avec immense frigo rempli jusqu’à la gueule de bière, des personnages qui ont du mal à tenir debout, jettent par la fenêtre tout ce qui leur passe par la main, parlent de cul, rigolent, etc.

Au passage, on discerne la silhouette d’Arthur Miller qui fut son ami, on évoque Kerouac, on récite un poème, on fait référence au long passé de postier de Bukowsky, entre autres. Mais on n’apprend guère du rêve d’écrivain, de la passion des livres de l’auteur, de ce qui fit de lui, derrière le provocateur, le fou, l’ivrogne, un poète à la renommée internationale que d’aucuns élèvent au rang d’Hemingway. Ni d’ailleurs de sa vie misérable… On en reste à l’écume des jours, aux images partout véhiculées, notamment par le sujet lui‑même. Seule vraie réussite, l’enchaînement des musiques… 

Trina Mounier


Bubu’s Blues, d’après Charles Bukowski

Mise en scène : Marie-Paule Laval et Bruno Boëglin

Dramaturgie : Romain Laval

Jeu : Laeticia Lalle Bi Bennie, André Blatter, Bruno Boëglin, Cathy Chancrin, Jean‑Louis Delorme, Catherine Ducarre, Matthieu Grenier, Marie‑Paule Laval, Romain Laval, Julien Negulesco, Gérard Fontaine, Nicole Marcey

Avec la voix de Gordon Hart

Scénographie et lumière : Seymour Laval

Création son et saxophoniste : Olivier Granger

L’Élysée • 14, rue Basse-Combalot • 69007 Lyon

www.elysee.com

theatre@elysee.com

04 78 58 88 25

Du 8 au 13 octobre 2012 à 19 h 30

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11 octobre 2012 4 11 /10 /octobre /2012 16:22

Invitations


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Les Trois Coups.com


– 20 places en invitation, le samedi 13 octobre à 20 h 30

– 20 places en invitation, le dimanche 14 octobre à 16 heures

Réserver par courriel à l’adresse suivante : accueil@top-bb.fr et impérativement avant vendredi 12 octobre à 17 h

« Le Système Ribadier », de Georges Feydeau (en collaboration avec Georges Hennequin)

Théâtre de l’Ouest-Parisien • 1, place Bernard-Palissy • 92100 Boulogne‑Billancourt

Voir la critique de Vincent Morch pour les Trois Coups

Mise en scène : Jean-Philippe Vidal, assisté de Pierre-Benoist Varoclier

Collaboration artistique : Denis Loubaton

Costumes : Fanny Brouste

Création lumières : Thierry Robert

Création son : Alexandra Plavsic

Création image : Damien Villière

Construction scénographie : Ateliers de la Comédie de Reims

Avec : Hélène Babu, Gauthier Baillot, Loïc Brabant, Ludmilla Dabo, Pierre Gérard, Pierre‑Benoist Varoclier

Théâtre de l’Ouest-Parisien • 1, place Bernard-Palissy • 92100 Boulogne‑Billancourt

Recueilli par

Vincent Cambier

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11 octobre 2012 4 11 /10 /octobre /2012 13:15

Le Bourg-Neuf en danger


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Les Trois Coups.com


Si le Théâtre du Bourg-Neuf tel qu’on le connaît aujourd’hui existe grâce aux actions de Dominique Fataccioli et son équipe, ils n’ont pour autant jamais été propriétaires de ses murs. Ainsi en 2010, le propriétaire change et ne renouvelle pas le bail du théâtre qui prenait fin au mois de mai dernier. Celui‑ci ne compte pas simplement récupérer le lieu, mais bien reprendre l’activité théâtre construite au fil des années par l’équipe du Bourg‑Neuf. Une action judiciaire est donc en cours et s’est pour le moment révélée en défaveur du Bourg‑Neuf.

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Les conséquences pour le théâtre et son équipe seraient catastrophiques, car il ne s’agit pas là uniquement pour des salariés de perdre leur emploi et de voir le fruit de trente ans de travail s’envoler, mais il s’agit avant tout d’un énième lieu de culture qui se voit contraint de fermer. Un lieu de création artistique ouvert toute l’année au cœur même d’Avignon, un lieu de rencontre et de partage pour le public, pour tous les habitants de cette ville qui risque de disparaitre. L’investissement financier et humain au fil des ans a été considérable, recommencer ailleurs et de zéro serait impossible.

Le Bourg-Neuf c’est :

– Plus d’une quarantaine de spectacles pour la saison d’octobre 2011 à juin 2012.

– Près de 20 000 spectateurs pour le Off 2012.

– 16 compagnies en résidence depuis 2006.

– 40 concerts dans le cadre des éditions du festival Passion d’avril.

– 11e édition en 2012 du festival Passion d’avril.

– Plus de 3 150 spectateurs pour J’ai bien fait de venir ! spectacle créé en novembre 2010 en coproduction avec la Cie Les Sujets de l’improvisation.

– Près de 650 spectateurs pour Improland en 2012.

