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7 décembre 2008 7 07 /12 /décembre /2008 21:34

Voulez-vous ouïr les cris

de Paris ?


Par Céline Doukhan

Les Trois Coups.com


Si, pour vous, un récital de chansons françaises du xvie siècle paraît aussi excitant qu’un bol de camomille, alors prenez une bonne résolution et promettez-vous d’assister au prochain concert de l’Ensemble Clément-Janequin. Dès qu’ils arrivent sur scène, on pressent que ces sept-là (cinq chanteurs et deux instrumentistes) ont envie de nous surprendre, pouffant déjà dans leur nœud papillon.

Le programme de ce concert proposait un parcours intitulé les Cris de Paris, au cours duquel alternent chansons enlevées, parfois paillardes, et airs plus lents et mélancoliques. C’est le premier mérite de ce concert : montrer la grande variété de la production de chansons profanes en France à la Renaissance. On est également surpris devant la grande fantaisie et la liberté de ton de ce répertoire, qui comprend de nombreux passages imitatifs, véritables morceaux de bravoure pour les interprètes. Exigeant une technique impeccable, sans laquelle ce joyeux chaos serait rapidement inaudible, ces morceaux n’en demandent pas moins beaucoup d’autodérision. En effet, notamment dans les airs de Janequin, les paroles se transforment fréquemment en série d’onomatopées imitant le Chant des oiseaux (un des grands succès du compositeur !) ou les divers bruits de la Guerre, ou encore, sans doute le plus hilarant de tous, la Chasse. Dans cette pièce fameuse en son temps, les voix imitent des cris de piqueux, des aboiements, mais chacun toujours dans son registre, la palme revenant à la voix de haute-contre, la plus aiguë, excellente dans le registre du petit roquet !

Engagement mais aussi maîtrise sont donc au rendez-vous, car il faut dire que l’on a affaire à des pointures : créé il y a trente ans, l’ensemble est aujourd’hui une des références internationales en la matière. Les voix sont toujours parfaitement calées, l’articulation précise même si nous n’entendons qu’imparfaitement cet ancien français légèrement exotique. Curieusement, les passages les plus grivois, eux, n’échappaient pas au public. Mystères du cerveau humain…

© Koen Broos

Cet ensemble est en outre aussi étonnant à voir qu’à entendre. Avec sa longue crinière blanche et ses deux grands anneaux dorés aux oreilles, Dominique Visse ressemble à un pirate qui aurait roulé sa bosse sur toutes les scènes du globe. « À l’abordage ! », semble-t-il lancer à ses collègues. L’image, donc, mais aussi et surtout le son. Le récital fait en effet réfléchir. Dominique Visse est haute-contre, c’est-à-dire la plus aiguë des voix d’homme. D’où vient que cette voix nous semble si étrange par rapport aux autres ? La voix inférieure en terme de hauteur, celle de ténor, se fond nettement plus avec celle des barytons et de la basse. Souvent la haute-contre se fond elle aussi finement avec les autres, preuve que Dominique Visse sait fort bien adapter sa voix. Mais souvent aussi, la voix se détache, par son timbre très aigu et son intensité. D’où une grande efficacité dans les passages comiques (façon Michel Serrault et sa biscotte dans la Cage aux folles), mais aussi parfois l’impression pour l’auditeur d’un frottement, de quelque chose, non pas de faux, mais de légèrement discordant, un peu comme si une trompette (juste) se mettait à jouer au milieu d’un quatuor à cordes. Comment expliquer ce sentiment d’inquiétante étrangeté ? Peut-être notre oreille, avec les siècles, a-t-elle tout simplement perdu l’habitude de ce type de voix, qui a quasiment disparu des répertoires dès la fin du xviiie siècle ?

En tout cas, ce concert a, si besoin était, montré tous les attraits et toute la modernité de ce répertoire. C’est finalement dans les vieilles marmites qu’on fait les meilleures camomilles. La, la, beuvons don ! 

Céline Doukhan


Les Cris de Paris, par l’Ensemble Clément-Janequin

http://www.ecj.dominique-visse.com/index-f.html

Avec : Dominique Visse, haute-contre ; Hugues Primard, ténor ; Vincent Bouchot et François Fauché, barytons ; Renaud Delaigue, basse ; Éric Bellocq, luth , Élisabeth Geiger, orgue et épinette

Théâtre des Abbesses • 31, rue des Abbesses • 75020 Paris

Métro : Abbesses

Réservations : 01 42 74 22 77

www.theatredelaville-paris.com

Le 6 décembre 2008 à 17 heures

17 € | 12 €

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