Et l’homme dans tout ça ?
Propos engagés, structure en mosaïque et mise en scène un brin sophistiquée… « La Première Fois que la nuit est tombée » embarque le spectateur dans un voyage métaphysique, entre anges et démons.
Quelques craquements d’allumettes, deux, trois étincelles et un chuchotement obstiné : « Y’a quelqu’un ? Dites, y’a quelqu’un ? » Sur scène, la nuit noire. Jusqu’à ce qu’on trouve l’interrupteur. Le thème est lancé. La lumière – Dieu, autrement dit – en définitive, c’est quoi ?
Dans cette pièce, il n’y aura pas mille pistes. Dieu est un concept, une marque – G O D – lancés par une petite troupe de belliqueux voulant dominer l’humanité. Les anges, des êtres sans sexe ni cervelle, observateurs oisifs et impuissants du grand spectacle du monde. L’Église, une grande firme pourvoyeuse de slogans publicitaires façon « Norwich Union », avec un serveur vocal accessible sept jours sur sept.
© Ernesto Timor, pour le Théâtre du Menteur
Et l’homme dans tout ça ? Souvent apeuré, il se réfugie dans le dernier lieu de prières, une cabine téléphonique, où, plié en deux, il tente de garder l’espoir, accroché à son combiné… « Veuillez ne pas quittez, le Tout-Puissant va donner suite à votre appel. » Parfois aventurier, il tente de s’émanciper, assumant ses désirs et ses interrogations. « Est-ce que je suis toute seule, est-ce qu’il y a des gens qui pensent comme moi, qui sont petits comme moi, qui n’ont pas l’impression que ça ira mieux dans la vie éternelle […] ? » confie ainsi la jeune femme aux petites peurs et sous-vêtements coton.
Malgré un propos dense et grave, la pièce se déploie avec légèreté. Les scènes très courtes permettent de varier les registres et les styles : aigreur grotesque, candeur étouffante, chant révolté, danse vibrante, monologue émouvant… La fluidité est d’autant plus remarquable que tout se crée sous l’œil du spectateur, les effets visuels et sonores comme les métamorphoses des comédiens incarnant tour à tour les prophètes, les anges et les hommes.
Dans ce deuxième volet de Trois utopies pour un désastre, François Chaffin, auteur et metteur en scène, donne à réfléchir sur la (non-) place de la foi dans le monde contemporain. Le message passe. Mais peut-être aurait-il gagné en épaisseur si les effets techniques s’étaient faits plus discrets, soulignant plutôt que de brouiller le texte et la voix. Quant au Théâtre de Bligny, dont François Chaffin est également directeur artistique, il se situe au cœur du centre médical de Bligny afin de favoriser la rencontre des personnes hospitalisées et des publics extérieurs. Une belle initiative, qui interpelle. Et s’il n’y avait rien, hormis l’humanité ? ¶
Élise Abib
Les Trois Coups
La Première Fois que la nuit est tombée, de François Chaffin
Compagnie Théâtre du Menteur
Metteur en scène : François Chaffin
Texte édité en octobre 2007 aux éditions Le Bruit des autres
Dramaturgie, recherches textuelles : Jean-François Patricola
Avec : Serge Barbagallo, Thierrry Barthe, Violaine de Carné, Céline Liger, Virginie Peres
Création sonores et régie de façade : Olivier Métayer et Nicolas Verger
Architecture sonore et instrumentation : Bernard Garabédian
Images, vidéo : Murielle Félix
Costumes : Bruno Jouvel
Création lumière, régie en scène : Isabelle Picard et François Chaffin
Fabrication, transformation, accessoires : Jean-Yves Perruchon
Pour en savoir plus sur le projet artistique de Trois utopies pour un désastre :
www.theatre-de-bligny.com/trois-oratorios/pages/pfqlnet-presentation.html
Théâtre de Bligny • centre médical de Bligny • 91640 Briis-sous-Forges
Programmation : www.theatre-de-bligny.com
En voiture, à 50 minutes de Paris
Réservations : 01 69 26 10 39
Du 13 au 20 octobre 2007
Durée : 1 h 45
10 € tarif plein | 6 € tarif réduit (moins de 25 ans, étudiants, chômeurs) | 3 € tarif solidaire (patients de l’hôpital)