– Des créations originales en coproduction.

– Des ateliers toute l’année…

Le Bourg-Neuf en quelques mots…

Au début de l’aventure, le Bourg-Neuf est encore un simple garage, et bien loin d’un théâtre. À force de passion et de travail, Dominique Fataccioli, son directeur, ainsi que son équipe, forge petit à petit une fabrique à rêves et à imagination.

Lieu de création dès 1982, puis théâtre ouvert au public depuis 1985, l’enseigne du Théâtre du Bourg‑Neuf est créée en 1988, et parce que les projets évoluent et que les envies et les avis changent, les statuts sont modifiés pour pouvoir donner au Théâtre du Bourg‑Neuf un plus large champ d’action, et laisser ainsi sa porte ouverte à toutes propositions. Le Théâtre du Bourg‑Neuf devient alors l’un des théâtres permanents d’Avignon, faisant tout son possible pour être l’un des acteurs de la vie culturelle de la ville durant toute l’année. Il est reconnu pour sa programmation de qualité et pour le confort de ses deux salles auprès des spectateurs, des compagnies et des musiciens.

Lieu d’accueil historique, chaleureux, nid à frissons et à émotions, le Théâtre du Bourg‑Neuf programme les plus grands auteurs de Rimbaud à Yourcenar en passant par Hugo ou Zola. Il laisse aussi chaque année une part à la création contemporaine et à la nouveauté.

Le Bourg-Neuf se bat…

Le Bourg-Neuf met tout en œuvre pour informer et alerter son public, mais aussi tous les Avignonnais sur sa situation avant qu’il ne soit trop tard. Ainsi un week-end de soutien est en cours d’organisation, au cours duquel se produiront, entre autres, les compagnies Semioprod et Les Sujets de l’improvisation.

Une pétition a été lancée le 5 octobre 2012, ainsi qu’une page sur Facebook « Bourg‑Neuf en danger » pour permettre à tous de manifester un soutien et de se mobiliser autour du théâtre. À ce jour, plus de 500 signatures et des messages d’encouragements sur notre adresse de courriel endanger@bourg-neuf.com ont été recueillis.

C’est cette mobilisation, de la part du public, mais aussi des artistes qui ont eu un jour l’occasion de se produire au Bourg‑Neuf qui donne aujourd’hui à l’équipe le courage de continuer à se battre pour faire vivre encore longtemps ce théâtre.

Recueilli par

Vincent Cambier


Théâtre du Bourg-Neuf • 5 bis-7, rue du Bourg-Neuf • 84000 Avignon

04 90 85 17 90

endanger@bourg-neuf.com

http://www.bourg-neuf.com/

https://www.facebook.com/pages/Bourg-Neuf-en-danger/228393673839281?ref=tn_tnmn

Pour signer la pétition :

http://www.petitionpublique.fr/?pi=P2012N29813

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10 octobre 2012 3 10 /10 /octobre /2012 21:04

Un beau voyage

à travers la langue


Par Léna Martinelli

Les Trois Coups.com


Le festival de Limoges s’est achevé le 6 octobre 2012 avec le concert de Jupiter qui a enflammé la scène du Magic Mirror. Au total, plus de 15 000 spectateurs ont suivi le programme de cette 29e édition, un voyage pour mieux comprendre cet Autre, si loin, si proche. Arrêts sur images de quelques temps forts.

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« C gens‑là » | © Patrick Fabre

Cette édition a accueilli 17 spectacles, dont 5 créations et 4 premières en France, 11 concerts, 10 lectures, 6 débats ou rencontres et 2 expositions. Le but : « se rassembler autour d’artistes francophones, jouer avec les mots, les images, les idées, solliciter nos émotions et nos souvenirs […] pour contribuer à garder en vie la part de nous‑mêmes qui refuse de considérer l’autre comme un ennemi ». Un festival d’autant plus indispensable que le racisme devient quasi ordinaire.

Un bon bilan

Si les chiffres sont bons, le bilan doit avant tout être qualitatif. Marie‑Agnès Sevestre, la directrice du festival, se félicite justement de l’accueil de la population, car, pour elle et son équipe, c’est important d’associer les Limougeauds à la fête. Ainsi, Nous sommes là ! a emmené près de 1 200 spectateurs sur le parcours chorégraphique conçu pour la soirée d’ouverture, qui a associé professionnels et amateurs de tous âges et de toutes origines.

