Lettres de Mathilde
Mathilde Sincy est une jeune fille bourgeoise née en 1602 et enterrée en 1625 au couvent de Port-Royal-des-Champs. Son existence n’est pas certaine, mais on a retrouvé des lettres, qu’elle aurait écrites à son entourage, dont sa mère, son cousin, ou l’homme qu’elle devait épouser. Recueil de pensées féminines et intimes, qui ont fait l’objet d’un roman adapté ici sous une forme originale.
Bien lointaine pourrait nous sembler a priori cette femme d’un xviie siècle naissant… Pourtant, ses réflexions, ancrées dans un contexte historique et social, recèlent des thèmes centraux qui nous traversent tous, encore et toujours, comme le rapport à la mère, l’amour, la sexualité, la religion, le doute.
Le lien qui les unit intrinsèquement les uns aux autres est évident et il apparaît clairement dans la pièce. Elle a le mérite, de ce point de vue, d’être assez pédagogique pour ceux, peut-être jeunes, qui s’ouvriraient nouvellement à ces questionnements. Pour les spectateurs un peu plus avertis, l’intérêt réside davantage dans le travail de leur exposé. Il n’y a pas de fausse note ou d’exagération sur cette scène dépouillée : une estrade ronde et blanche encercle bien l’intimité de cette femme, tout en nous la livrant.
© Isabelle Dansin
Deux comédiennes, opposées par leur âge, s’unissent dans le récit fervent de leur texte et forment un binôme intéressant. Elles passent d’un discours à un autre, tantôt racontant l’histoire, tantôt récitant les lettres, tantôt incarnant directement tel ou tel personnage, afin de faire apparaître progressivement la vie de Mathilde Sincy. Celle-ci est également évoquée à travers l’expression corporelle des comédiennes, dont les gestes apparaissent comme autant de symboles. Les instruments – une contrebasse, un violon et un violoncelle – interviennent au même titre avec harmonie et expressivité, sans créer de rupture et pour accentuer le caractère dramatique de l’histoire.
Mais on peut sortir de ce spectacle avec une légère sensation de manque, difficile à définir. Peut-être vient-elle de l’absence de comédien masculin, qui aurait très bien pu trouver sa place dans le récit d’une vie certes courte, mais également marquée par les hommes. Son absence apparaît donc peu compréhensible. Ou peut-être est-ce le décalage entre une recherche manifeste et sincère de profondeur dans la mise en scène et un texte qui demeure un peu fragile. ¶
K. R.
Les Trois Coups
La Vie de Mathilde Sincy, de Dominique Chryssoulis
Mise en scène : René Albold
Composition musicale pour trio à cordes : Pierre Feyler
Avec : Marie-Berthe Bornens et Moana Ferré
Et Pierre Feyeler (contrebasse), Françoise Perrin (violon), Ingrid Scoenlaub (violoncelle)
Scénographie : Isabelle Dansin
Création lumière : Laurent Vergnaud
Régisseur général : Philippe Bocage
Construction décor : Alain Dufourq
Administration : Corinne Drouet
Théâtre de l’Opprimé • 78-80, rue de Charolais • 75012 Paris
Réservations : 01 43 40 44 44
Métro : Dugommier
Du jeudi 22 novembre au samedi 22 décembre 2007
Du mercredi au samedi à 20 h 30, dimanche à 17 h
En matinée : les samedi 1er, 8 et 15 décembre à 16 h 30
Durée du spectacle : 1 h 5