Les habitants de Limoges et des villes alentours – car le rayonnement du festival est bien plus que régional (des lycéens du Mans, de Paris et de Nantes sont même venus pour l’occasion !) – ont le goût des belles rencontres. Toutes les manifestations à entrée libre ont affiché complet. Sur le champ de Juillet, au cœur de la ville, les deux chapiteaux nouvellement implantés, dont le superbe Magic Mirror qui date des années 1920, offraient une diversité de propositions dans une ambiance conviviale : restaurant, librairie, signatures, lectures, propositions jeunes publics, concerts…

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« Remise du prix S.A.C.D. de la dramaturgie francophone à Larry Tremblay » | © Christophe Péan

Les activités littéraires proposées par la maison des Auteurs (« L’Imparfait du présent », « Les Caribéennes »…) ont aussi rencontré un public encore plus nombreux que les années précédentes, ce qui traduit un réel intérêt du public pour ces formes amenant à découvrir des auteurs et leurs œuvres par le moyen de mises en espace. Révéler des écrivains, voilà le rôle de la maison des Auteurs ; défendre leurs droits et les soutenir, telle est précisément la mission de la S.A.C.D. qui a remis le prix S.A.C.D. de la dramaturgie francophone à Larry Tremblay (Québec) pour Cantate de guerre parue aux éditions Lansman. Une pièce sur la transmission de la violence d’un père mercenaire à son fils, une écriture tout en muscles, nourrie de la chair poétique des mots de la haine, une tragédie contemporaine qui nous rappelle la violence de la guerre. Le texte bénéficiera prochainement d’un enregistrement sur France Culture dans le cadre de ses fictions.

Mais le cœur de la programmation des Francophonies, ce sont bien sûr les spectacles, ces représentations qui augmentent le rythme cardiaque de ceux qui sont sur scène, mais aussi des spectateurs. Cette année, les émotions ont pu être vives, comme celles suscitées par le dérangeant Plan américain d’Évelyne de la Chenelière et Daniel Brière, deux auteurs québécois qui ont plongé leurs personnages au cœur de la turbulence terroriste. Autre spectacle « uppercut », celui du Belge Fabrice Murgia : Life : reset. Une exploration vertigineuse des nouvelles formes de solitude. Parmi les temps forts de cette édition, ce spectacle fait partie de ceux qui ont été particulièrement plébiscités. Et pas uniquement par les jeunes qui en comprennent bien le langage, mais par toutes les générations qui y trouvent matière à leurs angoisses les plus profondes.

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« Life : reset » | © Cici Olsson

Ultramoderne solitude

Dans l’appartement d’une grande ville, une jeune femme se cogne au réel, souffre de la solitude. Elle trouve refuge dans une existence virtuelle grâce aux réseaux sociaux. Mais ses « amis » ne la consolent que pour un temps. Entre fantasmes, souvenirs et réalités, le personnage bascule peu à peu dans des mondes parallèles, un entre‑deux proche de la folie. Comme l’indique le titre de la pièce, la vie, telle quelle, devient impossible au point d’être réinitialisée comme un ordinateur défectueux que l’on formate.

Brouillant les frontières entre réel et illusion, Fabrice Murgia nous conte cette fuite dans les paradis virtuels par le prisme des caméras, celle de la webcam placée sur l’ordinateur de la jeune femme, celles de surveillance, nombreuses dans nos villes modernes. Un langage cinématographique au service du propos, terriblement efficace car anxiogène à souhait. Cette réflexion sur la déshumanisation de nos sociétés n’est pas nouvelle, mais elle est très aboutie. Ici, le fond et la forme sont en parfaite adéquation.

Dans cette société de l’hypercommunication, la vie file et se fige par écrans interposés. Sans paroles, cette pièce mise plutôt sur le mélange ingénieux de vidéo, techniques 3D et théâtre. Le dispositif scénographique, adapté, nous montre la jeune femme sous tous les angles. Ce jeu complexe de miroirs est soutenu par un paysage sonore et visuel très travaillé. Un trip hypnotique, une création originale sur le rôle de l’image et des nouvelles technologies au théâtre, qui touche à l’endroit juste en parlant directement à nos sens. Quelle force de frappe ! Life : reset n’est pas qu’un choc rétinien, c’est une œuvre puissante qui confirme, après le Chagrin des ogres (prix Odéon-Télérama et prix du Public décernés au festival Impatience 2010), la maturité stylistique de cet artiste d’à peine trente ans. Associé au Théâtre national de Bruxelles, il a créé quatre autres spectacles à découvrir avec autant de passion.

Des pièces d’une actualité brûlante

Chambre d’écho du monde, les spectacles programmés aux « Francos » évoquent souvent les conflits du moment. Ainsi, dans My name is…, Dieudonné Niangouna (souvent invité aux Francophonies et artiste associé du Festival d'Avignon 2013) choisit des mots imagés et tranchants pour dire la violence de son pays, la République démocratique du Congo. Aristide Tarnagda (Burkina-Faso) parle, lui, de mémoire et d’identité, dans Terre rouge qui traite du thème – universel – de l’exil et de la séparation.

Guerres, droits de l’homme bafoués, migrations, colonisations, les clins d’œil à l’histoire ne manquent pas non plus. Par exemple, Invisibles questionne l’héritage silencieux des Chibanis, les travailleurs immigrés algériens, ces laissés pour compte de la société industrielle française. Une pièce émouvante qui ausculte les plaies anciennes entre l’Algérie et la France. Dans la même veine sociale, Afropéennes mis en scène par Eva Doumbia (Cameroun / France), d’après des textes de Léonora Miano, évoque la vie de ces femmes d’origine africaine nées en France, confrontées à la fois au racisme ordinaire et aux pesanteurs de leur culture d’origine.

L’incroyable richesse de la scène actuelle

Autant de formes qui ne revendiquent aucune unité, mais au contraire une pluralité des genres, le festival révèle l’incroyable richesse de la scène actuelle. Rien de commun entre le moderne Ivanov Re / mix du Belge Armel Roussel, une variante de la pièce de Tchekhov qui mixe allègrement version comique et tragique, et la Paix, des compagnies Vincent‑Colin (France) et Landy‑Volta‑Fotsy (Madagascar), comédie sociale et musicale librement inspirée d’Aristophane, qui détourne les contes traditionnels. Rien de commun, non plus, entre l’écriture douloureuse et acérée du Montréalais Philippe Ducros qui livre l’Affiche, après avoir séjourné trois fois de suite dans la zone israélo-palestinienne, et l’humour de Gustave Akakpo (Togo / France) qui choisit, quant à lui, de se moquer des rois, empereurs et autres figures dictatoriales africaines. Rien de commun, enfin, si ce n’est le besoin d’appréhender la scène comme lieu de liberté.

Et cette génération en prise avec les réalités contemporaines ne manque pas de talent, ni pour dénoncer l’absurdité de systèmes, ni pour partager leurs utopies. Ces artistes venus d’horizons si lointains nous font si bien entendre les rumeurs de la langue française. Témoigner, résister, vaille que vaille, voilà leur credo. Comme les Francophonies, finalement ! « Après cinq ans qui ont vu la destruction programmée du soutien aux artistes étrangers et le désengagement envers la francophonie, nous sommes là ! », ironise Marie‑Agnès Sevestre. D’où le titre de la soirée d’ouverture…

En effet, malgré les difficultés financières aggravées (la directrice doit composer avec un budget artistique diminué d’un quart depuis son arrivée en 2006), les Francophonies continuent. Avec l’envie que le festival soit là encore longtemps ! D’ailleurs, la 30e édition qui aura lieu du 25 septembre au 5 octobre 2013 se prépare déjà : collectifs d’auteurs, prochaine carte blanche confiée à Heddy Maalem, projet de création avec Philippe Delaigue et quatre auteurs africains… Un nouveau cap, d’autres aventures créatrives, pour une solidarité et une ouverture accrues. 

Léna Martinelli


Les Francophonies en Limousin

En association avec le Théâtre de l’Union-C.D.N. du Limousin, l’Opéra Théâtre Limoges, les centres culturels municipaux de Limoges, Scène conventionnée pour la danse, le Théâtre Expression 7, l’espace Noriac, la B.F.M. de Limoges, l’espace du Crouzy à Boisseuil

Du 27 septembre au 6 octobre 2012

www.lesfrancophonies.com/index.html

Accueil • 11, avenue du Général-de-Gaulle • 87000 Limoges

Réservations : 05 44 20 22 17

accueil@lesfrancophonies.com

Tarif unique : 10 € par spectacle

Entrées gratuites (dans la limite des places disponibles) : spectacle d'ouverture Nous sommes là !, expositions, concerts et spectacles et goûters-concerts au Magic Mirror (champ de Juillet), lectures, rencontres et débats

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10 octobre 2012 3 10 /10 /octobre /2012 18:01

Lorsque les arts se rencontrent


Par Diane Launay

Les Trois Coups.com


Avec « Requiem pour Camille Claudel » et « les Cahiers de Nijinski », deux monologues proposés judicieusement en diptyque, la compagnie Jean‑Séraphin interroge le champ d’action du théâtre aujourd’hui. Une belle perspective à la croisée des arts…

nijinski-300 dr Le diptyque s’ouvre avec Requiem pour Camille Claudel, porté par la comédienne Sarah Darnaud. Sur le plateau nu, dépouillé, celle‑ci s’empare du texte tiré du célèbre roman Une femme, Camille Claudel, paru en 1982. L’adaptation pour la scène a été réalisée par la romancière elle‑même, Anne Delbée, dont l’œuvre littéraire a été essentielle quant à la reconnaissance et à la notoriété de Camille Claudel. Un touchant dialogue entre les arts, où le roman initie à la sculpture… Les mots d’Anne Delbée permettent de saisir le sens, l’importance et la beauté d’un art trop souvent perçu comme purement esthétique, un art de décoration de cathédrales dans le meilleur des cas, de ronds‑points dans le pire ! La littérature peut être un moyen d’accès aux autres arts. Proust en a fait la démonstration dans À la recherche du temps perdu : théâtre, peinture, musique, n’y sont pas de simples objets de divertissement. Les arts y sont le lieu d’une exploration active des mystères de l’âme et du corps, des méandres du désir, de la nature opaque de l’intériorité humaine.

Cette exploration, la sculpture de Camille Claudel y invite avec force, car elle est charnelle, agitée de mouvements contradictoires, qui semblent animer ses personnages. Elle déclenche un choc sensoriel qui dépasse la dimension esthétique. Elle touche, chez celui qui regarde, quelque chose de physique, de sensible, d’impatient, qui donne d’irrépressibles envies de courir, de danser, d’embrasser… L’écriture poétique de la romancière sublime le travail de la sculptrice, et la comédienne en retransmet le rythme, l’exigence et l’incandescence. L’actrice est ici narratrice et n’incarne pas le personnage de Camille Claudel. Une distanciation qui peut laisser au spectateur un léger sentiment de regret, frustré du personnage sulfureux, sensuel, colérique, fascinant de Camille. Sarah Darnaud reste‑t‑elle peut‑être un peu trop polie, un peu trop lisse ? Elle apparaît presque, grâce à un dispositif vidéo, comme une sculpture de Camille qui se serait mise à raconter la vie de sa créatrice. Le corps nerveux, à la plastique ciselée de Sarah Darnaud pourrait être celui d’une danseuse de ballet saisi par Camille. Un bel hommage… sobre et loin des clichés romantiques.

L’écriture de Nijinski brûlante, lumineuse et inquiétante

Le mouvement est à l’œuvre dans la sculpture de Camille Claudel, et il est au cœur de la vie du danseur Vaslav Nijinski qui occupe le deuxième volet du diptyque. Théâtre, littérature, sculpture et danse ne cessent donc de s’interroger en miroir… Les Cahiers de Nijinski ont été rédigés de manière fulgurante en l’espace de six semaines seulement, au terme desquelles le danseur prodige, à vingt‑neuf ans et au sommet d’une carrière mondiale, bascule dans la folie. Un danseur écrivain ? Contre toute attente, l’écriture de Nijinski est assurément brûlante, lumineuse et inquiétante comme celle d’Artaud dans l’Ombilic des limbes. Elle est aussi laborieuse, éreintante, car Nijinski, aux prises avec sa folie, se débat dans un ressassement d’où finissent par jaillir de sublimes et surprenants chemins. Quel plaisir de le suivre sur les routes enneigées où les étoiles et les arbres parlent ! Quel plaisir de suivre ses conférences à l’absurdité dadaïste sur les stylos à plume bouchés, considérés comme preuves de la nouvelle conspiration capitaliste mondiale…

Il y a du Dostoïevski chez Nijinski, la ferveur, la naïveté et la violence d’un Raskolnikov ou d’un frère Karamazov. Comment expliquer que le danseur Nijinski fasse preuve, à travers cette écriture douloureuse, véritable chemin de croix, d’un tel talent poétique ? Comment devient‑on écrivain en six semaines ? De quoi remettre en question la définition du talent et du génie. Et si c’était la ferveur le plus important ? Et si c’était la révélation de son propre destin qui faisait l’artiste ? « Je suis Dieu », « je suis un tremblement de terre », écrit Nijinski. Reynald Rivart incarne cet être à vif, comme il se doit, avec ferveur… C’est émouvant, fascinant, drôle. L’acteur sculpte un personnage dense, léger et aérien. Et l’on en revient à Camille Claudel, et à la manière dont l’acteur, dans son travail, se sert de sa propre matière physique et verbale pour produire un nouvel être de chair et d’esprit. Un véritable acte de création, et pas seulement d’interprétation.

Toutes les passions créatrices

Pour ce diptyque, le metteur en scène Alain Piallat a choisi un plateau nu, une simple boîte noire au centre duquel se place l’acteur. On pourrait regretter l’absence de décors, de matières, de couleurs ? Un certain minimalisme ? Ce serait négliger le fait que l’espace scénique est ici une chambre d’écho où sont convoquées toutes les passions créatrices. Elles y résonnent de leur force. Chaque forme d’art ne contient‑elle pas toutes les autres ? C’est la question que l’on peut se poser à la vue de ce diptyque. Le théâtre peut contenir la littérature, la sculpture, la danse, la poésie, la peinture. La littérature peut introduire la sculpture qui peut contenir la danse qui peut contenir la poésie. Et ainsi de suite… Au final, un infini de possibilités d’embrasser la vie… Avec ferveur, de préférence. 

Diane Launay


Requiem pour Camille Claudel, d’Anne Delbée et les Cahiers de Nijinski, de Vaslav Nijinski

Compagnie Jean-Séraphin • 44, avenue de Grande‑Bretagne • appartement 4 • 31300 Toulouse

09 50 50 86 52

06 74 42 88 00

Courriel : jean.seraphin@gmail.com

Mise en scène : Alain Piallat

Avec : Sarah Darnaud, Reynald Rivart

Création lumière : Arnô Veyrat

Photo : D.R.

Théâtre du Grand-Rond • 23, rue des Potiers • 31000 Toulouse

Site du théâtre : http://www.grand-rond.org

Courriel de réservation : contact@grand-rond.org

Réservations : 05 61 62 14 85

Du 2 au 6 octobre 2012 à 21 heures

Durée : 1 h 45

12 € | 10 € | 8 € | 6 €

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10 octobre 2012 3 10 /10 /octobre /2012 15:39

Un Feydeau au top

et au T.O.P. !


Par Vincent Morch

Les Trois Coups.com


Une femme, un mari, un amant : comment, de cette sainte trinité du théâtre de boulevard, tirer des situations inédites à même de surprendre les spectateurs les plus blasés ? Dans « le Système Ribadier », Georges Feydeau apporte à ce problème des réponses jubilatoirement délirantes, que Jean‑Philippe Vidal et ses comédiens servent ici de main de maître. Un pur chef‑d’œuvre !

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Hélène Babu (Angèle) et Pierre Gérard (Ribadier)

© Christophe Raynaud de Lage/Wikispectacle

L’être humain, paraît-il, est capable de s’adapter à tout. Même devant les problèmes les plus épineux, même dans les situations les plus désespérées, son intelligence et son imagination lui conféreraient le pouvoir de trouver solutions et salut. Ainsi, lorsque l’ingénieur Ribadier (Pierre Gérard) s’est‑il trouvé en butte à la jalousie maladive d’Angèle son épouse (Hélène Babu) – il faut préciser que la malheureuse avait été trompée de façon éhontée par son défunt premier mari –, il a, à sa manière, fait honneur à l’espèce humaine en inventant une manière tout à lui d’endormir sa méfiance…

Las, comme toujours chez Feydeau, les plus belles mécaniques sont faites pour s’enrayer. En l’espèce, le grain de sable prend ici la taille et la figure de Thommereux (Loïc Brabant), un ancien soupirant d’Angèle, qui, par amitié envers son premier mari, avait pris le chemin de l’exil pour s’éviter de le trahir. De retour de sa lointaine Batavia, apprenant le remariage de la belle, il décide de prendre enfin ce qu’il considère comme son dû…

Des sommets de délire et d’absurde

Hommes, femmes, ingénieurs, marchands de vin, tout le monde ici en prend pour son grade. Sous le regard d’outre-tombe de feu Robineau, le premier mari d’Angèle (son visage est projeté sur le fond de la scène), se met en place un démantèlement méthodique de la raison et des apparences qui atteint des sommets de délire et d’absurde.

Les qualités intrinsèques de la pièce sont servies par une mise en scène particulièrement rythmée. La scénographie est sobre mais efficace (sur le plateau noir sont disposés symétriquement, côté cour et côté jardin, deux portes blanches et deux moitiés d’un canapé mauve). Les répliques fusent et font mouche, les acteurs bougent, occupent l’espace : une grande vitalité, un plaisir communicatif se dégagent grâce à eux de la scène.

Tous maîtrisent leur rôle sur le bout des doigts, et transcendent des scènes qui atteignent en elles-mêmes des sommets de drôlerie. Ainsi de celle‑ci, d’anthologie, où Angèle contraint Ribadier à rejouer la scène précédente, au cours de laquelle il s’était fort compromis, en alexandrins (pour s’en sortir, Ribadier avait en effet prétendu qu’il répétait une pièce de théâtre avec son club). Où l’on constate que les ingénieurs ne font pas toujours de très bons poètes ! J’ai aussi été particulièrement impressionné par l’interprétation de Savinet (le cocu de Ribadier, marchand de vins à Bercy de son état) par Gauthier Baillot, que j’ai trouvée d’une justesse et d’une fluidité qui frôlaient la perfection.

Il reste peu de temps pour voir ce Système Ribadier : courez-y ! 

Vincent Morch


Le Système Ribadier, de Georges Feydeau (en collaboration avec Maurice Hennequin)

Mise en scène : Jean-Philippe Vidal, assisté de Pierre-Benoist Varoclier

Collaboration artistique : Denis Loubaton

Costumes : Fanny Brouste

Création lumières : Thierry Robert

Création son : Alexandra Plavsic

Création image : Damien Villière

Construction scénographie : Ateliers de la Comédie de Reims

Avec : Hélène Babu, Gauthier Baillot, Loïc Brabant, Ludmilla Dabo, Pierre Gérard, Pierre‑Benoist Varoclier

Théâtre de l’Ouest-Parisien • 1, place Bernard-Palissy • 92100 Boulogne‑Billancourt

Réservations : 01 46 03 60 44

http://www.top-bb.fr/theatre-de-louest-parisien-calendrier/spectacle/2012-10/6-le-systeme-ribadier.html

Du 6 au 14 octobre 2012, du mardi au samedi à 20 h 30, dimanche à 16 heures

Durée : 1 h 45

27 € | 22 € | 12 € | 10 €

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9 octobre 2012 2 09 /10 /octobre /2012 13:56

Série noire


Par Trina Mounier

Les Trois Coups.com


Septième répétition publique hier soir pour « Liberté à Brême », la deuxième pièce montée en dix jours par l’équipe antithéâtre de Gwenaël Morin. Septième répétition et, en principe – c’est du moins ce qui nous a été annoncé – seule du genre dans ce décor si éloigné des habitudes scénographiques du metteur en scène (plateau dégagé et nu habité en permanence par les comédiens), farce d’un soir… Dommage ! Parce que le résultat, tel quel, est époustouflant. Et l’essai tout à fait convaincant.

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« Liberté à Brême » | © Trina Mounier

Geesche est une jeune femme allemande d’une petite ville de province au destin tout tracé : fille d’une mère aigrie et d’un père despotique, elle est mariée à un petit patron, qui gère son affaire en bon père de famille et la bat copieusement, s’enivre avec ses copains, n’en peut plus des chiards qui hurlent derrière la porte. Elle, sainte femme, subit, se consolant parfois d’une chanson devant le crucifix.

En apparence, car, subrepticement, naît en elle la revendication d’être une personne pensante. Et, dans le même temps, la recherche du plaisir, c’est‑à‑dire avant tout l’objectif d’aplanir les difficultés en les supprimant. Le mari se plaint ? Qu’à cela ne tienne ! Les enfants font trop de bruit ? On va remédier à tout ça. Le frère veut reprendre le contrôle de l’affaire ? Un coup d’éponge (ou plutôt de poison), et on efface tout. Ou comment une femme effacée devient une tueuse en série qui opère sans culpabilité, pour faire plaisir, d’abord à elle‑même il est vrai, pour arrondir les angles… Mais aussi comment elle revendique le droit d’accueillir l’homme qu’elle va choisir dans son lit, car la pensée chez Fassbinder est intimement liée au désir, et la liberté, y compris sexuelle, toujours porteuse de désordre politique. Qu’est‑ce qui est premier ? Bien malin qui le dira.

Barbara Jung complètement allumée

La construction de la pièce est formidablement habile, et l’on passe d’un crime à l’autre comme par enchantement. Sans que Geesche en paraisse véritablement affectée, sans que personne ne songe à imaginer semblable diablerie. Et cela donne quelques numéros plus féroces et plus drôles les uns que les autres : l’amant refusant les avances de sa belle parce qu’on est en plein jour ; la mère – Nathalie Royer à contre-emploi – se plaignant de l’immoralité de sa fille et agitant l’anathème ; les enfants (en coulisses) caquetant à s’éclater les poumons sur l’air de Frère Jacques ; le père – extraordinaire Renaud Béchet – au bord de la crise de nerfs devant le refus d’obéissance de sa fille ; la diseuse de didascalies, au déhanché suggestif quand elle se mue en Christ sur la croix… Et toujours Barbara Jung, dont la prestation dans le rôle de Geesche montre l’ampleur de l’éventail de jeu : elle passe de la femme épuisée à l’amante dévorante sans transition, complètement allumée et avec cependant une grande sobriété d’interprétation. Jusqu’à Gwenaël Morin qui, perché en haut d’une échelle, intervient dans la petite maison de papier construite avec des bouts de bois et des bouts de ficelle pour donner ses consignes.

Tout cela est drôlissime et profondément jubilatoire à tous les étages. Parce qu’il n’est pas courant de pouvoir rire autant et sans arrière-pensée des malheurs du pauvre monde, parce que la mécanique est parfaitement huilée, parce que Gwenaël Morin se moque des codes du théâtre, parce que ses comédiens sont décidément virtuoses, et surtout complètement engagés, donnant du coffre et des tripes, parce que ce type de théâtre est évidemment généreux et partageur. Vivement la suite… 

Trina Mounier


Liberté à Brême, de Rainer Werner Fassbinder

Deuxième des quatre pièces majeures du répertoire de Rainer Werner Fassbinder montées en quarante jours (chaque pièce est jouée successivement les dix premiers jours de chaque mois de septembre à décembre) par Gwenaël Morin / Antiteatre

Avec : Renaud Béchet, Julian Eggerickx, Pierre Germain, Barbara Jung, Alexandre Michel, Ulysse Pujo, Elsa Rooke, Nathalie Royer, Brahim Tefka

Théâtre du Point-du-Jour • 7, rue des Aqueducs • 69005 Lyon

www.lepointdujour.fr

Réservations : 04 78 15 01 80

Du 1er au 10 octobre 2012 à 20 heures

Durée : 1 h 30

Pass Antiteatre : 20 €

Salle Jacques-Brel • 42, avenue Édouard-Vaillant • Pantin

Mardi 15 octobre 2013 à 19 h 30

Métro : Aubervilliers - Pantin-4-Chemins

Réservations : 01 49 15 41 70

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9 octobre 2012 2 09 /10 /octobre /2012 11:38

Fabriquer à vue un langage physique


Par Johanne Boots

Les Trois Coups.com


Confronter, le temps de la représentation, l’éphémère d’une chorégraphie à l’éternité de chefs-d’œuvre musicaux : c’est l’expérience que propose Meg Stuart avec « Built to Last », le dernier spectacle de sa compagnie Damaged Goods. Cinq brillants interprètes réagissent à des pièces maîtresses de l’histoire de la musique et esquissent une réflexion pleine de légèreté sur le rapport de l’homme à l’art.

built-to-last-300 julian-roder Comment le monument, cette trace du passé, s’intègre‑t‑il dans le présent ? La question, lancée incidemment par un danseur au cours de la représentation, est en fait le point de départ du spectacle Built to Last. Et les monuments dont il s’agit ici, ce sont ceux de la musique. Sergeï Rachmaninov, Ludwig van Beethoven, Iannis Xenakis, Meredith Monk, Arnold Schoenberg : des compositeurs qui ont profondément influencé l’histoire de la musique et dont les œuvres, devenues canoniques, ont réussi l’exploit de rendre éternel cet art du passage et de l’instant.

Travailler avec une musique préexistant au spectacle est une première pour Meg Stuart. D’ordinaire, la bande-son de ses pièces est élaborée en parallèle de la chorégraphie, au cours des répétitions. Cette fois‑ci, en collaboration avec Alain Franco, la chorégraphe américaine a sélectionné, en amont du processus de création, des œuvres classiques et contemporaines. Les danseurs sont placés face à l’énormité de ces morceaux majeurs. Véritable élément déclencheur, chaque nouvelle musique suscite un tableau, une danse, une histoire. Et si le monument, bien loin de rester figé dans un passé intouchable, était un socle sur lequel se construisaient d’autres œuvres, elles-mêmes monuments en devenir ? C’est ce que suggère cette pièce où le spectateur voit sa perception – du temps, de l’espace, des situations – sans cesse renouvelée, au gré des constructions qu’imaginent sur scène les cinq tumultueux interprètes.

Jeux de construction

Car la pièce tout entière tourne inlassablement – et parfois à vide – autour de l’idée de création. Détruire, reconstruire, déconstruire, digérer l’existant et le recomposer sous une forme nouvelle, telle est l’action que nous rejouent continuellement Dragana Bulut, Davis Freeman, Anja Müller, Maria F. Scaroni et Kristof Van Boven. La très belle scénographie de Doris Dziersk leur offre d’ailleurs d’innombrables terrains de jeu. Il y a là une maquette géante de dinosaure en bois, démontée avant d’être ensuite réassemblée en une sculpture instable, un nouveau monstre créé à partir des restes du premier. On retient aussi cet imposant mobile en suspension au‑dessus du plateau, et qui, lorsqu’il s’anime, semble prendre la forme d’un système solaire que défie paisiblement l’une des danseuses coiffée d’une perruque marquise.

En écho à cet espace modulable à l’envi, le corps des danseurs devient lui‑même surface de construction. Ainsi du jeu à huit mains des interprètes qui, allongés au sol, fabriquent à vue un langage physique, à mi‑chemin entre le morse et la langue des signes. Ou bien de l’accumulation, sur les têtes et les torses, d’accessoires de bric et de broc qui dessinent aux danseurs des silhouettes disproportionnées. Transformés en figures faussement primitives, ils se lancent dans une transe étrange, où affleurent avec humour les clichés occidentaux sur les danses rituelles.

Et c’est là que réside la force de ce spectacle : au questionnement aride de l’idée de création répond l’expérimentation non sérieuse. Certaines scènes, rappelant l’esthétique du cinéma muet, plongent la salle dans une hilarité incontrôlable. Face à l’ampleur du monument, la compagnie Damaged Goods propose l’appropriation (ré)créative. Rien ne se perd… 

Johanne Boots


Built to Last, de Meg Stuart

Compagnie Damaged Goods • O.L.V. Van Vaakstraat 83 • 1000 Bruxelles

0032 2 513 25 40

Site : www.damagedgoods.be

Courriel : info@damagedgoods.be

Chorégraphie : Meg Stuart, assistée d’Ana Rocha

Dramaturgie : Bart Van den Eynde, Jeroen Versteele

Dramaturgie musicale : Alain Franco

Avec : Dragana Bulut, Davis Freeman, Anja Müller, Maria F. Scaroni, Kristof Van Boven

Design sonore : Kassian Troyer

Scénographie : Doris Dziersk, assisté d’Anna Hentschel

Costumes : Nadine Grellinger, assistée d’Ann‑Kristin Danzinger

Création lumière : Jürgen Tulzer, Frank Laubenheimer

Vidéo : Philipp Hochleichter

Direction technique : Olivier Houttekiet

Chargée de production : Eline Verzelen

Dramaturgie interne : Carlotta Scioldo

Photo : Julian Röder

Production : Damaged Goods, München Kammerspiele

Kaaitheater • 19, square Sainctelette • 1000 Bruxelles

www.kaaitheater.be

Réservation : 0032 2 201 59 59, du mardi au vendredi de 11 heures à 18 heures

Du 4 au 6 octobre 2012 à 20 h 30

Tournée :

– Stadsschouwburg, Louvain, Belgique, le 11 octobre 2012

– Hebbel am Ufer, Berlin, Allemagne, du 10 au 12 janvier 2013

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